Les
stratégies de portefeuille de produits des grands laboratoires

Corinne
Radal et Laurent
Alexandre
30 septembre
2000
Le
contexte actuel est délicat pour les laboratoires pharmaceutiques.
Bien que florissante, lindustrie est en effet confrontée à
lexpiration prochaine de plusieurs brevets sur des médicaments
importants et à la concurrence croissante des génériques. Pour faire
face à cela, plusieurs options sont possibles : commercialiser de
nouveaux médicaments, déposer des extensions de brevet, diversifier
ou affiner sa gamme thérapeutique, acquérir des génériques
Les mouvements de produits
entre laboratoires ont été nombreux en cette fin dété, notamment
en raison de la fusion entre Glaxo Wellcome et SmithKline Beecham.
Ils nous donnent loccasion détudier sur des exemples
les causes et stratégies à lorigine de ces recompositions
de portefeuilles.
Les causes de la recomposition des portefeuilles
Et demain ? Un passage obligé
par les biotechnologies ?
Tableau récapitulatif des récents
mouvements de portefeuille de produits
Les causes de la recomposition des portefeuilles
Le
secteur pharmaceutique est le plus gros consommateur de Recherche
& Développement. En 1999, il a consacré 12,8% de ses ventes
à ce poste, soit une augmentation de 12% par rapport à 1998. 7 groupes
ont ainsi investi plus de 2 millions de dollars dans la R&D
en 1999 : AstraZeneca, Pfizer, Novartis, Johnson & Johnson,
Roche, Merck et Glaxo.
Linnovation
thérapeutique et le développement de nouveaux médicaments est bien
entendu le cur du métier de lindustrie pharmaceutiques.
Cette innovation est particulièrement importante à lheure
actuelle : les laboratoires voient leurs molécules tombées dans
le domaine public concurrencées par les génériques, vendus en moyenne
30% moins cher; et les expirations de brevets vont se multiplier.

Les
laboratoires qui réalisent une part importante de leur chiffre daffaires
sur un seul produit sur le point de tomber dans le domaine public
sont alors "menacés" :
- Eli Lilly
et le Prozac (expiration du brevet en 2001, lancement immédiat
dun générique) ;
- AstraZeneca
et le Losec (Mopral en France, anti-ulcéreux, expiration en 2001
aux Etats-Unis) ;
- Schering-Plough
(Clarytine, traitement contre
les rhinites, expiration en 2002 aux Etats-Unis).

