Nobel
d'économie et asymétries d'information en santé
2/2
Une notion qui doit être utilisée en référence
au système de santé
Si
l'asymétrie d'information marque la relation entre médecin
et patient, ceci ne veut heureusement pas dire que le premier en
tire systématiquement profit sans considération de
l'intérêt du patient. En effet, la "fonction d'utilité"
du médecin intègre le bien-être du patient.
A côté des variables : "revenus" (à
maximiser), "notoriété" (à maximiser),
"efforts" (à minimiser), les auteurs ajoutent le
paramètre "déontologie" qui indique le souci
que le médecin a de faire au mieux pour son patient. En réalité,
tout dépend du système d'incitation.
Dans le contexte assurantiel américain, les payeurs incitent
parfois les médecins à restreindre les soins, par
exemple en les intéressant aux bénéfices de
l'entreprise, ou en faisant peser certaines contraintes sur leur
exercice. Les médecins risquent alors de ne pas apporter
tous les soins souhaitables, ce qui est possible du fait que les
patients sont sous-informés (sur le système de santé,
les maladies, les soins
).
Les assurances ont ainsi longtemps demandé aux médecins
de garder cachées les règles d'interdiction qui entouraient
l'adressage à un spécialiste. Dès que le patient
est informé de ces règles (dès que l'asymétrie
d'information est levée), il peut se demander, dans certains
cas, si l'absence d'adressage n'obéit pas à des motifs
plus économiques que médicaux.
Dans
un système de paiement à l'acte, les praticiens ont
plutôt intérêt à surproduire. Une alliance
tacite unit le praticien et le patient contre l'assureur (prescription
abusive de cures par exemple
). Sauf que la surconsommation
qui en découle peut être irrationnelle voire néfaste
pour le patient, si le praticien présente comme nécessaires
des soins qui ne le sont pas, en profitant de la mauvaise évaluation
de la situation par le patient. En France, les syndicats de chirurgiens-dentistes
reconnaissent eux-mêmes que le système de prix pousse
à privilégier les soins prothétiques au dépend
des soins conservateurs. Pour les politiques de santé, l'enjeu
consiste à trouver les mécanismes aidant les professionnels
de santé à être vertueux.
Ensuite,
le rétablissement de la symétrie d'information ne
diminue pas le rôle du médecin. La connaissance est
plus importante que l'information. Ainsi, les informations trouvées
par les patients seront souvent d'un faible apport car ils ne sauront
pas les mettre en perspective. L'"information" ne peut
se substituer aux années d'étude et à la pratique.
Finalement, être médecin consiste moins à bénéficier
d'une asymétrie d'information, qu'à être capable
de jouer un rôle de consultant averti et expérimenté.
Reste que parfois, les patients connaissent bien leur maladie (malades
chroniques) et sont alors capables d'exploiter efficacement l'information
qu'ils obtiennent. Parfois aussi, l'information a une forte valeur
en soi : existence d'une consultation spécialisée
dans une maladie rare
Asymétrie d'information et systèmes d'information
Dans
de nombreux cas, l'agent qui souffre d'un déficit informationnel
n'apporte pas une réponse "informationnelle" à
son problème (en mettant au point des systèmes de
contrôle, de production de l'information, en faisant révéler
leurs caractéristiques par les agents). Ainsi, aux Etats-Unis,
les assurances en concurrence ne cherchent pas à évaluer
finement le risque de chaque groupe et à élaborer
des tarifications complexes adaptées aux risques. Ce serait
trop coûteux. A la tarification différentielle des
risques, elles préfèrent la sélection différentielles
des risques : elles refusent de couvrir ou dissuadent des personnes
ou des groupes soupçonnés de présenter un risque
élevé.
Enfin,
on ne peut réfléchir à l'asymétrie d'information
sans considérer les systèmes d'information, notamment
ceux qui cherchent à suivre l'activité des praticiens.
Les systèmes de remboursement et les dossiers médicaux
permettent dans une certaine mesure des contrôles et des évaluations
par les payeurs. Le codage des actes et des pathologies est un progrès
important dans ce sens.
Théoriquement, ces systèmes d'information pourront
aider à mieux repérer les erreurs, les excès,
les abus ou les fraudes. Toutefois, à moins d'un système
qui enregistrait automatiquement toutes les données pertinentes,
l'asymétrie d'information subsistera : certaines données
ne seront pas saisies par les médecins ; le diagnostic pourra
être infléchi pour justifier l'acte et il n'y aura
pas de moyen de le vérifier ; la mise en regard du diagnostic
et des décisions thérapeutiques semblera indiquer
l'utilisation de mauvais protocoles, alors que la complexité
de la situation justifiait bien la démarche du médecin,
sans que cette complexité apparaisse dans les données
recueillies
Réagissez
à cet article
Retrouvez tous
les dossiers en Economie de la Santé.
19
novembre 2001
|
|
|