Prédisposition
génétique
du cancer du sein :
l’Institut Curie part en guerre
Par
la rédaction de
6
novembre 2002
2/3
Un
brevet contraire au droit des patients
Début
septembre 2001, l’Institut Curie
décide d’engager une procédure auprès de l’Office Européen des Brevets
(OEB) contre la société de biotechnologie américaine Myriad Genetics
concernant "la méthode diagnostique d’une prédisposition à
un cancer du sein ou de l’ovaire associé au gène BRCA1". Quels
sont les enjeux de cette bataille juridique ? Dans la lettre
d’information de l’Institut Curie, le Dr Dominique Stoppa-Lyonnet,
chef du service de génétique oncologique de l’Institut Curie, revient
sur plusieurs points :
- Le test
utilisé par Myriad Genetics est imparfait : La déclaration
de l’Institut Curie fait suite à une publication dans le Journal
of Medical Genetics dénonçant les carences du test
développé par la société américaine. En juin dernier, il apparaissait
que la méthode industrielle de séquençage direct proposée par
Myriad Genetics ne permettait pas de détecter toutes les mutations.
10 à 20 % seraient ignorées par le test.
- Le brevet
entraîne un monopole abusif : Selon les termes du brevet,
tous les laboratoires français et européens sont contraints d’envoyer
les échantillons d’ADN prélevés à Myriad Genetics. Un tel monopole
priverait tous les chercheurs des données nécessaires à la recherche
de nouveaux gènes de prédisposition. Myriad Genetics disposant
de la seule banque mondiale de données sur le sujet.
Le ministre de la recherche, Roger-Gérard Schwartzenberg apporte
son soutien à cette initiative en déclarant que "par sa portée
excessivement large, le brevet délivré par l’Office européen des
brevets à Myriad Genetics lui confère un monopole abusif d’exploitation
des tests de prédisposition aux cancers du sein".
- Le prix
des tests est multiplié par plus de trois : La
réalisation des tests dans le laboratoire de Salt Lake City entraîne
un coût très élevé : 2 744 €uros contre 762 €uros
(soit environ 18 000 Francs contre 5 000 Francs) en
France. Une telle différence de prix devrait être prise en charge
par les structures hospitalières et/ou l’assurance maladie. Cette
situation entraînerait une limitation certaine de l’utilisation
de ces tests alors que les besoins apparaissent croissants. Défendant
cette notion de santé publique et dénonçant la main mise sur la
recherche que constituerait l’envoi systématique de tous les échantillons
d’ADN, le Ministre de la Recherche rappelle que "le dépistage
génétique doit pouvoir bénéficier à tous sans que l’accès à un
test diagnostique soit indûment entravé par des prétentions abusives
à un monopole et par des coûts excessifs".
Une
étude de chercheurs de l’INSERM publiée en octobre 2002 dans le
mensuel European Journal of Human Genetic,
conclue de surcroît que le séquençage direct du gène complet n’est
pas la méthode la plus coût-efficace parmi la vingtaine qui existent.
|
|
|