Pour
faire face et maintenir léquilibre, les laboratoires devraient
théoriquement lancer chaque année 2 à 3 molécules à fort potentiel
de ventes. Or, alors que 53 des 100 médicaments les plus importants
à lheure actuelle vont tomber dans le domaine public dici
2005, seulement 36 "remplaçants" potentiels sont attendus
dans la même période. Par exemple, IMS Health prévoit que AstraZeneca,
GlaxoSmithKline et Novartis lanceront chacun deux blockbusters potentiels
dici 2003, Pfizer 1 et Merck aucun.
Outre
la préservation de leurs marchés actuels, les laboratoires se doivent
également dêtre présents sur les nouveaux marchés. Ces marchés
sont notamment déterminés par les attentes des " consommateurs "
(exigences en terme de confort : anti-douleur, migraine, refus
de limpuissance
). Dautres émergent suite à des
phénomènes socio-démographiques : vieillissement de la population,
(doù un marché gigantesque pour les pathologies du sujet âgé
Alzheimer, ostéoporose...-), prévalence croissante de lobésité
Les
laboratoires sont donc actuellement amenés à repenser leur positionnement :
se diversifier, renforcer une gamme, développer un pôle thérapeutique
dexcellence
La recomposition du portefeuille de produits
revêt alors un caractère hautement stratégique.
Pour
diversifier son portefeuille et détenir un marché global :
Novartis acquiert Famvir et Vectavir/Denavir de SB
Famvir
et Vectavir/Denavir sont des antiviraux destinés au traitement de
lherpès, dont les ventes se sont élevées à 237 millions de
dollars en 1999. Efficaces et bien tolérés, ils sont très connus
du grand public.
Leur
cession a été demandée par les autorités de la concurrence américaines
dans le cadre de la fusion Glaxo-SB. Glaxo commercialisant les antiviraux
Zovirax et Valtrex, également indiqués dans le traitement de lherpès,
le groupe aurait en effet occupé une position trop importante dans
cette classe thérapeutique.
Cest
Novartis qui a donc acheté ses deux antiviraux le 31 août 2000,
pour 1.63 milliards de dollars. Confronté à lexpiration de
brevets sur des médicaments importants tels que Néoral et Voltarène,
qui lui fait prévoir un fléchissement des ventes au profit des génériques,
le laboratoire espère ainsi dynamiser ses ventes et accroître ses
bénéfices. Cette stratégie sinscrit dans la durée puisque
Famvir, lancé en 1994, détient un brevet de protection pour les
marchés majeurs (comme les Etats-Unis) jusquen 2010, et que
Novartis a en outre acquis le droit de poursuivre le développement
de ces produits.
Famvir
et Vectavir/Denavir lui permettent délargir son portefeuille
de produits et de renforcer son positionnement sur le marché clé
de la médecine générale, notamment aux Etats-Unis. En effet, Denavir
est la 1ère et unique prescription anti-herpès chez les
adultes sains approuvé par la FDA. Dans certains pays, Vectavir/Denavir
est même disponible sans prescription.
De
plus, ces antiviraux sont en synergie avec les produits de dermatologie
et de gynécologie du laboratoire (antifongique Lamisil, gamme dhormones
de substitution), ce qui va permettre à Novartis de proposer une
prise en charge globale des patients dans ce secteur : présentation
dune gamme complète de produits aux médecins, possibilité
de négocier avec les HMO
Pour
renforcer une gamme thérapeutique : Bayer acquiert la Josacine
dAventis
Antibiotique
de la familles des macrolides, la Josacine est indiquée dans le
traitement des infections dues aux germes dits sensibles (angines,
sinusites aiguës, surinfection de bronchites aiguës
), chez
les adultes et les enfants. Aventis a du sen séparer à la
demande de la Commission Européenne et la cédée à Bayer le
5 septembre dernier pour moins de 200 millions de francs.
Cette
acquisition permet à Bayer de renforcer sa gamme dantibiotiques.
Il passe ainsi de la 7ème à la 3ème place
sur le marché français des antibiotiques, derrière Aventis et GlaxoSmithKline.
Pour
favoriser le développement dun pôle dexcellence :
Roche acquiert Kytril de SB et lui cède en retour certains droits
sur Coreg
Le
Kytril est indiqué dans la prévention des nausées et vomissements
sévères chez les patients sous chimiothérapie. En 1999, ses ventes
se sont élevées à 366 millions de dollars. Sa cession a été initiée
par les autorités de la concurrence dans le cadre de la fusion Glaxo-SB,
Glaxo commercialisant en effet lantiémétique Zofran, qui a
des indications très proches de celles du Kytril.
En
acquérant le Kytril le 31 août dernier pour 1.23 milliards de dollars,
Roche enrichit son portefeuille de produits en le renforçant dans
le domaine du traitement contre le cancer. Le laboratoire possède
déjà une large gamme de médicaments anticancéreux (comme lHerceptin,
traitement contre le cancer du sein, dont la commercialisation vient
dêtre autorisée en Europe) et nourrit de grandes ambitions
pour ce domaine thérapeutique, peut-être en vue den faire
un futur pôle dexcellence.
Ce
renforcement de portefeuille survient à point nommé pour Roche,
qui a subi récemment plusieurs déconvenues lors de lancements de
médicaments (comme le Xénical, qui na pas eu le succès escompté
aux Etats-Unis) et a connu un recul de ses ventes pharmaceutiques
(notamment suite à 2 expirations de brevets).
Traitement
contre linsuffisance cardiaque, le Coreg était jusquà
présent commercialisé par Roche en partenariat avec SB aux Etats-Unis,
et par Roche au Canada. Désormais, SB aura lexclusivité des
droits sur le Coreg aux Etats-Unis et au Canada, et Roche restera
le seul producteur sur tous les autres marchés.
Négociée
lors de la cession du Kytril pour un montant de 400 millions de
dollars, cette acquisition va permettre à SB de renforcer sa présence
dans le domaine cardio-vasculaire. Elle constitue également une
avancée dans le développement dun futur pôle thérapeutique
du laboratoire (SB a en effet plusieurs médicaments prometteurs
dans cette aire thérapeutique : réduction du cholestérol, prévention
de la resténose
).
Suite
et fin (2/2)   
30
septembre 2000
|