Interview
"Pour
nous c'était une première"
Sylvie
Troy, médecin et Nathalie Dinouel, Assistant de Recherches Cliniques,
du laboratoire Pfizer.
11 octobre
1999
Quand vous avez appris que vous alliez participer à la mise en place
d'un essai clinique sur le Web, comment avez-vous réagi ?
Nathalie Dinouel.
Plutôt bien, parce que c'était une façon nouvelle d'appréhender
la recherche clinique. C'était enthousiasmant, dans la mesure où
on entendait dire depuis un certain temps que les essais du futur
seraient sur Internet. C'était donc particulièrement intéressant
d'essayer dans la pratique. Nous étions un peu des pionniers.
Dr Sylvie Troy.
Effectivement, tout le monde était intéressé. C'était une façon
nouvelle de faire de la recherche clinique, avec des outils performants.
Etiez-vous déjà familiarisé avec Internet ?
ND.
Non, pas du tout. Personnellement je l'ai découvert à l'occasion
de cet essai. Nous nous sommes formés "sur le tas". Mais
ce n'était pas un obstacle, au contraire, c'était motivant.
Avez-vous sélectionné les médecins investigateurs en fonction de
leur connaissance de l'informatique ou de l'Internet ?
ST.
Nous avons effectivement commencé par proposer l'essai aux médecins
dont on savait qu'ils avaient une connaissance de l'informatique.
Le principe de l'essai en ligne les a séduits d'emblée. Il y a même
des médecins qui étaient intéressés que nous n'avons pas pu inclure,
car nous avions suffisamment d'investigateurs. Les rares refus que
nous avons pu essuyés n'étaient pas du tout liés au principe de
l'essai sur Internet.
ND.
Bien entendu, cet accueil était lié au fait que nous les avons sélectionnés
au départ. Nous n'avons donc eu aucune difficulté à recruter des
médecins. Ils ont montré un grand enthousiasme. Ils ont été beaucoup
séduits et très motivés par le principe d'un essai sur Internet.
Quelles sont les principales difficultés que vous avez rencontrées
lors du lancement de cet essai ?
ND.
La phase de test, pendant laquelle nous avons validé le CRF, a été
relativement longue. Il a fallu réfléchir à tous les contrôles qu'on
pouvait mettre, sans trop alourdir la saisie, et quand on veut faire
ça bien c'est forcément très long.
ST.
Les difficultés que nous avons rencontrées ensuite étaient d'ordre
essentiellement technique. Pour nous c'était une première, comme
pour Medcost d'ailleurs, qui a du utiliser des technologies nouvelles,
pour le cryptage notamment. Nous avons rencontré des problèmes de
connexion, des problèmes d'incompatibilité entre logiciels. Initialement
j'avais l'impression que la technologie était un détail, et que
le principal problème de conception était le CRF. Mais finalement
ce n'est pas là que les problèmes se sont posés.
La formation des médecins a-t-elle représenté un obstacle ?
ND.
La formation des médecins en soi n'a pas posé de problèmes. Elle
a été réalisée par Medcost, par la suite nous sommes retournés voir
les médecins investigateurs pour les former à nouveau, mais il n'y
a pas eu de problème majeur.
ST.
Les médecins étaient a priori familiarisés avec l'outil informatique.
Il est possible que certains qui se croyaient rodés aient en réalité
rencontré des difficultés, et se soient retrouvés moins à l'aise
que prévu. Par ailleurs les médecins investigateurs, dans le cas
particulier de cet essai, sont des psychiatres, et c'est vrai que
ce type de consultation se prête a priori mal - ou moins bien qu'une
consultation de généraliste - à de la saisie en présence du patient.
Certains médecins ont eu un peu de mal à franchir le pas, mais chez
ceux qui l'ont fait ça s'est très bien passé par la suite.
Pensez-vous que ces difficultés sont dues au fait que la technique
est nouvelle et les intervenants encore peu habitués à l'Internet,
ou qu'elles risquent de se représenter à l'avenir ?
ST.
Certaines difficultés ne se représenteront pas, d'autres se représenteront
mais nous serons mieux armés pour les gérer. Au cours de ce premier
essai nous n'avons pas pu anticiper des problèmes que nous ne connaissions
pas.
Pourquoi avez-vous choisi de proposer un micro-ordinateur dédié
à l'essai aux médecins investigateurs ?
ND.
Pour éviter les incompatibilités entre notre système et d'autres
logiciels ou bases de données déjà existants. Cependant sur 14 médecins
investigateurs, deux ont quand même voulu utiliser leur propre micro-ordinateur,
et c'est vrai que nous avons eu plus de problèmes techniques dans
ces deux cas précis.
Où en êtes vous de l'essai en cours (nombre d'investigateurs recrutés,
nombre de patients prévus, data de fin) ?
ND.
14 médecins - 60 patients attendus. Nous ne savons pas concrètement
combien de temps cela va nous prendre, et nous ne pouvons pour l'instant
pas prévoir la date de fin de l'étude.
Quel est votre avis sur le monitoring de l'essai avec la solution
Internet ?
ND.
Pour l'instant il est un peu tôt pour juger. Mais c'est vrai qu'en
théorie, il y aura un gain de temps sur le monitoring et l'analyse
sera commencée plus tôt, puisque la saisie sera faite en temps réel.
Comment l'essai a-t-il été accueilli par les médecins ? Quelles
sont leurs impressions à ce stade ? Avez-vous eu un retour sur ce
que pensent les patients ?
ST.
Ceux qui s'y sont vraiment mis commencent à voir les avantages de
ce type d'essai. Cependant ceux qui ont rencontré des problèmes
de connexion ont été obligés de remplir quand même un CRF papier
de secours, et de saisir les données ultérieurement, ce qui n'a
pas été un gain de temps.
ND.
Pour les patients, cet essai est un peu particulier : ils doivent
en effet remplir eux-mêmes certains questionnaires d'auto-évaluation
sur l'ordinateur de l'investigateur. Certains patients sont d'ailleurs
rentrés dans l'étude par curiosité à l'égard de l'outil informatique.
Pour l'instant nous n'avons pas eu de retour particulier sur les
patients, nous savons simplement que si le médecin se prête au jeu
il n'y a aucun problème de leur part.
Si on vous demande votre avis quand à l'intérêt d'élargir la procédure
à de nouveaux essais cliniques, y seriez-vous favorable ?
ST.
Sur le principe, la procédure est très intéressante, mais il y a
encore beaucoup de travail au niveau technique. Il s'agit pour l'instant
d'un essai simple avec peu de centres, des médecins a priori intéressés
par l'informatique, peu de patients - ce qui nous paraissait des
conditions idéales pour une expérimentation. Nous ne partirions
pas demain sur un essai très lourd avec de nombreux investigateurs
et un grand nombre de patients sur Internet. Quand toutes les difficultés
techniques seront résolues, nous pourrons envisager d'étendre la
procédure.
Je pense qu'il vaudrait
mieux nous reposer la question dans six mois. Nous aurons plus de
recul, et nous serons plus à même de juger des avantages de la méthode.
En admettant que tous les obstacles techniques soient aplanis et
que les laboratoires généralisent la pratique des essais thérapeutiques
en ligne, cette généralisation n'implique-t-elle pas un total changement
de métier pour les ARC ?
ND. Un
changement de métier total, non, sûrement pas. Nous aurons toujours
le contact avec les médecins investigateurs et il faudra valider
les données. Mais effectivement, il faut se familiariser avec les
nouvelles techniques, et les déplacements sur le terrain seront
moins fréquents. En fait c'est une perspective plutôt stimulante.
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