Charles
Taïeb
Responsable
des programmes pharmaco économiques chez Pierre Fabre
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"les
associations de patients peuvent nous aider de façon
pertinente dans le recrutement de patients."
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Propos recueillis
par Nicolas
de Saint-Jorre
1er
février 2001
Vous avez mené un essai clinique sur une
maladie rare, pourriez vous nous en dire plus ?
J’ai
coordonné, il y a quelques années, la mise en place, d’une étude
de pharmaco-économie dont l’objectif était d’assurer le suivi
pragmatique de patients atteint d’une maladie rare, et ce dans
le but d’évaluer le coût de la prise en charge des patients non
traités, et de déterminer, ainsi, le coût de la pathologie. Ce
n’était donc pas une étude clinique, mais à l’époque, il n’y avait
pas de traitement disponible et il nous avait été très difficile,
dans le cadre du recrutement des patients, de « lutter »
contre les études cliniques qui, elles proposaient des traitements
supposés, à priori, être novateurs.
Les
principales difficultés rencontrées étaient liées au fait que
les patients diffusaient entre eux, via l’Internet, la liste des
protocoles en cours, et dans certains cas, les coordonnées des
centres investigateurs où les inclusions étaient encore possible.
Sur
certains forums, les critères d’inclusion étaient , même détaillés,
paraît-il, le patient sachant ce qu’il devait répondre pour être
inclus dans l’essai. Cette dérive est allée jusqu’au partage des
traitements, avec, dans le pire des cas, la mise en place d’un
marché parallèle pour n’obtenir en fin de compte qu’un placebo.
Les
associations ne pourraient-elles pas être responsables du recrutement
des patients via des sites type Orphanet ?
Je
pense effectivement que les associations de patients peuvent nous
aider de façon pertinente dans le recrutement de patients, mais
leur aide ne doit pas se limiter à ce simple recrutement. Mon
expérience m’incite à croire que les associations de patients
doivent être de vrais partenaires. Pour notre part, nous les avons
intégrés dans le comité de pilotage de certaines de nos études
ainsi que dans le groupe d’experts qui, par son action, garantit
l’intégrité de l’analyse et la crédibilité des résultats.
Dans
le cadre de l’association Créés, association de pharmaco - économistes
francophones, nous avons abordé et souligné au cours de notre
dernière réunion, la pertinence des études coûts - conséquences.
Dans le cadre de ces études, l’approche patient, qui à toute sa
place, peut être avantageusement exprimée par les associations
de patients.
Votre laboratoire ne pourrait-il pas fédérer
les patients atteints de maladie rare en créant un site web qui
deviendrait une référence sur l’exemple du site Transplantation
pour Novartis ?
Je
pense que nous devons aider les associations de patients, comme
elles nous aident à mieux connaître le vécu et la prise en charge
des patients. A titre personnel, je ne suis pas persuadé que nous
devons aller plus loin. Par contre, nous pouvons aider des groupes
de patients qui souhaitent s’organiser en association, en mettant,
par exemple, à leur disposition les informations dont nous disposons.
Par ailleurs même s’il est important que toutes les sensibilités
puissent s’exprimer, il faut éviter la confusion qui pourrait
naître de la multiplication des associations pour une même pathologie.
Si
l’on répond vite, je dirais :« Non, ce n’est pas leur
rôle d’autant plus que certains laboratoires communiquent sur
ces sites ». Si l’on prend le temps de la réflexion, je dirais
que nous devrions faire face à une évolution que nous ne maîtrisons
pas complètement, et qu’au lieu de dire « non », il
faut sans doute s’organiser pour prévenir tous les débordements
que l’on peut craindre ou imaginer : concurrence entre les
centres investigateurs, non respect des critères d’inclusion,
inclusion de patients extra territoriaux, multi-inclusion pour
un même patient, etc. Un site comme le votre, pourrait être le
lieu de ce débat. Je pense, pour conclure, que mes collègues des
études cliniques seront d’avantages confrontés à ces situations,
c’est eux qui, compte tenu de leur expérience, doivent en priorité
donner leurs avis.