"Secrets
professionnels"
Marie-Anne Frison-Roche
Christine
Bouchet
10 janvier
2000
Un
ouvrage de synthèse sur le secret professionnel vient de paraître
dans la collection Autrement, avec le soutien du Conseil National
de l'Ordre des Médecins. Des spécialistes - médecins, juristes,
avocats, journalistes - évoquent les différentes facettes du secret
professionnel dans cet essai préfacé par Bernard Glorion, Président
de l'Ordre.
Le secret professionnel,
obligation de se taire et droit au silence, se heurte à l'évolution
de la société parfois dépassée par les technologies qui lui font
oublier les libertés des individus. Il s'oppose au mythe de la société
de l'information, et à celui de la transparence. Le secret professionnel
a pour but de réconcilier les personnes avec la société, et il donne
au professionnel un rôle de garant de la démocratie, "ce système
qui laisse vivre l'individu dans le collectif". Les frontières
entre le public et le privé nécessitent une détermination sociale,
mais elles sont fluctuantes dans l'histoire et selon les cultures.
La défense du secret
professionnel a un fondement moral, mais également juridique. En
France, la défense des secrets est mentionnée au droit pénal, et
non civil, puisqu'il ne s'agit pas seulement de protéger la personne
concernée, mais aussi l'intérêt général. Le secret professionnel
fait donc "partie intégrante de l'équilibre de la société".
Le cas du secret médical,
apparu au siècle de Périclès, est largement évoqué. Depuis 1810,
c'est un impératif pénal, imposé au médecin en contrepartie du droit
qu'il a d'accéder à l'intimité de son patient. C'est un des fondements
de la confiance accordée aux médecin.
Le respect du secret
médical peut être particulièrement complexe. Ainsi, le dossier médical
d'un patient renferme des informations qui le concernent directement,
mais dont il n'a parfois pas connaissance maladie dégénérative,
cancer de mauvais pronostic. Le médecin peut être amené, dans l'intérêt
du patient, à retenir l'information, ce qui sous entend qu'il connaît
mieux l'intérêt du patient que celui-ci. Des difficultés surviennent
également en psychiatrie, lorsque le patient est jugé incapable
de reconnaître son intérêt. Dans d'autres cas, le secret entre en
conflit avec l'intérêt d'autres personnes, dans le domaine de la
génétique notamment. Sur le plan juridique, les médecins ont une
obligation de dénonciation dans les cas où la loi impose ou autorise
la révélation du secret.
L'ouvrage décrit également
le secret militaire, celui dont la légitimité est la plus évidente,
le secret de la confession, le seul absolu, le secret des affaires,
détenu par le commissaire aux comptes et parfois en désaccord avec
l'objectif de transparence de la société. Le secret du juge
délibéré, instruction - celui de l'avocat et du journaliste sont
également détaillés.
En revanche, la nécessaire
adaptation des professionnels aux nouvelles technologies, les interrogations
suscitées par les nouveaux modes de communication et la généralisation
du recueil de données à des fins d'évaluation, ne sont pas directement
évoquées. Les évolutions attendues autour du dossier médical partagé
et les modifications annoncées de l'accès au dossier par le patient
vont en effet modifier le colloque singulier médecin-malade, et
faire du secret professionnel une question centrale.
Cet ouvrage a reçu le soutien du
Conseil National
de l'Ordre des Médecins
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