Ces
dernières années, le Conseil National
de l’Ordre des Médecins a fait preuve d’un certain dynamisme
pour appréhender le développement de l’Internet médical, notamment
au travers de sa Commission informatique et technologies nouvelles
(CITN). S’il a produit de façon naturelle des rapports sur la présentation
des médecins et sur l’exercice de la médecine en ligne, il s’est
attelé à d’autres missions de régulation, comme la qualité des sites
santé et la certification des hébergeurs de dossiers médicaux, en
étroite collaboration avec les pouvoirs publics et la CNIL.
Le
Conseil National de l’Ordre des Médecins a mis en ligne ses contenus
à vocation pratique :
les
"guides" : sur les différents types de contrats,
comme par exemple le "contrat type entre médecin et une
société exploitant un site sur Internet", la relation médecins/industrie,
la protection sociale du médecin,
l’annuaire
des conseils départementaux de l'Ordre des Médecins ,
le
Code de déontologie...
Dans
son Bulletin mensuel, l’Ordre prend position sur tous les grands
débats du moment : euthanasie, dopage, maltraitance, rapports
avec l'industrie pharmaceutique, médecine du travail… Cette tendance
témoigne de son évolution : plus ouvert sur l’extérieur, plus
prompt à la collaboration avec les pouvoirs publics... Cette ouverture
sur la société représente un des changements majeurs par rapport
à la situation qui existait il y a une vingtaine d’années, lorsque
l’Ordre était surtout le "défenseur des médecins, d'une profession
bourgeoise et conservatrice" dixit le Professeur Bernard Glorion,
dans sa dernière
interview avant son départ de la présidence de l'Ordre.
Toutefois,
la présence de l’Ordre sur le web reste modeste, si on la compare
par exemple à celle de l’American Medical Association. Ceci reflète
ses missions, qui malgré leur importance, restent en nombre réduit.
Une
mission déontologique. Le Conseil de l'Ordre a la charge de
concevoir et de rédiger le Code de déontologie médicale, de l'adapter
aux évolutions. Il appartient à l'Ordre de veiller à son application
et à son respect.
Une
mission administrative. En vertu de ses attributions en matière
réglementaire, l'Ordre doit établir et tenir un tableau sur lequel
seuls sont inscrits les docteurs en médecine. Ceux-ci doivent
remplir les conditions de diplôme ou de qualification ainsi que
les qualités de moralité requises par le Code de déontologie.
Une
mission consultative. L’Ordre développe une mission de conseil
au sens large qui en fait un véritable partenaire pour les médecins :
il intervient à leur côté en matière de contrats, d'installation.
Le Conseil national de l'Ordre est appelé à donner son avis sur
les projets de règlements, décrets ou lois qui lui sont soumis
par les pouvoirs publics. Dans le cadre de cette mission, l'Ordre
des médecins produit chaque année une vingtaine de rapports. Ces
rapports constituent des éléments importants de la réflexion sur
l'amélioration du système de soins.
Une
mission juridictionnelle. L'Ordre des médecins intervient
dès lors que l'un de ses membres fait l'objet de plaintes émanant
d'un particulier, des pouvoirs publics, des tribunaux, de la Sécurité
sociale ou d'un autre médecin.
L’American
Medical Association, une jeune institution de 150 ans
En
regard, l’AMA, vieille de 150 ans, ajoute
à ces sujets une intervention forte dans la définition de la formation
des médecins, dans la représentation des intérêt des patients, et
dans la promotion de standards de pratique médicale. Historiquement,
l’AMA assume un rôle majeur dans le développement de l’exercice
de la médecine et de la science médicale aux Etats-Unis, comme en
témoigne par exemple le célèbre titre qui lui est lié, le JAMA.
Par ailleurs, le contexte actuel du système de santé est différent
aux Etats-Unis, où, par exemple, la défense des patients est en
partie motivée par le poids des assurances dans la définition des
prises en charge. Par ailleurs, le budget de l’AMA, avec 900 000
médecins, l’autorise à développer un site très fourni. Comme tout
gros acheteur potentiel, l’AMA a aussi négocié avec des prestataires
de services dans différents domaines (location de voitures, opérateurs
de téléphone…).
En
France, les missions de l’Ordre sont demeurées inchangées depuis
1945. Ses partisans et ses élus soulignent la nécessité d'élargir
ses missions, appelant à une réforme des statuts qui étendrait son
champ d'intervention. L’Ordre a aujourd'hui le désir de renforcer
ses compétences en matière de qualité des soins, cette extension
lui permettant, par exemple, de garantir la compétence des médecins
inscrits au tableau.
