Réforme de
la sécurité sociale :
la
piste de la délégation de gestion
Mathieu
OZANAM
Des
députés de lopposition se sont exprimés au cours de ces dernières
semaines en faveur de louverture à la concurrence de lassurance
maladie. Les partisans et les adversaires commencent à fourbir leurs
arguments, pourtant la délégation de gestion existe déjà en France,
et ce depuis 1947.
Diagnostic :
un système de plus en plus lourd à gérer
Vers
une externalisation
Le
principe de la délégation de gestion
Des
effets positifs
Une
concurrence déloyale ?
Lexception
étudiante
Les
remises de gestion en question
Un
système appelé à se généraliser ?
Des
publics particuliers
Une
évolution à leuropéenne ?
Les
Français apprécient leur système de protection sociale. Selon un
sondage réalisé pour lExpress et la Mutualité française,
50% des personnes interrogées estiment que la qualité des soins
médicaux s'est "améliorée par rapport à il y a quelques années"
(seuls 17% pensent le contraire). Ils sont 61% à être satisfait
des taux de remboursement compte tenu des cotisations.
Pourtant
ces dernières semaines, des personnalités de lopposition,
dont lancien premier ministre Edouard Balladur, ont évoqué
le sujet de la mise en concurrence entre les caisses nationales
dassurance maladie. « Limportant, cest que
lEtat soit garant de légalité daccès à des soins
de qualité. Ensuite que ce soit lassurance maladie, la mutualité
ou les assureurs qui gèrent peu importe » déclare ainsi Pierre
Morange, lun des animateurs de lUnion en mouvement,
anciennement Alternance 2002.
Quel
en est le principe ? Les assurés sociaux sont libres de saffilier
à la caisse nationale de leur choix, celles-ci fixant elles-mêmes
le montant de leur cotisation. Cette organisation créerait une
certaine émulation entre les organismes payeurs, les amenant à réduire
leurs coûts de gestion.
Diagnostic :
un système de plus en plus lourd à gérer
Les
partisans de louverture de la concurrence jugent que la structure
actuelle de lassurance maladie où 47 millions de français,
soit plus de 80% de la population, dépendent dun seul organisme
est trop lourde et serait lune des causes de limpuissance
à contrôler laugmentation des dépenses de santé. Les retards
dans le traitement des demandes de remboursement en étant lun
des symptômes.
En
janvier 2000, 14,2 millions de dossiers étaient ainsi en cours de
liquidation, contraignant les caisses primaires dassurance
maladie (CPAM) à fermer leurs portes quelques heures par jour, voire
toute une journée afin de se consacrer uniquement à cette tâche.
Des recrutements temporaires de personnel avaient été nécessaires:
1 400 postes à partir du mois doctobre 1999 et de nouveau
600 postes (dont 500 emplois-jeunes) en février 2000. Il est vrai
que le début de lannée 2000 avait été particulièrement chargée.
Mise en place de la CMU, adoption dun nouveau logiciel de
traitement des feuilles de soins et bogue de lan 2000 !
Pierre
Morange, député-maire RPR de Chambourcy, et médecin généraliste,
avait néanmoins déposé à lAssemblée nationale une proposition
de résolution (rejetée) en juin 2000. Il souhaitait que soit créée
une commission d'enquête sur les conséquences des retards de paiement
des caisses d'assurance maladie pour les assurés sociaux, les professionnels
de santé et les établissements de soins proposition.
Vers
une externalisation
Certaines
CPAM, comme celle dEure-et-Loir, ont choisi de faire appel
à des sociétés privées, leur sous-traitant la saisie des feuilles
de soins, provoquant au passage lire des syndicats. En revanche
aucune réaction de la part du ministère et de la CNAMTS. Cette voie
encore « expérimentale » offre quelques avantages appréciables :
un coût du travail inférieur au recrutement dun CDD, une gestion
des ressources humaines allégée et une plus grande rapidité de traitement.
