Le
prix de l’innovation
Mathieu
Ozanam
12
juillet 2002
"Nous
ne voulons pas que le médicament soit pris en otage par les pouvoirs
publics et nous n'accepterons pas qu'il serve exclusivement à financer
les déficits ou à ajuster les financements dont les caisses (d’assurance
maladie) ont besoin pour leur politique". Tout en se félicitant
de l’accord sur le passage du C à 20 €uros, Jean-Pierre Cassan,
président du SNIP a tenu à mettre le nouveau ministre de la santé
en garde. Il est vrai que l’industrie pharmaceutique, qui se plaint
d’être injustement pris pour bouc émissaire, a été régulièrement
mise à contribution ces dernières années, étant accusée de participer
au creusement des déficits de l’assurance maladie. Sa politique
commerciale offensive tant auprès des médecins qu’en direction du
public est mise en cause. La revue médicale indépendante Prescrire
dresse ainsi un constat mitigé de l’activité des visiteurs médicaux.
Son réseau de médecins, qui note ces derniers anonymement après
chaque visite, juge que 2/3 d’entre eux négligent de préciser les
contre-indications, effets indésirables et interactions médicamenteuses
des produits qu’ils présentent. Autre motif d’accusation, le service
médical rendu (SMR). Sur 4490 médicaments remboursés, l'Agence française
de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) a évalué que
835, soit près de 20 % des médicaments sur le marché, avait
un faible SMR. Pourtant l’assurance maladie, qui rembourse près
de 100 milliards de francs de médicaments par an, n’a pas pris les
mesures qui s’imposaient compte tenu des résultats présentés, brouillant
ainsi la compréhension du grand public.
Innovants
ou non ?
La revue Prescrire
ne manque pas de dresser chaque année un bilan des nouveaux médicaments
commercialisé, aussitôt contesté par le SNIP. Ainsi pour 2001, Prescrire
juge que 25 médicaments apportent des avancées thérapeutiques, tandis
que le syndicat de l’industrie pharmaceutique en recense 59. Aux Etats-Unis,
un rapport de la National Institute for Health Management Foundation,
un organisme financé en partie par les compagnies d'assurance, souligne
que deux tiers des nouveaux médicaments découverts entre 1989 et 2000
étaient des variations de molécules existant déjà. C’est à un exercice
similaire que s’est livré Paul-Etienne Barral en retraçant "26
ans de résultats de la recherche pharmaceutique dans le monde (1975-2000)".
Cette longue période permet de remettre en perspective les innovations
de ces dernières années en étudiant 1375 médicaments répartis en 4
catégories. Paul-Etienne Barral estime que :
- 10 %
des molécules ayant une nouvelle structure chimique ont un apport
thérapeutique (catégorie A),
- 20 %
des molécules ayant une structure chimique déjà connue ont un
apport thérapeutique(catégorie B),
- 14 %
des molécules ayant une nouvelle structure chimique n’ont pas
un apport thérapeutique,
- 56 %
des molécules ayant une structure chimique déjà connue n’ont pas
un apport thérapeutique.
Une
mondialisation plus rapide
L'auteur
a limité le champ de son étude à un G7 Pharma, composé des Etats-Unis,
du Japon, de l'Allemagne, de la France, de l'Italie, du Royaume-Uni,
du Japon et de la Suisse. L'Amérique du Nord, le Japon et l'Europe
représentaient 74 % du marché mondial en 1999. Paul-Etienne
Barral considère qu’un médicament est mondialisé quand il est commercialisé
dans la totalité des pays de ce G7 (18 % ) et internationalisé
(56 %), lorsqu’il l’est dans la majorité du G7 Pharma. Il note
l’accélération du processus de mondialisation : en 1975, 11 %
des médicaments l’étaient en 5 ans, 25 plus tard, c’est le cas de
97 % d’entre eux. On peut y voir un effet positif de la reconnaissance
réciproque des médicaments qui ont obtenu une autorisation de mise
sur le marché auprès de l’EMEA et l’harmonisation des procédures
avec la Conférence Internationale d’Harmonisation des conditions
techniques d’enregistrements des médicaments (Lire ICH
5 : harmoniser le dossier technique). L’ambition de cette
organisation est de faire converger les procédures d’enregistrement
des nouveaux médicaments de ces trois grandes zones afin d’internationaliser
le marché pharmaceutique en réduisant les coûts de développement.
Des
coûts de développement importants
Selon
Barral, les faibles prix des médicaments n’autorisent pas un dégagement
de fonds suffisamment importants pour alimenter la R&D. Une
infime partie des molécules testées sera évaluée dans des essais
cliniques, qui devront ensuite démontrer l’efficacité de la molécule.
C’est pourquoi le développement est si coûteux. Les estimations
varient beaucoup selon les observateurs. Barral a calculé que les
molécules de la catégorie A ont nécessité un investissement de 1824 milliards
de dollars, celle de la catégorie B 912 milliards de dollars,
760 pour la C et 305 pour la D. Aux Etats-Unis, le Tufts
Center for the Study of Drug Development a évalué qu’en 2000, les
laboratoires avaient investi 11 années de travail et 800 millions
de dollars en moyenne de la découverte de la molécule à la commercialisation
du médicament. Public Citizen, souvent critique à l’égard de l’industrie
pharmaceutique, évalue à 110 millions de dollars le coût de
développement moyen.
Le
retard européen
Prenant
la parole le 25 juin 2002 à l’assemblée annuelle de la Fédération
Européenne des Associations de l’Industrie Pharmaceutique (EFPIA),
Philippe Busquin, commissaire européen à la recherche a insisté
sur la concurrence qu’exercent les Etats-Unis. "Nous ne pouvons,
bien entendu, pas attendre de l’industrie pharmaceutique qu’elle
investisse autant dans la recherche que les Etats-Unis si la valeur
du marché européen continue à ne représenter que la moitié de l’américain,
en particulier si elle ne semble pas encourager l’introduction de
médicaments innovants". La Commission a investi près de 1 milliard
d’€uros dans la recherche dans le domaine de la santé dans le cadre
de son 5ème programme cadre (1998-2002) principalement
pour les biotechnologies, le développement de vaccins et la compréhension
des maladies ainsi que les méthodes de délivrance des nouveaux médicaments
utilisant les nanotechnologies. Dans le nouveau plan (2002-2006),
en particulier dans sa dimension des sciences de la vie, la Commission
est susceptible de doubler ce montant.
Alors
maîtrise des dépenses de santé ou soutien aux produits innovant,
faudra-t-il choisir ? La fin de la maîtrise comptable annoncée
par le nouveau ministre de la santé, marquerait un premier pas dans
cette direction ?
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12
juillet 2002
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Etude
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Le
pionnier des e-Pharmacies
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