En
la matière, la principale réalisation de l’Ordre a consisté à mettre
en ligne son annuaire au début de l’année 2000. Il affiche une bonne
santé. En novembre 2000, André
Chassort rapportait que l’annuaire comptait "environ 600 000
connexions chaque mois. Sur une population de 197 000 praticiens
inscrits, seuls 200 ont usé de leur droit de récusation et ne figurent
pas dans l’annuaire."
Indubitablement,
cet annuaire constitue "l’avantage comparatif"de l’Ordre.
Ce dernier détient un fichier de qualité avec des informations régulièrement
actualisées. L’annuaire peut notamment être utilisé pour vérifier
si un praticien dispose bien de l’autorisation d’exercer. Il exclut
en effet les praticiens qui font l’objet d’une interdiction d’exercice
supérieure à trois mois (quelques centaines), ceux qui sont suspendus
du droit d’exercer la médecine par mesure administrative ou judiciaire.
L’Ordre, avec la CNAMTS, est la seule institution qui peut présenter
un annuaire complet, de façon naturelle, c’est-à-dire liée à son
activité, et donc à moindre coût (la CNAMTS, dans son rôle d’assureur,
présente en plus le statut du praticien : médecin conventionné,
honoraires libres…). Cet annuaire gagnera progressivement en ergonomie
et en richesse… Du côté de l’AMA les fiches de médecins sont très
complètes : formation, historique des différents lieux d’exercice,
certification par les sociétés savantes, possibilité pour les médecins
d’actualiser les données en ligne, indication sur le type d’affiliation
du médecin à l’AMA …. Là encore, de nombreux items sont spécifiques
au contexte américain.
Au-delà,
l’Ordre dit aux médecins comment se présenter sur le web (Rapport
de André Chassort, février 2001 : "Présenter
son activité professionnelle sur Internet " Le site
d’un médecin joue le même rôle que la plaque, les ordonnances ou
les informations affichées dans la salle d'attente du médecin, il
renseigne l'usager-patient. Les recommandations de l’Ordre portent
sur la présentation du site, du médecin, du cabinet, et de l’exercice.
Certaines d’entres elles sont clairement marquées par le souci d’éviter
la promotion. Ainsi, l'utilisation sur le site d'un logiciel de
prise de rendez-vous doit se faire après un premier contact médecin-patient,
afin d'éviter que les médecins disposant de ce service l'utilisent
comme un moyen de "rabattage" à destination d'internautes
avec lesquels ils n’auraient pas eu de contact préalable. Autre
exemple : une mention faisant état du nombre d'actes effectués
par le praticien (en particulier dans le milieu hospitalier
public ou privé) n'est pas acceptable : "outre l'aspect
promotionnel et en l'absence de normes officielles, la quantité
ne permet pas de préjuger de la qualité ni de la compétence du praticien "...
Des
adresses électroniques "labellisées"
Sur
ces sujets, l’Ordre devrait pouvoir venir directement en aide aux
médecins, puisqu’il souhaite leur proposer une adresse et un site
"normalisés". Pour les adresses, il a ainsi réservé l’appellation
"medecin.fr". Pour les sites, il étudie les items que
les médecins pourront mettre en ligne. Aux Etats-Unis, l’AMA a établi
un partenariat avec la société
Medem. Plus de 30 000médecins ont aujourd’hui un site personnel,
dont 5 000 avec messagerie sécurisée pour communiquer avec
les patients (lire l’article
de l’AMA). Les sites construits par Medem ont le même format,
commençant toujours par la rubrique "la philosophie de mon
exercice".
Enfin,
l’Ordre a adopté le principe selon lequel la carte ordinale et la
CPS seront fusionnées. Le logo de l’Ordre apparaîtra sur la carte
CPS et l’Ordre participera à la distribution de cette carte. Dans
une sorte d’échange "technologie contre légitimité" avec
le GIP, l’Ordre a pris une décision logique : les médecin s’authentifieront
avec leur carte professionnelle.
L'exercice
de certaines séquences de l'acte médical sur Internet nécessite
que l'on en précise les conditions de réalisation. C'est ce qu'a
fait le Conseil national de l'Ordre en adoptant, en octobre 2000,
huit
recommandations. Elles rappellent la pleine responsabilité du
médecin dans ses interventions via Internet. Celui-ci, responsable
par exemple de la sécurité et de la confidentialité des données
de santé personnelles qui lui sont confiées, doit connaître les
modalités de l’intervention éventuelle d’une société tierce, avec
qui, si besoin, il doit contracter en bonne et due forme.
Dans
l’avenir, l'intervention médicale d'un praticien sur le net devrait
pouvoir être honorée, s’il respecte les principes déontologiques
en la matière. L’essentiel des efforts vise à distinguer le conseil
général donné à un patient du conseil personnalisé, qui nécessite
toujours "une relation clinique préalable avec le patient".
