La
prévention contre le tabagisme et le web
Catherine
Dupilet
Le
11 octobre, le fabricant de tabac Philip Morris lançait son site
internet. A la surprise générale, le fabricant reconnaît explicitement
les effets nocifs du tabac sur la santé et la dépendance à la nicotine.
Ce faisant, Philip Morris tente de se donner un alibi moral, mais
gageons que personne ne sera dupe.
Le tabac : un poids pour la société
Avant
que l’on ne prenne conscience des méfaits du tabac, les cow-boys
marlboro galopaient à travers la plaine américaine, le regard conquérant,
une cigarette au coin des lèvres. Aujourd’hui, ces mêmes cow-boys,
sous l’égide des comités de lutte contre le tabac, dispensent des
discours préventifs sur le tabac.
La lutte
contre le tabac se justifie en premier lieu parce que le tabac est
l’une des principales causes de décès si ce n’est la première dans
l’ensemble des pays industrialisés, et parce qu’il représente un
poids économique important.
Le
tabac représente un coût important pour la santé, il est à l’origine
de près de 55 000 décès chaque année en France, et explique 3 cancers
sur 10. Selon Pierre Kopp, professeur à l’université Paris-1 Panthéon
Sorbonne, dans son étude du coût social des drogues légales en France,
le tabac a coûté 65 milliards de francs à la France, soit 0,8% du
PIB, tout confondu, dont 20 milliards de francs pour la santé.
L’OMS
rapporte que le tabac cause chaque année plus de 4 millions de morts
à travers le monde, ce qui représente un coût annuel de 200 milliards
de dollars américains. Pierre Kopp, en 1997.
La cyber-prévention contre le tabac
Le
web est devenu un nouveau vecteur de communication sur le tabac,
et les sites qui communiquent sur les dangers de la cigarette se
multiplient.
Les
sites de l’OMS
de la Mission Interministérielle de Lutte contre la Drogue et la
Toxicomanie (MILDT), ceux des
ministères canadien,
australien
ou encore américain,
de la santé tiennent un discours « institutionnel » sur
le tabac. Ils proposent essentiellement de l’information aux internautes,
recensent les textes réglementaires, et les ouvrages scientifiques
qui concernent le tabac. Ces sites ne font pas de prévention, telle
qu’on peut en trouver sur les sites santé, ils fournissent essentiellement
de l’information sur la nocivité du tabac, constituant ainsi de
précieuses bases de données.
Le
site français tasanté s’adresse
plus spécifiquement à la jeunesse. Il propose à ses internautes
plusieurs applications qui non seulement dénoncent les dangers de
la cigarette, mais aussi fournissent des conseils pour arrêter.
Sur ce site, les ados ont accès à un forum sur le thème du tabac,
ils peuvent y témoigner, parler librement de « la clope »
et une fois par semaine, un médecin généraliste tabacologue répond
à leurs questions. Ce forum s’articule autour d’un feuilleton :
l’histoire de Jamel qui arrête de fumer. S’ils ne sont pas encore
convaincus, les adolescents peuvent regarder les tribulations de
Dukon, qui expose, dans trois dessins animés, les méfaits du tabac.
Il est intéressant de noter que ce site, qui a été financé par Skyrock,
bénéficie des subsides de la CNAM et du CFES pour communiquer sur
le tabac. Manifestement, la CNAM et le CFES ont fait du tabac leur
nouveau cheval de bataille. En plus de la campagne « aujourd’hui
c’est peut être le bon jour pour arrêter de fumer » diffusée
actuellement à la télévision et à la radio, sponsoriser la prévention
sur tasante.com,
leur permet de compléter leur message en s’adressant plus particulièrement
aux jeunes. De plus amples informations sur la campagne « aujourd’hui
c’est peut être le bon jour pour arrêter de fumer » sont disponibles
sur le site de
la CNAMTS.
