Pourquoi
la santé française doit-elle s'intéresser à la qualité ?
D'après
un article publié dans Forum Qualité Scientifique, Automne 2000,
pp 29-35
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L'ANAES
et les obligations légales d'accréditation
L'ordonnance
n° 96-346 du 24 avril 1996, portant création de l'ANAES,
impose la procédure d'accréditation des établissements
de santé publics et privés afin de promouvoir la qualité
et la sécurité des soins. Le principe d'amélioration
continue de la qualité est au centre du dispositif.
Aujourd'hui, l'accréditation permet de " reconnaître
a priori et pour une certaine durée qu'une entité
qui propose des soins ... satisfait à certains critères
... correspondant aux références du moment ... et
ceci afin de garantir de manière suffisamment prévisible
une certaine qualité des services rendus ".
L'accréditation hospitalière est une évaluation
et non une reconnaissance tierce partie de conformité à
des exigences. D'ailleurs l'ordonnance n° 96-346 elle-même
le précise: " les établissements doivent
faire l'objet d'une procédure externe d'évaluation
dénommée accréditation ", il s'agit d'une
" appréciation indépendante sur la qualité
d'un établissement . ".
La
nécessaire maîtrise des dépenses de santé
Le système de santé français est coûteux
et la progression des dépenses incontrôlée.
Les causes du déficit chronique de l'assurance maladie depuis
plus de vingt ans sont connues : augmentation de la longévité,
apparition de nouvelles pathologies et évolution des pathologies
liées aux comportements (tabac, alcool, drogue, SIDA).
Enfin, la satisfaction des besoins de santé tel que définis
par l'OMS en 1946 est insatiable (" état de complet
bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas
seulement en une absence de maladie ou d'infirmité "),
tandis qu'il existe obligatoirement une limite économique.
Or il est démontré qu'il ne peut être fait de
corrélation directe entre l'importance des dépenses
du système de santé, ses performances et l'état
sanitaire de la population.
L'obligation de maîtrise des dépenses de santé
est donc en elle-même une raison suffisante pour entreprendre
des démarches qualité, même si ce n'est pas
la plus motivante. Les coûts de non-qualité représentent
en effet plusieurs dizaines de milliards de francs par an. Il faut
y ajouter le poids des coûts humains non quantifiables supportés
par le patient et ses proches et les coûts induits pour la
société (journées de travail perdues, indemnisations
diverses, prise en charge des handicapés, coût des
conséquences sociales).
L'anticipation
des changements de mode de financement des dépenses de santé
Aujourd'hui, les payeurs veulent connaître et mieux maîtriser
ce qu'ils financent. La réalisation des dépenses est
individuelle, sans contrôle réel du financeur sur le
dispensateur. L'absence de bouclage macro-économique ne permet
aucun contrôle.
Les tutelles veulent pouvoir mieux répartir les ressources
selon le volume d'activité et des critères de qualité
des soins. Demain, ce seront peut-être les payeurs qui contrôleront
la qualité des prestataires de soins en reliant contractuellement
le remboursement des actes, à la mise en uvre de démarches
qualité. Certains assureurs privés et groupes mutualistes
élaborent déjà des programmes d'assurance maladie
privée sur la base de réseaux de services payants.
Leurs cahiers des charges seront des référentiels
d'exigences à satisfaire pour participer au réseau.
Le
milieu sanitaire : un secteur concurrentiel
Le milieu sanitaire français est fortement concurrentiel,
y compris dans le secteur public qui s'en croit protégé
du fait de son obligation de service public. La France doit restructurer
son système de soins : fermeture, regroupement ou fusion
d'établissements, transferts ou délocalisations de
lits, évolutions d'activité. Une logique de comparaison
de performances s'installe entre établissements.
Le véritable concurrent n'est d'ailleurs pas forcément
le plus proche géographiquement (concurrence de proximité).
Ce peut être celui qui évolue dans le même créneau
de spécialités (concurrence d'activité) ou
ayant le même statut (concurrence de légitimité).
L'évolution
démographique
La population vieillit. La fréquence de nombreuses pathologies
augmente avec l'âge (maladies neuro-dégénératives,
tumeurs, pathologies rhumatologiques, ostéoporose et ses
conséquences, maladies cardio-vasculaires). L'allongement
de la durée de vie aura ainsi des conséquences inévitables
et graves sur les dépenses de santé qui augmentent
avec l'âge.
L'évolution de la répartition spatiale des populations
(désertification des campagnes, migration des centres-villes
vers les banlieues) désadapte la répartition entre
le tissu hospitalier et la population. En d'autres mots, les hôpitaux
et les médecins ne sont plus forcément là où
sont les malades. Nous assistons à une sous ou une sur-médicalisation
de certaines régions, au maintien d'hôpitaux dans des
secteurs sous-peuplés tandis que certaines villes nouvelles
connaissent un déficit de lits.
Dr.
Hervé Leclet "Sans une implication forte de la direction,
une démarche qualité aura beaucoup de mal à se mettre en place
et aucune chance de perdurer "