Les
membres de communautés ne sont pas aussi nombreux que les internautes
cherchant de l’information médicale (selon différentes études, un
internaute sur deux a cherché ou cherche régulièrement de l’information
médicale sur le web). Mais leur engouement et le caractère intensif
de leur utilisation font de la communauté de patients un des usages
les plus intéressants du web médical. Les communautés virtuelles
et les groupes de soutien constituent une infrastructure de communication
idéale pour les patients partageant un problème de santé grave,
à la recherche d’information précise, de conseils, d’entraide et
qui n’ont guère l’occasion de rencontrer des semblables.
La
sociologie des communautés virtuelles et des groupes de soutien
nous aide à comprendre leur utilité et le sentiment d’appartenance
qu’elles peuvent entraîner (Wellman
1999). Tout d’abord, il a été remarqué que les communautés se
transforment facilement en groupes de soutien, même quand ce n’est
pas leur but à l’origine. Leurs membres échangent de l’information,
mais aussi des conseils et se prodiguent mutuellement un accompagnement
psychologique.
Les
membres des communautés sont unis par des « liens faibles »
si l’on considère qu’ils ne se connaissent pas ou peu dans le monde
réel, et qu’ils ne se voient pas lorsqu’ils communiquent. Mais ce
type de relation a plusieurs avantages. Paradoxalement, il favorise
l’aide à autrui : l’internaute ne voit pas les autres et se
dit qu’il est peut être le seul à pouvoir répondre à celui qui a
demandé conseil. Il permet de se mettre à l’écart du groupe plus
discrètement que dans le monde réel. Il offre aussi de réelles gratifications,
puisque tous les membres du groupe assistent à l’intervention de
celui qui vient en aide. Les liens faibles sont plus aptes à rapprocher
des personnes de milieux sociaux différents partageant le même intérêt,
et ces personnes différentes sont parfois plus susceptibles de s’aider
plus efficacement que des personnes qui se ressemblent socialement.
De
surcroît, les liens faibles n’empêchent pas l’expression d’une véritable
réciprocité et l’attachement à la communauté. Celui qui vient en
aide exprime son identité, car son expertise est perçue comme un
facteur d’identité. Les actes individuels, vus de tous, contribuent
à entretenir une image de réciprocité et d’entraide.
La communauté est de bon conseil… Le plus souvent
Une
des premières fonctions de la communauté réside dans les conseils
qui y sont prodigués. Tel patient s’interroge sur le spécialiste
à consulter, tel autre sur le comportement à adopter… En langage
économique, on peut dire que les communautés transforment les biens
d’expérience en bien de recherche (Gensollen
1999). Un bien d’expérience est un bien dont une caractéristique
essentielle n’est pas connue avant l’achat, au contraire du bien
de recherche dont l’utilité peut être précisément estimée avant
l’achat. Au fil des pérégrinations sur le web, un internaute peut
estimer l’utilité que lui procure l’information véhiculée par telle
communauté ou par tel membre de la communauté. Pierre a vérifié
que Paul et lui sont souvent du même avis : il a donc tendance
à suivre les conseils de Paul. Ainsi, certains malades conseillent
utilement à d’autres tel médecin, tel programme de soins, l’adoption
de tel ou tel comportement…
Une
étude empirique aboutit à remettre en cause les conseils prodigués
dans les communautés, puisqu’elle a montré que les informations
médicales contenues dans les messages d’un groupe de discussion
ne correspondaient pas toujours à l’état de la science (Culver 1997).
Certains patients qui reçoivent un conseil hétérodoxe chercheront
un moyen de le valider, soit online soit lors d’une consultation.
Mais d’autres, plus désespérés ou plus crédules, le suivront volontiers,
et verront peut-être leur état de santé empirer… Ceci a moins de
chances de se produire dans les communautés où interviennent des
professionnels de santé, ce qui est très fréquent.
Culver JD et alii (1997), « Medical information on the
Internet : a study of an electronic bulletin board”,
Journal of General Internal Medicine, 12 (8), 1997.
The
Ferguson Report, janvier-février 1999
Gensollen
(1999), « La création de valeur sur Internet »,
Réseaux, volume 17, 1999.