SECURITE
SOCIALE : APRES LE PLAN DURGENCE,
LA REFORME DE FOND ?
Claude
MALHURET
Dévoilé le 6 Juillet dernier,
le plan Aubry pour lassurance-maladie est le 11ème en 15 ans.
Ce chiffre témoigne à lui seul de la désespérante impuissance des
gouvernements successifs, de droite comme de gauche, à maîtriser
les dépenses de santé.
Au cours de sa conférence
de presse de présentation, la Ministre
de la Solidarité sest livrée au même exercice que tous
ses prédécesseurs, en deux actes :
Lhabitude aidant,
chacun a immédiatement compris que, comme chaque fois, ces assertions
étaient énoncées dautant plus fortement quelles ne correspondent
pas à la réalité :
-
En annonçant à de
nombreuses reprises que le plan
Juppé nétait pas bon et quon allait le
remplacer, le gouvernement Jospin a fait naître quelques espoirs
chez tous ceux, notamment dans le corps médical, qui lavaient
combattu. Deux ans plus tard, devant labsence dinitiatives,
lespoir sest peu à peu transformé en scepticisme.
Ce scepticisme risque de faire place aujourdhui à une
réelle hostilité comme lindiquent les menaces brandies
par la CSMF.
Aucune des mesures annoncées en effet ne remet en cause les
principes des ordonnances de 1996. Tout au plus annonce-t-on
une méthode " plus souple " dexercice
des pénalités pour les médecins en cas de dépassement des objectifs
financiers fixés par le Parlement.
-
Quant à lurgence,
elle apparaît de façon éclatante dans les deux principales mesures
immédiatement applicables : faire " rentrer dans
les clous " les dépenses des radiologues et de quelques
autres spécialistes, mettre à contribution les laboratoires
pharmaceutiques. Il sagit et cest tout à
fait compréhensible de diminuer le déficit de lassurance-maladie
de 3 milliards environ dici la fin de lannée.
Cest donc dans les
prochains mois que les choses sérieuses vont commencer pour Martine
Aubry qui est désormais au pied du mur. Contrairement à ce quelle
espérait, le retour de la croissance na apporté à la Sécu
quune bouffée doxygène éphémère. Cest dune
réforme de fond que celle-ci a besoin, réforme qui était lobjectif
du plan Juppé mais dont celui-ci ne sest jamais donné les
moyens.
Les conditions dune
telle réforme font désormais lobjet dun large consensus
chez les spécialistes de léconomie de santé, à la lumière
des expériences des pays européens qui ont réussi à maîtriser lévolution
de leurs dépenses. Elles sont exposées de façon détaillée dans le
rapport remis par François Stasse à Martine Aubry et Bernard
Kouchner le 15 Juin dernier pour ce qui concerne la médecine
de ville. Elles reposent sur un postulat simple, qui devrait paraître
évident comme il lest dans le monde de lentreprise,
mais dont il faut malheureusement encore convaincre nombre des acteurs
de notre système de soins : la maîtrise des coûts et lamélioration
de la qualité des soins ne sont pas des objectifs contradictoires,
mais tout à fait complémentaires. Bien sûr, et là réside la difficulté
de la tâche, ils supposent une remise en cause de vieilles habitudes
et surtout une transparence à laquelle le système français dassurance-maladie
ne nous a pas accoutumés.
Les principales propositions
du rapport Stasse comprennent :
-
La mise au point des
outils statistiques de lévaluation individuelle et collective :
nomenclature précise des actes, des pathologies, codage, développement
des moyens daide à la décision, des référentiels de bonne
pratique.
Nombre de ces réformes
étaient contenues en germe dans le plan Juppé, mais, prévues sous
forme de simples expérimentations, elles nont évidemment pas
vu le jour. Le 6 juillet dernier la nouvelle Ministre de la Solidarité
les a à son tour évoquées mais de façon si secondaire quil
est permis de douter de sa conviction à les mettre en uvre.
Cest pourtant là quau cours des prochaines années se
situe le défi. Sans parler de la restructuration hospitalière, deuxième
acte indispensable de cette nécessaire réforme et dont la difficulté
nest pas moindre.
Bien sûr la tâche est
rude. Il faudra compter avec une logique conventionnelle fragile,
avec le poids des habitudes, les réticences à légard des nouvelles
technologies de linformation, labsence en France dune
culture de santé publique, les jeux complexes et souvent obscurs
des partenaires de lassurance-maladie
Mais dautres
pays dEurope ont montré que ces obstacles pouvaient être surmontés.
Le gouvernement actuel
nencourt pas lhostilité radicale rencontrée par son
prédécesseur dans le monde de la santé en raison de la brutalité
des méthodes employées à son égard. Il a donc devant lui lopportunité
de convaincre tous ses acteurs de lurgence à sengager
résolument dans cette voie. Encore faut-il, bien sûr, quil
en soit lui-même persuadé.
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9
juillet 1998
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