Les chantiers de la réforme

Mathieu
Ozanam
10 juillet 2001
Constat
n°1 : le système de régulation des dépenses
de santé, dit "Ju-bry" a fait la preuve de son
incapacité à résoudre le problème.
Constat n°2 : G7, Comité des Sages, G14, CNAMTS, MEDEF,
tous apportent leur contribution au débat, au risque de manquer
de lisibilité.
G7
: "Pour un projet ambitieux alternatif"
La CSMF, forte de son succès aux élections des URML
en juin 1999, a initié dès le mois de juillet 2000
la refondation partenariale (lire
l'entretien de Claude Maffioli Novembre 2000 "Que chacun prenne
ses responsabilités") avec des syndicats de médecins
(CSMF, FMF, SML) et de salariés (CGT, CGT-FO, CFE-CGC, CFTC).
Neuf mois après le "G7" a présenté
un projet dont les principaux axes sont :
- la suppression
de la maîtrise comptable au profit d'une véritable
maîtrise médicalisée
- la création
d'un secteur conventionnel unique avec de fortes revalorisations
d'honoraires comprenant l'acte médical, les charges professionnelles
de structures, les tâches administratives et la FMC. Le
C passerait à 30 Euros, soit 197 FF (et 71% d'augmentation
du tarif de la consultation
)
- une évaluation
nationale et régionale des besoins de santé
- la création
d'un Observatoire de la Démographie Médicale
- une évaluation
des pratiques professionnelles hors champ conventionnel
- la mise
en place d'un dossier de suivi médical et l'encouragement
aux pratiques coopératives.
Les
partenaires s'affirment conscients des coûts que l'adoption
de leur propositions engendreraient, mais jugent qu'il s'agirait
d' "un investissement positif" et se disent prêt
à examiner avec le gouvernement les conditions d'un financement
nécessaire. Pour la CSMF "le rapport du G7 est la seule
alternative crédible tournée vers le futur et portée
par les acteurs principaux du système de santé"
(lire
le rapport au format PDF).
Les syndicats de médecins ont réussi à rallier
à leur initiative les syndicats de salariés qui pourraient
constituer une nouvelle majorité de gestion à la CNAMTS
à l'occasion du renouvellement des sièges du conseil
d'administration à l'automne.
Il
faut maintenant parler du G7-1. La Fédération des
Médecins de France (FMF) ne signera pas le texte négocié
en raison de l'opposition de son assemblée générale
qui n'a pas apprécié que soit évoquée
la disparition du secteur II alors qu'il était à son
origine.
Le financement risque d'être un point difficile à résoudre.
G14
: "La Responsabilité partagée"
Le G14 réunit trois syndicats de médecins (MG-France,
l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes
français et le Syndicat national des médecins de groupe),
sept organisations de professionnels de santé (les infirmières
de la FNI, les kinésithérapeutes de la FFMKR, les
pharmaciens de la FSPF, les orthophonistes et les orthoptistes,
les biologistes de la SDB), ainsi que la CFDT, l'Union nationale
des syndicats autonomes (UNSA), et la FMF et la Mutualité
française.
Le G14 qui s'est montré critique face aux propositions du
G7 (Lire
leur analyse sur le site de la CFDT) présente son projet
(lire le rapport) :
- une clarification
des responsabilités et des objectifs entre les différents
acteurs du système
- un exercice
médical pluridisciplinaire, impliquant un nouveau mode
de paiement (et non plus seulement à l'acte)
- un nouveau
système conventionnel à deux niveaux permettant
une meilleure participation des professionnels, c'est le "nouveau
contrat social". Le socle national refléterait les
grands priorités de santé publique, les règles
tarifaires, les objectifs de qualités de soins, le socle
régional (qui doit être encore précisé)
permettrait des accords pour s'adapter aux réalités
locales
- une évaluation
de la qualité des soins et des soignants
- la promotion
d'une meilleure articulation entre l'assurance maladie obligatoire
et complémentaire, pour mieux responsabiliser les assurés
sociaux.
Le
texte présenté par le G14 le n'est pas un projet de
réforme complet, mais des orientations en faveur d'une rénovation
en profondeur du système conventionnel qui lie les professionnels
de santé à l'assurance-maladie. Il plaide notamment
pour
La démarche du G14 est plus globale que celle du G7. Ses
membres se comptent dans tous les secteurs d'activité de
la santé, tant pour les organisations professionnelles que
pour les organismes complémentaire. Ses relais sont donc
puissants.
Les
membres du G14 n'ont pas présenté un projet complètement
abouti et affirment que des points restent à préciser,
notamment concernant le financement.
