Le
Prozac a-t-il amélioré la qualité
de vie des Français?
Suite
3
L'impact
économique du traitement par les nouveaux antidépresseurs pour la
collectivité
Les dépenses consacrées
aux antidépresseurs ont connu une hausse marquée au cours des dernières
années. Les antidépresseurs représentaient en 1998 au niveau mondial
3,7% des parts de marché des grands groupes pharmaceutiques, avec
une croissance de 20% entre 1997 et 1998, ce qui en fait une des
trois classes thérapeutiques les plus prescrites. En France, le
nombre de prescriptions d'antidépresseurs, Lithium inclus, est passé
de 12 500 000 en 1992 à 16 400 000 en 1998.
Cette augmentation
des dépenses liées aux antidépresseurs s'est faite parallèlement
à l'utilisation des ISRS qui sont sensiblement plus coûteux que
les tricycliques. Une étude faite aux Etats Unis a montré qu'entre
1990 et 1995, les dépenses consacrées aux antidépresseurs tricycliques
avaient baissé (-8% en Ontario), alors que celles liées aux ISRS
avaient presque quintuplé (+488%). En 1997, parmi les 10 médicaments
les plus prescrits aux Etats-Unis, figuraient en deuxième place
le Prozac, en cinquième le Zoloft et en septième le Paxil (paroxétine,
équivalent du Deroxat). En France en 1992, les tricycliques représentaient
42,7% des prescriptions et les ISRS 22,5%. Ces chiffres sont passés
à 23,5% pour les tricycliques et 50,8% pour les ISRS en 1998.
Cependant le fait que
les ISRS occasionnent moins d'effets indésirables que les tricycliques
permet une meilleure compliance au traitement de la part des patients,
donc au bout du compte une efficacité probablement supérieure. Des
études, en particulier au Canada, ont montré que le rapport coût-efficacité
des ISRS était égal ou supérieur à celui des tricycliques. Le coût
plus élevé des premiers est compensé par une diminution du recours
à d'autres ressources en soins de santé telles que les visites chez
le médecin ou l'hospitalisation. Ces résultats ne sont cependant
pas forcément généralisables en France, dans la mesure où au Canada
la disponibilité d'une fluoxétine générique permet de réduire les
coûts de prescription.
Des chercheurs français
ont montré que la diminution du nombre d'arrêts prématurés du traitement
a un impact économique non négligeable, empêchant l'excessive durée
des troubles dépressifs et la répétition des arrêts de travail.
La faiblesse des effets secondaires induit une diminution des dépenses
liées au traitement de ceux-ci. Par ailleurs, le nombre de suicides
potentiels diminue avec l'utilisation du Prozac. Cette analyse en
termes de coût/efficacité conclut à un impact positif du Prozac
pour la collectivité. Or, dans ce cas particulier au moins, qui
dit diminution des dépenses dit amélioration de la qualité de vie
en général.
Une étude française
de 1993 s'est attachée à démontrer l'impact de la fluoxétine sur
les coûts économiques résultant des arrêts de travail. L'impact
économique de la dépression sur la collectivité est, on l'a vu,
en grande partie dû aux pertes de productivité, et notamment aux
arrêts de travail. La reprise rapide des activités professionnelles
est donc susceptible de réduire notablement le coût global de la
maladie. L'étude en question porte sur 1 624 patients présentant
une dépression majeure ou modérée selon les critères du DSM (cf.
plus haut). On évalue l'impact du traitement par le Prozac sur les
arrêts de travail liés à la dépression, comparativement à trois
antidépresseurs tricycliques couramment utilisés, sur une durée
de huit semaines.
Les résultats sont
les suivants : la fréquence des arrêts de travail est significativement
plus basse chez les patients traités par Prozac (37 %) que chez
ceux traités par tricyliques (41 % pour l'amineptine, 42 % pour
la clomipramine et l'amitriptyline). Cette fréquence est de 52 %
pour les patients sans traitement antidépresseur.
Par ailleurs, il semble
que le risque d'arrêt de travail au cours du traitement par Prozac
diminue plus rapidement que pour les patients des autres groupes.
Le gain pour la collectivité
est substantiel :
- une économie sur
les coûts directs (indemnités journalières versées par l'assurance
maladie)
- une économie sur les coûts indirects.
L'économie estimée
s'élève, par exemple, 1 717 F si l'on utilise le Prozac plutôt que
l'amitriptyline, et à 3 232 F si l'on utilise le Prozac plutôt que
rien.
Suite
et fin de l'article
11 juin 1999
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