Didier
Ménard
Président
de la
Coordination nationale des Réseaux
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"Le
projet d’intranet des réseaux en partenariat avec France Telecom
sera présenté au Congrès de juin."
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Qu’est-ce qui a déclenché votre manifeste alors même qu’on avait
l’impression que les réseaux de soins avançaient grâce aux fonds
distribués par le FAQSV ?
Nous
avons décidé en 1999, d’aider les réseaux à passer de « réseau
de soins » à « réseau de santé » : le réseau
est conçu comme un outil d’amélioration de la santé de la population
et non pas l’amélioration du fonctionnement de l’offre de soins.
Or, ceci doit aborder une dimension beaucoup plus large, que nous
appelons médico psycho-sociale, que celle des soins stricto sensu.
Les réseaux depuis 15 ans ont montré leur efficacité dans ces dimensions,
même si au départ ils avaient été conçus comme des réseaux sur des
pathologies précises : c’est une évolution qui s’est faite
naturellement.
Or cette
réforme est pénalisée par la tendance actuelle de la réflexion sur
le système de santé qui n’est centrée que sur l’approche offre de
soins et coût de cette offre, ce qui nous paraît complètement réducteur.
Ce que nous avons su faire est ainsi complètement laissé à la marge
de cette réflexion. Les organisateurs du système de santé instrumentalisent
le concept de réseau en fonction de leurs propres problèmes institutionnels :
par exemple, quand l’hôpital a un problème, il se tourne vers les
réseaux pour soulager ses problèmes, par exemple en cancérologie.
Il
est certes important de repenser le système de l’offre de soins,
mais nous avons très peur que le concept de réseau soit utilisé
uniquement dans ce but. Les expériences réussies sont actuellement
laissées encore de côté. Les informations disponibles actuellement
sur les financements du FAQSV montrent que sont privilégiées des
actions soit disant innovantes en laissant de côté les initiatives
déjà en place. Par exemple, je ne conçois pas qu’un projet de dossier
médical informatisé partagé (DMIP) sans véritable réalité de réseau
derrière obtienne un million de Francs, bien que je sois très en
faveur du développement de l’informatisation des données de santé.
D’autre
part, il est inadmissible que les présidents d’Urcam donnent unilatéralement
la priorité du fonds régional au financement de tel ou tel type
de projets, par exemple dans le domaine de la gérontologie. Dans
le même ordre d’idée, il est anormal que dans certaines régions,
à la demande des URML, le FAQSV ne finance que des projets où les
libéraux sont leaders. Bien sûr, ce type de dysfonctionnements existent
ailleurs, ne soyons pas naïfs, mais pour nous il est inhérent à
la manière dont le FAQSV est conçu : nous considérons cette
structure comme un « sous Soubie… ».
Pourtant, la CNR conseille à ses adhérents de constituer leurs demandes
de financement auprès de ce fonds ?
Ceci
peut paraître paradoxal : nous conseillons en effet à tous nos adhérents
de constituer un dossier de demande de financement au FAQSV. Mais
le problème se situe à deux niveaux : le FAQSV est actuellement
la seule source de financement disponible pour les réseaux, donc
il n’y a pas d’autre solution pragmatique que de lui soumettre un
dossier. Notre opposition est donc politique : une fois de
plus, on institue une procédure qui n’a pas été conçue pour les
réseaux. Une fois celle-ci définie et mise en place, c’est aux réseaux
de s’adapter pour s’intégrer à un processus qui n’a pas été fait
pour eux. Certains promoteurs de réseaux ne sont d’ailleurs pas
d’accord pour jouer le jeu, car les dossiers sont compliqués, ou
alors les expériences très locales, de proximité, ne rentrent pas
du tout dans le cadre requis des projets : il manque encore
un réel système adapté aux réalités terrain. Enfin, je veux souligner
qu’on nous reproche souvent d’être des militants bénévoles, tout
en nous disant « heureusement, vous étiez là à l’époque du
Sida ». Nous voulons justement évoluer et nous professionnaliser,
en passant de « militants professionnels » à des « professionnels
militants ».
Que pensez-vous du dispositif Soubie ?
La
CNR s’est constituée en réaction à la création de ce dispositif :
nous étions en effet persuadés qu’il tuerait les « petites »
initiatives, construites dans la proximité, au vu de l’investissement
représenté ne serait-ce que par le seul dépôt d’un dossier. Il faut
en effet avoir de grands moyens avec des supports privés importants
pour pouvoir assumer cette procédure, les projets acceptés le montrent.
De plus, le dispositif Soubie est centré sur la pathologie stricto
sensu, alors même que nous disions à l’époque qu’il fallait élargir
cette notion au sanitaire et social. Cette mise en place est typique
d’un système où des technocrates influencent des politiques pour
monter des dispositifs qui visent à régler les problèmes des institutions
et non les problèmes des gens. Il serait d’ailleurs amusant de demander
au dispositif de s’auto évaluer aujourd’hui, alors qu’il demande
sans cesse aux projets de mettre en œuvre une évaluation !
Pouvez-vous préciser le contenu de votre partenariat avec France
Télécom ?
Nous
sommes en phase de finalisation : nous présenterons l’avancement
du projet lors du congrès de juin. Cet outil comporte trois niveaux.
Tout d’abord,
c’est un outil pour tous les professionnels des réseaux et pas seulement
les médecins, qui permet d’apporter une aide informatique à leur
activité professionnelle d’une part et de communiquer sur des problématiques
de malades. Il ne s’agit pas d’échanges ou de partage de dossiers
patients préformatés. Nous pensons qu’il est plus intéressant que
les professionnels s’interrogent entre eux sur des cas rencontrés.
Bien
sûr, l’outil permettra aux professionnels de réseaux d’être informés
et de communiquer sur la vie en réseau, les réunions, etc. Une entrée,
fondamentale dans notre esprit, sera disponible pour le grand public
afin d’interroger les professionnels de réseaux sur des problématiques
de santé. Ainsi, à terme, la population de proximité d’un réseau
pourra interroger les acteurs locaux impliqués dans ces projets.
Les réponses pourront ainsi être adaptées à la réalité des gens.
Le dernier
niveau est un intranet inter réseaux, à l’échelon national,
pour mettre en relation l’ensemble des acteurs des réseaux de France.
Pour l’instant,
une expérimentation a lieu à Lyon, dans le cadre de la prise en
charge de la toxicomanie. Le projet est complètement soutenu financièrement
par France Telecom, la CNR apportant sa compétence en termes médicaux
et de pratiques professionnelles. Au début, le service sera réservé
aux réseaux adhérents de la CNR. Nous verrons ensuite comment il
pourra être généralisé à tous les réseaux et comment nous pourrons
avoir d’autres partenaires.
Suite
et fin (2/2)
15 mars 2001
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