La
correction boursière davril 2000 a entraîné une remise en
question des acteurs engagés sur les marchés du commerce électronique
aux particuliers (BtoC). Ce retournement de marché, rapide et violent,
sest exercé à la faveur de la faillite du site Boo.com,
dont les frasques résument à elles seules les faiblesses des entreprises
nées avec le e-commerce : fragilité des business models, difficultés
à sinsérer dans les filières dactivité, investissements
massifs pour une rentabilité aujourdhui négative, fragilité
des équipes constituées à la va-vite.
Pour les observateurs, les industriels et les marchés
financiers, il est devenu évident que les " jeunes pousses "
(start-up) auront du mal à acquérir les facteurs clefs de succès
requis pour leur survie. Parvenus à une certaine maturité, les acteurs
industriels et financiers comprennent quon ne peut plus construire
un projet sur une simple idée fût-elle géniale ni
sur le volontarisme des investisseurs : largent ne manque
pas, et il est impossible quune bonne idée némerge et
ne soit développée que dans un seul endroit.
Historiquement, toutes les innovations permises
sur le Web ont donné lieu à de véritables foires dempoigne,
des dizaines dacteurs développant parallèlement des services
que chacun croyait exclusif et hyper-innovant au moment de rédiger
son business plan. Marché par marché, les cibles (les consommateurs-internautes)
se sont trouvées saturés doffres, alors même que les usages
marchands du Web nétaient pas développés. De limmobilier
aux enchères en ligne en passant par les portails médicaux, automobiles
ou financiers, leffroyable concurrence observée sur le Web
repousse les perspectives de retour sur investissement.
Dans ce contexte de défiance, de récentes analyses
apportent de nouveaux motifs dinquiétude pour les gestionnaires
de sites de e-commerce. Issues de travaux de recherche en sciences
sociales, ces études sont dautant plus importantes quelles
posent pour la première fois la question de lintérêt des services
en ligne par rapport à leurs équivalents physiques. A lavenir,
les désillusions qui frapperont les acteurs engagés dans le commerce
en ligne pourraient bien découler des faiblesses intrinsèques des
outils électroniques.
Lincertitude
sur le e-commerce concerne aussi son champion :
Le
titre Amazon a perdu 21 % de sa valeur vendredi 23 juin
suite aux craintes exprimées dans un rapport de Lehman Brothers
dune trésorerie insuffisante pour lavenir. Au
premier trimestre 2000, le premier commerçant en ligne a
essuyé une perte deux fois et demie supérieure par rapport
à la même période de 1999, soit 308,4 millions de dollars
(2,15 milliards de francs). Au dernier trimestre 1999, Amazon
avait pu annoncer des pertes déjà colossales sans vraiment
inquiéter ses actionnaires. Ceux-ci étaient prêts à soutenir
lentreprise dans cette phase de développement, convaincu
que la marque et les gains de parts de marché justifiaient
de tels investissements. Cette période semble aujourdhui
bien lointaine. Les actionnaires aimeraient voir le bout
du tunnel, et se demandent avec une impatience croissante
quand les sites de commerce électronique à destination du
grand public seront enfin en mesure de créer de la valeur
pour leurs propriétaires. En somme, la rentabilité redevient
un maître mot après trois ans de folies et de surenchères
dans la guerre que se livrent les start-up du Web.