Les CPAM qui sengagent sur cette voie contribuent dune
certaine façon à estomper un peu plus les frontières entre secteurs
public et privé, en participant au mouvement dinterpénétration
de ceux-ci, comme cela est le cas avec la CMU (lire notre article
Les
inconnues de la Couverture Maladie Universelle, La CMU renouvelle
la conception de la protection maladie)
A
la question « est-il possible que des organismes dassurance
maladie continuer à gérer ainsi un nombre aussi important dassurés
sociaux ? », les partisans de louverture à la concurrence
répond négativement. Ils ne prônent généralement pas une privatisation
pure et dure, mais plutôt une délégation de gestion de la sécurité
sociale. Ce mode dorganisation des organismes dassurance
maladie et en profiter permet dinstiller une dose de concurrence,
tout en leur fixant un cahier des charges précis.
Le
principe de la délégation de gestion
La
proposition de lancien président dAXA, Claude Bébéar,
de prendre en charge la gestion au premier franc de ses clients
en échange dune dotation de la part de la CNAMTS, avait provoqué
une levée de boucliers. Pourtant la délégation de gestion existe
depuis 1947.
Sont
concernés les fonctionnaires, les étudiants, le législateur considérant
quils constituaient un groupe homogène avec des besoins communs,
et les professions indépendantes regroupées au sein de la CANAM (anciennement appelé le
régime des non salariés, non agricoles).
Loriginalité
du système est de permettre aux assurés sociaux de choisir leur
organisme gestionnaire, et donc dintroduire une dose de concurrence
entre eux et de les inciter à gérer au mieux les sommes reçues afin
de ne pas être déficitaire, voire de dégager un léger excédent.
En effet, les organismes conventionnés (OCAM) reçoivent une remise
de gestion, dont le montant est négocié tous les ans. Celles des
mutuelles de la fonction publique sont calculées sur la moyenne
des cinquante caisses les plus performantes; les mutuelles étudiants
reçoivent quant à elles chaque année une somme forfaitaire (elle
était de 317 francs en 1999).
Des
effets positifs
Cette
formule permet aux assurés de choisir leur complémentaire santé
dans le même organisme qui peut être une compagnie dassurance
ou une mutuelle. Le bénéficiaire a ainsi un seul interlocuteur,
ce qui simplifie ses démarches administratives et lui épargne des
délais dans les remboursements.
Les
bons résultats de la CANAM en terme de gestion plaident en faveur
de cette organisation. Cest en effet le régime qui offre en
effet le meilleur rapport coût-remboursement. De plus depuis le
1er janvier 2001, ses remboursements sont alignés sur
ceux de la CNAMTS après avoir été longtemps moins avantageux.
Une
concurrence déloyale ?
Mais
la délégation de gestion telle quelle est organisée aujourdhui
nest pas du goût de tout le monde. Denis Kessler, président
de la FFSA, nest pas a priori contre, mais voudrait des aménagements.
Auditionné
par la commission denquête de lassemblée nationale sur
le régime étudiant de sécurité sociale (en raison des péripéties
qui avaient entouré la MNEF), il voudrait des aménagements. Tout
dabord il sinsurge du fait que la délégation de gestion
soit réservée aux fonctionnaires et aux étudiants et que les salariés
du privé en soient écartés, créant une concurrence déloyale. Il
souligne également les risques de confusion qui existent entre le
régime obligatoire et complémentaire.
En
effet dès lors quune feuille de soins se présente, les deux
éléments de la demande de remboursement seront traités simultanément.
Denis Kessler en conclut que la gestion du régime de base permet
de soutenir les activités complémentaires. Lassuré choisit
de préférence sa garantie complémentaire dans lorganisme même
qui gère sa part obligatoire. Il sagit donc dun marché
quasi captif. Cest pourquoi le vice-président du MEDEF prône
une séparation des opérations en naccordant aux organismes
conventionnés quun rôle de délégataire de la sécurité sociale
pour le régime de base obligatoire. La protection complémentaire
devraient relever dautres organismes, « avec des comptabilités
séparées, des personnels séparés et des moyens séparés ».
Sans omettre lantienne habituelle : les mutuelles ne
supportent pas les mêmes coûts que les compagnies dassurances,
bénéficiant dexonérations diverses (taxe sur les contrats
dassurance maladie, taxe professionnelle, taxe dapprentissage,
etc
). La FFSA a évalué ces avantages à environ 10 milliards
de francs par an (lire à ce sujet lentretien
de Denis Kessler). Ce à quoi la Mutualité française rappelle
quelle prend en charge des aspects sociaux quignorent
les sociétés dassurance (lire notre entretien
avec Jean-Pierre Davant).
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