Denis
Kessler
Président
de la Fédération Française des Sociétés d’Assurance (FFSA)
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"Il
est nécessaire d’associer le maximum d’acteurs à
la gestion de la Sécurité sociale. "
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Propos
recueillis par
Mathieu Ozanam
1er
décembre 2000
Dans le cadre de la CMU, l’assurance maladie a choisi de gérer à
la fois les parties obligatoire et complémentaire, élargissant son
domaine d’intervention traditionnel. Envisagez-vous d’en tirer argument
pour, à votre tour, demander à ce que les acteurs du régime complémentaire
puissent gérer le risque maladie au premier franc ?
Vous
soulignez à juste titre que la CMU conduit à une confusion des rôles,
puisque les caisses primaires peuvent cumuler la gestion des couvertures
de base et complémentaire. Les observations que nous avions formulées
à ce sujet lors de la préparation du projet de loi sur la CMU sont
d’ailleurs confirmées par les faits : les caisses primaires,
auxquelles doivent se présenter les bénéficiaires de la CMU, ont
quasiment évincé auprès de ce public les acteurs de l’assurance
complémentaire, à savoir les mutuelles du Code de la mutualité,
les institutions de prévoyance et les assureurs, grâce aux avantages
qui leur étaient dévolus par la loi.
Pour ce
qui est de l’assurance maladie de tous les Français, pourquoi ne
pas permettre à terme à tous les intervenants de ce secteur de pouvoir
gérer le risque dans sa totalité ? En respectant, bien entendu,
les principes fondamentaux de la Sécurité sociale : couverture
universelle, offre de qualité, financement socialisé, bonne gestion
du système et liberté d’affiliation de chacun (Lire aussi notre
article Les
inconnues de la Couverture Maladie Universelle )
Compte-tenu des évolutions en cours et du déficit persistant de
l'AM, plaidez-vous encore pour une ouverture de l'offre à la concurrence
?
C’est
bien la dérive non maîtrisée des dépenses de santé, sans justification
au regard des indicateurs de santé publique, qui commande une réforme
ambitieuse de l’assurance maladie. L’enjeu est de taille :
si nous laissons faire, l’envolée des dépenses et des déficits de l’assurance
maladie fera éclater le système, conduisant inéluctablement à l’émergence
d’une assurance santé à plusieurs vitesses. On nous accuse de favoriser
ce scénario, ce qui est faux car nous proposons les pistes qui permettront
de pérenniser un système d’assurance santé performant et solidaire.
Trois ans après l'échec de l'offensive Axa, comment envisagez-vous
l'évolution des stratégies des assureurs pour jouer un rôle plus
actif dans la gestion du système de santé, en tant qu'opérateurs
de réseaux ou gestionnaires délégués du risque par exemple ?
Vos
propos sont impropres : Axa a participé à une expérimentation
dont les résultats sont au contraire salués par de nombreux acteurs
du monde de la santé. C’est bien cette voie qu’il convient de poursuivre
et de généraliser. D’ailleurs, Axa et d’autres assureurs continuent
à réfléchir et à proposer des solutions innovantes : plates-formes,
information, etc.
La CANAM offre le meilleur rapport coût-remboursement, son mode
de gestion ne plaide-t-il pas pour une ouverture de la gestion de
la Sécurité sociale à une pluralité d’organismes ?
Votre
remarque confirme, s’il était besoin, la nécessité d’associer le
maximum d’acteurs à la gestion de la Sécurité sociale, et pas uniquement
des acteurs publics. Pourquoi en écarter les mutuelles du Code de
la Mutualité, les institutions de prévoyance et les sociétés d’assurances,
dès lors qu’il y a identité de traitement ?
Après la sortie du MEDEF de l’UCANSS, faut-il s’attendre à vous
voir quitter tous les organismes sociaux ? Ne craignez-vous pas
précipiter l’étatisation complète du système ? Celle-ci n’est-elle
d’ailleurs pas logique dans la mesure où les ressources de la Sécurité
sociale sont de plus en plus fiscalisées ?
Ces
questions multiples témoignent de l’extraordinaire imbroglio qui
caractérise le système social français, et que le MEDEF a stigmatisé.
Notre volonté est de parvenir à le réformer, afin de clarifier les
responsabilités et d’en assurer l’efficacité : c’est l’objet
même de la refondation sociale. Si nous devions constater que cette
réforme est impossible, alors nous cesserions de participer à une
gestion de plus en plus virtuelle des régimes sociaux. Mais la responsabilité
de leur étatisation reviendrait alors à ceux qui auraient privilégié
l’immobilisme. Je rappelle par ailleurs que les cotisations sociales
continuent de financer l’essentiel de la protection sociale, ce
qui fait que l’intérêt du MEDEF pour les organismes qui la mettent
en œuvre est tout à fait légitime.
Vous n’avez pas répondu à l’invitation lancée par la CSMF, le SML
et la FMF pour sa refondation partenariale, leur refus à leur tour
de participer aux débats de la refondation sociale du MEDEF dans
l’assurance maladie n’en fera-t-elle pas un projet mort-né ?
Nous
souhaitons discuter avec tous les acteurs de la santé dans le cadre
du chantier de la refondation sociale portant sur l’assurance maladie,
et nous entretenons d’ailleurs des relations suivies avec la plupart
d’entre eux. Mais le cadre des discussions paritaires nous est imposé
par la loi : il concerne toutes les organisations représentatives
d’employeurs et de salariés, et elles seules. Ceci n’exclut pas
des contacts avec les autres acteurs.
Aujourd’hui les Français font appel principalement aux mutuelles,
puis aux Caisses de Prévoyance et en dernier lieu aux sociétés d’assurance
pour leur couverture maladie complémentaire. La FFSA a porté plainte
auprès de la Cour européenne de justice à l’encontre de la Mutualité
pour distorsion du droit à la concurrence. Si cette démarche aboutit
sera-t-elle de nature à modifier les habitudes de consommation d’assurance
santé des Français ?
Votre
constat mérite d’abord d’être relativisé : les sociétés d’assurances
réalisent tout de même près du quart du chiffre d’affaires de l’assurance
maladie complémentaire. Mais vous évoquez à juste titre une distorsion
de concurrence majeure sur ce marché, qui se traduit notamment –
mais pas uniquement ! – par une taxe de 7% supportée exclusivement
par les contrats complémentaire santé proposés par les sociétés
d’assurances et payée par leurs clients. Nous avons donc porté ce
cas devant la justice communautaire, et nous avons bon espoir qu’elle
nous donne raison. Que la justice passe. Il est certain que le respect
du droit de la concurrence profitera, comme pour tout autre marché,
d’abord et avant tout aux consommateurs, c’est à dire, en l’occurrence,
à tous les Français qui ont une assurance complémentaire maladie.
D’autres distorsions fiscales et réglementaires doivent disparaître
et nous maintenons qu’il faudrait que les deux commissions de contrôle
– CCA et CCMIP – soient réunies en une seule nouvelle commission.
Réagissez
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1er
décembre 2000
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