Cancer Colo-rectal :
le dépistage de masse en question
©
Alix/ IGR/ Phanie
Julie
Chastres
10 juillet 2001
Le cancer colo-rectal est l'un des cancers les plus fréquents
et les plus graves en France. Il représente en effet la deuxième
cause de décès par cancer tous sexes confondus. On
estime son incidence à 33 500 nouveaux cas par an, le nombre
de décès à 16 000. Enfin, le pronostic varie
en fonction du niveau de gravité de la maladie, en moyenne
la survie à 5 ans est de 50%.
La
forme histologique du cancer colo-rectal est un adénocarcinome
dans environ 95% des cas. Le plus souvent, le traitement est chirurgical
et peut être suivi d'un traitement adjuvant (la chimiothérapie)
pour éviter une évolution métastatique.
En l'état actuel des connaissances la prévention primaire
de cette maladie repose sur la consommation de légumes, l'abstention
de tabac et l'exercice physique régulier. La prévention
secondaire, elle, est l'objet de controverse. En effet, actuellement
deux types de dépistage existent : le dépistage de
masse des personnes de plus de 45 ans et le dépistage des
sujets à risque, mais seul le deuxième est réellement
mis en place, le gouvernement tardant à donner son feu vert
pour le lancement du dépistage de masse.
Au niveau national un programme de dépistage systématique
des cancers colo-rectaux dans la population générale
est encore à l'étude, seules quelques régions
ont expérimenté ce dépistage.
Vers
un dépistage ?
Devant
l'importance des chiffres de morbidité et de mortalité,
la préconisation d'un dépistage de masse apparaît
dès 1998. C'est à cette date que le directeur général
de la santé prévoit le lancement d'une vaste campagne
nationale. Las ! Trois ans après il n'est toujours pas généralisé.
Si le gouvernement est resté réticent par rapport
au lancement du dépistage de masse, ce n'est pas un hasard,
plusieurs problèmes expliquent ce retard. Le premier d'entre
eux réside tout simplement dans le coût envisagé
de l'opération. En effet, si le test est peu coûteux
en lui-même, la question de la rétribution de l'acte
par la CNAMTS reste un point d'achoppement avec les gastro-entérologues.
De plus un résultat positif doit inciter à faire un
examen complémentaire. Cette méthode multiplierait
le nombre de coloscopie par 4.
La France souffrirait également d'un manque de culture de
la prévention d'une façon générale et
des dépistages de masse en particulier. Les tenants de cette
thèse rappellent que la campagne de dépistage des
cancers du sein ne concernait que 32 départements, avant
que le ministre délégué à la Santé
Bernard Kouchner promette le 22 mars de le généraliser
à la France entière, après que la Ligue contre
le cancer ait publié son manifeste.
Les
limites du dépistage de masse
La coloscopie est l'examen de référence pour détecter
le cancer colo-rectal et retirer éventuellement les polypes
situés à l'intérieur du gros intestin (lire
sur le site de l'ANAES Le
dépistage du cancer colorectal : Quelle est la place
de la coloscopie virtuelle ?). Compliqué et non dénué
de risque, il est pratiqué pour le dépistage des personnes
à risque, c'est-à-dire celle ayant des symptômes
ou des antécédents personnels ou familiaux.
Autre problème, les réticences de certains médecins
et de certains laboratoires quant aux difficultés d'interprétation
du test Hémoccult développé par la société
PBSA "Prévention et biologie". Ils lui reprochent
de ne pas détecter les adénomes (polypes susceptibles
de dégénérer en cancer) si ceux-ci ne saignent
pas.
La
sensibilité et la spécificité sont les indicateurs
permettant d'apprécier l'efficacité d'un test. Le
plus grand nombre de personnes malades détectées comme
positives par un test lui donne une bonne sensibilité.
Le plus grand nombre de personnes saines désignées
comme négatives par un test lui donne une bonne spécificité.
Les
résultats d'un test peuvent donc être faux, soit par
défaut s'il détecte des faux négatifs, soit
par excès s'il détecte des faux positifs.
D'après
une étude française, la sensibilité d'Hémoccult
serait de 50%, un résultat assez faible en théorie.
Dans deux essais européens, le nombre de cancers colo-rectaux
diagnostiqués après un test négatif serait
supérieur au nombre de cancers dépistés grâce
à un test positif, la sensibilité calculée
est donc inférieure à 50%. En revanche les
conclusions d'une étude de 1998 réalisée à
l'université de Dijon suggère "qu'un dépistage
par Hémoccult permet de réduire la mortalité
par cancer colorectal".
Un dépistage de masse du cancer pourrait donc rassurer à
tort des personnes qui obtiendraient un résultat faussement
négatif à ce test. A l'inverse il risque de générer
une inquiétude ainsi que des examens inutiles chez des personnes
qui auront un test faussement positif.
Le
test Hémoccult II
L'"Hémoccult"
permet de rechercher la présence d'hémoglobine humaine
dans les selles, à la différence des tests de diagnostic
qui ne font pas de distinction avec le sang qui serait issu par
exemple d'une coupure dans la bouche, et donc digéré,
ou de sang frais issu d'une fissure anale.
Le test permet au malade de prélever lui même des échantillons
de selles (le test est disponible en pharmacie au prix de 25F) et
de les déposer sur un papier imprégné de Gaiac,
pour l'adresser ensuite au laboratoire. Un test positif à
plusieurs reprises doit inciter à la recherche d'une tumeur
du colon ou du rectum. Si toutes les personnes de plus de 50 ans
utilisaient le test deux fois par an, 3000 décès dû
à ce cancer pourraient être évités chaque
année.
La société PBSA "Prévention et biologie",
spécialisée dans le dépistage des cancers colo-rectaux,
qui distribue Hémoccult annonce que seulement 5% de la population
cible, évaluée à 12 millions de personnes,
utilise le test, soit environ 60 000 personnes. Le test est surtout
réalisé par le biais de la médecine du travail
et des centres de santé de l'assurance maladie. Ceux-ci le
proposent depuis 1983 et son rythme de distribution est passé
de 5 à 2 ans en janvier 1999.
En attendant que le vaccin en phase d'étude développé
par Pharmacia Upjohn soit commercialisé, la Société
Nationale Française de Gastro-Entérologie
compte lancer un appel à la rentrée de septembre pour
inciter le gouvernement à prendre des mesures afin d'initier,
enfin, une campagne nationale de dépistage.
Réagissez
à cet article
Retrouvez tous
les dossiers en Economie de la Santé.
10 juillet 2001
|