Le
site La vie sans
fumée, un site canadien, s’adresse également aux jeunes de 13
à 19 ans. A travers le parcours de quatre adolescents, les internautes
reçoivent des conseils qui les aideront à arrêter de fumer et à
éviter les rechutes. Chacune de ces histoires porte sur un inconvénient
particulier du tabac : le coût, le tabac, le sport, les cordes
vocales.
Moins
original que ces deux sites, le site santé grand public Doctissimo
propose davantage de choses à ses internautes. Outre des informations
générales sur ce qu’il appelle « notre meilleur ennemi »,
Doctissimo donne des conseils aux parents pour dissuader leurs enfants
de fumer. Mais surtout, les fumeurs ont la possibilité de tester
leur dépendance au tabac, et leur motivation pour arrêter. A travers
leurs deux héros, Théo et Léa, ils s’adressent directement aux enfants.
Les
laboratoires pharmaceutiques s’attaquent, eux aussi, à la prévention
anti-tabac.
Aventis,
en collaboration avec la FNCLCC (Fédération Nationale des Centres
de Lutte Contre le Cancer), a récemment lancé le site Si
je fume. La vérité si j’fume s’adresse lui aussi aux adolescents.
La principale qualité de ce site est la qualité de son web design,
très inspiré des mangas. Outre des informations sur le tabac et
des conseils pour arrêter, ce site propose une visite virtuelle
du train d’exposition qui a sillonné la France du 5 au 28 juin 2000.
Les laboratoires
Pierre Fabre ont lancé le site
nicopatch. A la différence de Glaxo-Wellcome,
qui a également un site sur le tabac , ils ne se contentent pas
de communiquer sur leur produit, ni de fournir de simples informations
sur la nocivité du tabac. Ce site propose aux internautes qui désirent
décrocher un suivi personnalisé : Ma cure au jour le jour.
Les internautes ont la possibilité de tenir un journal dans lequel
ils pourront suivre tout au long de leur sevrage l’évolution de
leur envie de fumer, de leur moral, et de leur nervosité. Cette
application permet aux individus de visualiser les progrès qu’ils
ont réalisés. De plus, pour diminuer la difficulté et rompre l’isolement
du fumeur un forum permet aux internautes qui arrêtent de fumer
de dialoguer entre eux, de s’encourager, de comparer leurs expériences :
une autre motivation pour vaincre la dépendance. Enfin, pour éviter
de craquer l’internaute peut encore aller consulter les FAQ ou
interroger les laboratoires Pierre Fabre. Le site Nicopatch n’est
pas un simple support à la prévention, il constitue un véritable
outil d’aide au sevrage tabagique.
Cette
revue des sites dédiés à la prévention contre le tabac ne pourrait
être complète sans le site de l’université de Genève, stop-tabac,
qui a reçu le prix du Club Européen de la Santé en 1998. A partir
de plusieurs questionnaires, ce site construit le profil de l’individu,
et lui fournit des conseils personnalisés. Mais là encore, l’individu
est suivi tout au long de son sevrage puisque stop-tabac lui envoie
régulièrement des mails, il est invité à répondre de nouveau aux
questionnaires afin de voir l’évolution de son rapport au tabac.
Une
question se pose : quelle peut être l’efficacité de la prévention
sur le web ? La portée de ces messages reste limitée aux seuls
internautes, soit 20% de la population française. Mais parce qu’il
est plus facile de ne pas entrer dans le cercle vicieux du tabac
que d’en sortir, la cible privilégiée des messages de prévention
doit être la jeunesse. Or, ce sont surtout les jeunes qui naviguent
sur le web, et ils sont de plus en plus nombreux à le faire. On
peut donc penser que la cyber-prévention touche une cible privilégiée
qu’est la jeunesse, de plus l’originalité des messages leur insuffle
plus d’efficacité.
Mais surtout
le web présente un avantage non négligeable par rapport aux autres
supports de prévention. Il permet de délivrer davantage qu’un simple
message, les internautes peuvent y trouver, certes de l’information,
mais aussi des applications interactives et personnalisées. En d’autres
termes le web, à la différence des autres médias, associe le message
de prévention à l’aide personnalisée au sevrage.
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