Le
MEDEF et la refondation sociale
L'organisation patronale avait prévue de lancer la première
réunion de sa refondation sociale consacrée à
l'assurance maladie le 12 juin mais a accepté à la
demande des syndicats de salariés de la repousser. Aucune
n'est plus avancé à ce jour, le MEDEF menaçant
de suspendre sa participation à la gestion de la Sécurité
sociale. Le mandat des administrateurs arrivant à échéance,
une liste de candidats doit être désignée avant
le 31 juillet, pour un renouvellement qui aurait lieu le 1er octobre.
Cette décision est motivée par le choix du gouvernement
de faire appel à la Sécurité sociale à
hauteur de 3,3 milliards de francs en 2001 (et 13 milliards en 2000)
pour financer en partie les 35 heures.
Le MEDEF a posé dix conditions pour revenir dans les conseils
d'administration de la Sécurité sociale (lire
les dix mesures pour garantir l'avenir de la Sécurité
sociale sur le site du MEDEF).
En quittant la Sécurité sociale, le MEDEF mettrait
fin à 56 ans de gestion paritaire, mettant de fait le gouvernement
devant ses responsabilités. Jean-Pierre Davant, le président
de la Mutualité française, tout en fustigeant le comportement
du syndicats des patrons, reconnaissait que le débat de l'étatisation
du système de santé était mis sur la place
publique. Le manque de concertation du gouvernement avec les syndicats
est mis en évidence.
La
démarche de refondation sociale du MEDEF n'a, à ce
jour, pas porté ses fruits. Les syndicats de salariés
participant soit au G7, soit au G14 laissent peu de place pour de
nouvelles propositions. Si le MEDEF restait sur sa décision,
il fragiliserait la CFDT avec laquelle il constitue la majorité
de gestion de la CNAMTS, ayant mis fin à l'hégémonie
de FO en ce domaine en 1996.
La
CNAMTS
Chaque année le gouvernement fixe un objectif de dépenses
déléguées (ODD), enveloppe prise sur l'ONDAM
voté à l'automne par le Parlement. Mais cette année
la CNAMTS a refusé de procéder à la répartition
de cette enveloppe entre les professionnels de santé. Elle
estime en effet que compte tenu de la faiblesse du montant prévu,
cela conduirait "immanquablement les caisses nationales à
proposer en cours d'année des baisses significatives de tarifs".
La CNAMTS juge que ce serait préjudiciable dans ses rapports
avec les organisations syndicales pour préparer des réformes
structurelles.
Auditionnée par le comité des Sages le 9 mai, elle
a présenté son propre projet insistant sur les médicaments
à faible SMR, les conventions nationales réduites
à un "simple accord tarifaire", et surtout les
chevauchements de compétences ente l'Etat et les caisses.
La CNAMTS propose un socle conventionnel applicable à l'ensemble
des professions de santé libérales.
Les propositions de la CNAMTS ont été préparées
dans des groupes de travail réunissant tous les membres du
Conseil d'administration.
La
marge de manuvre est faible pour la CNAMTS qui est peut-être
à la veille de changer de majorité de gestion.
Le
comité des sages et son rapport
Créé à la suite du "Grenelle de la santé",
le comité des sages a rendu ses conclusions lundi 9 juillet
après avoir rencontré 50 interlocuteurs. Principale
nouveauté, l'idée de créer un Conseil national
de la santé dont les membres seraient nommés sur le
même principe que pour le Conseil supérieur de l'audiovisuel
(CSA). Sa mission : "éclairer le gouvernement, le Parlement
et la population française sur les choix nécessaires
en matière de santé" et évaluer les politiques
de santé. Le Haut Comité à la santé
publique et autres organismes seraient rattachés à
ce nouveau Conseil.
Quatre autres axes pour la réforme :
- la revalorisation
du médecin généraliste, en lui accordant
"une place privilégiée dans la coordination
des soins" et une réévaluation du tarif de
la consultation
- la possibilité
de paiement au forfait, en cas d'installation dans des zones
"à faible densité médicale",
ou si le médecin s'engage dans les gardes de nuit, à
mener des actions de prévention, ou encore s'il respecte
des règles de bonnes pratiques médicales (prescription
de génériques, formation continue)
- une redéfinition
des responsabilités de l'Etat et de l'assurance maladie.
Au gouvernement les grandes orientations en matière de
santé et renforcement des prérogatives de l'assurance
maladie
- l'Objectif
national des dépenses de santé devrait être
fixé de façon "réaliste" et "de
manière pluriannuelle", pour cinq ans. Il serait
opposable.
Le Comité a eu plusieurs mois pour travailler et rencontrer
tous les protagonistes.
Un
certain nombre de syndicats de médecins ont montré
une défiance face à ce "comité Théodule".
De plus rien n'oblige le gouvernement à suivre ses recommandations.
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