D’autre part, "l'information, le conseil, l'avis d'ordre personnalisé
complémentaire d'un autre avis médical, donnés sur Internet par
un médecin, nécessitent que celui-ci s'assure qu'une relation clinique
préalable avec un médecin a bien eu lieu dans la chaîne de soins,
et qu'il en ait communication. À défaut, il se retrouve dans la
situation précédente".
L’Ordre
s’est investi dans ce chantier, en publiant en avril 2000 une charte
"Qualité
et déontologie des sites web". Actuellement, l’Ordre et
la Direction générale de la santé travaillent sur une charte "Qualité
des sites santé", qui vise la qualité des portails santé. Un
deuxième groupe de travail (constitué de la DGS, du Conseil
de l'Ordre, de tous les autres ordres, des représentants des sociétés
savantes, des universités, de l'Inserm, des usagers, de la Cnil
et de l'Ophis) travaille avec les promoteurs des sites santé pour
tester leurs réactions face à cette charte de qualité et faire en
sorte qu'elle soit acceptée par eux.
Pour
Freddy Bitan (DGS), il s’agit d’ "assurer aux usagers
que les sites de santé qu’ils fréquentent sont bien ce qu’ils prétendent
être et respectent certains principes de qualité, tant en termes
de contenus médicaux qu’en termes de services offerts" (lire
son entretien).
Début
2001, la CNIL avait procédé à l'évaluation
de 59 sites de santé et à 6 missions de vérifications sur place.
A la suite, la CNIL a adopté en mars 2001 une recommandation
pour renforcer l'information des internautes sur leurs droits. Elle
attend de la part des pouvoirs publics l'interdiction de la commercialisation
des données de santé directement ou indirectement nominatives (en
application de la directive 95/46 de la communauté européenne) et
le contrôle par une procédure d'agrément des sociétés de service
hébergeant les dossiers de santé.
Sur
la question de la confidentialité des données de santé, l’Ordre
est très proche de la position de la CNIL. A cet égard, le contraste
avec la position de l’AMA vis-à-vis de la loi HIPAA (la loi
Health Information Portability and Accountability Act, d’avril 2001,
réglemente la circulation des données de santé) est intéressant.
Pour l’AMA, le niveau de d’exigence de la loi décourage les médecins
désirant échanger des données électroniques (lire l’article
de l’AMA). Il doit y avoir plusieurs types de certificats et
de certificateurs et plusieurs niveaux pour que le système puisse
s'adapter. Parallèlement l'interopérabilité de tous les systèmes
doit se développer. L’AMA a engagé de longue date une réflexion
sur ces sujets. Pour assurer la protection de la "privacy",
l'AMA a décidé de concevoir avec Intel des certificats authentifiant
l'identité des médecins. Ces certificats, développés par VeriSign,
sont diffusés depuis décembre 2000 (lire
le communiqué de presse).
Surtout,
l’Ordre devrait intervenir dans la procédure d'agrément des sociétés
de service hébergeant les dossiers de santé. Son but est d’élaborer
un référentiel en partenariat avec la CNIL. Charge ensuite à des
prestataires de contrôler les prétendants. Tel est le schéma qui
se dessine, le CNOM diffusant en bout de chaîne la liste des labellisés.
Cette régulation est indispensable, pour envoyer des signaux de
qualité aux consommateurs et contribuer à la croissance du marché.
D’autre part, les contrôles sur place constitueront une pièce essentielle
du dispositif. Aux Etats-Unis, l'URAC
(également appelé American Accreditation Healthcare Commission)
a élaboré de la même façon un programme d'évaluation par un tiers
de la qualité des sites médicaux. Contrairement par exemple à la
Fondation Health on
the Net, l’organisme envisage une visite physique sur le site
de l'opérateur.
L’Ordre
s’est donc avantageusement positionné dans la régulation de l’Internet
médical. Suivant les pays, les représentants de la profession abordent
Internet en fonction de leur statut juridique, des missions qui
leur sont impartis, de leur poids économique... En avril 2001, l’Association
Médicale Canadienne (AMC), via sa branche commerciale,
est devenue propriétaire majoritaire de GlobalMedic,
un important fournisseur de services applicatifs et un infomédiaire
de tout premier plan en santé.
Les
autres Ordre professionnels médicaux sur le web
Dans
son domaine, il a le même rôle que l’Ordre des médecins. Une rubrique
du site porte sur l’accès aux soins : Bus social dentaire,
Réseau d'accès aux soins pour les plus démunis.
Missions
semblables à celles de l’Ordre des médecins, avec en plus un
avis sur la création, le transfert ou le regroupement d'officines.
Une mailing list, un gros dossier sur le médicament.