Le
projet de loi de modernisation du
système de santé
Assemblée
Nationale
Mathieu
OZANAM
30 mai
2000
Initialement
prévue pour le printemps, la discussion sur le projet de loi sur
la modernisation du système de santé a pris du retard et devrait
être débattue à lautomne, à la rentrée parlementaire, si le
calendrier de la rentrée le permet
Le
monde de la santé lattendait depuis longtemps. Annoncée début
juillet 1999 par le discours de clôture des Etats généraux de la
santé de Lionel Jospin, la loi de modernisation de la santé semble
prendre peu à peu corps. Prenant acte de lévolution des rapports
entre les acteurs en présence, trois axes majeurs se dégagent :
- la réforme
des études ;
- le droit
des patients ;
- la régionalisation.
La formation, initiale et continue
Les institutions ordinales
La reconnaissance des patients :
la "démocratie sanitaire"
Vers
des agences régionales de santé
La formation, initiale et continue
Annoncée
dans le même discours par Lionel Jospin la réforme des études médicales
marque la fin de lépoque où les médecins devenaient généralistes
" par défaut ", faute davoir réussi à
devenir spécialistes, faisant naître des complexes dinfériorité
pour les uns et de supériorité pour les autres. La réforme de linternat
répond à une forte attente des syndicats de médecins généralistes.
Désormais tout le monde passera l'internat.
Il
est également question dimposer une formation médicale continue
(FMC) de 35 heures minimum par an pour une durée de 5 ans pour tous
les médecins quils soient libéraux, hospitaliers ou salariés.
Trois comités nationaux de FMC composés de médecins, de représentant
de lOrdre, de syndicats et duniversitaires, se partageraient
la tâche pour chaque catégorie de médecins. Les manquements à cette
obligation seraient signalés au Conseil de lordre qui pourrait
appliquer des sanctions si la conciliation naboutissait pas
en vertu de larticle 11 du Code de déontologie : " Tout
médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances ; il
doit prendre toutes dispositions nécessaires pour participer à des
actions de formation continue (...) ".
Reste
la question du financement qui nest pas encore réglée. Cest
faute de budget que les conseils régionaux de FMC (CRFMC) sont tombés
dans loubli et linaction après le recours formulé au
Conseil dEtat par les URM, à lorigine uniques financeurs
(lire aussi "Quel
avenir pour la FMC sur le Web ?" - 25/05/2000).
Les institutions ordinales
Linstance
ordinale se prépare à vivre des changements en profondeur dans
sa structure et dans ses missions. Des échanges entre le ministère
et le Conseil national ont permis de défricher le terrain. Lheure
serait au rajeunissement des conseillers ordinaux puisque lâge
de 30 ans minimum pour se présenter serait supprimé. Comme pour
les parlementaires, le cumul des mandats qui autorise aujourdhui
un médecin élu à avoir la double casquette Union Régionale des Médecins
Libéraux et Conseil de lOrdre deviendrait impossible.
Les
efforts porteraient aussi sur les déclinaisons départementales de
lOrdre. Leur autonomie étant rognée par lobligation
de communiquer les comptes rendus de leurs réunions au Conseil national.
Dans la même optique, il serait dorénavant possible au citoyen lambda
de saisir directement le Conseil national pour des questions disciplinaires
sans passer forcément par l'échelon départemental. Autre proposition
qui aurait leffet dun coup de canon pour une profession
qui souhaite continuer à sauto-contrôler entre pairs :
la possibilité de faire participer des représentants des patients
aux séances du conseil départemental de l'Ordre.
En
somme en souvrant aux patients, lOrdre, de structure
disciplinaire parfois soupçonnée de protéger ses membres, deviendrait
une instance de conciliation entre les patients et les médecins.
La reconnaissance des patients :
la "démocratie sanitaire"
Les
associations de patients attendent beaucoup de la loi en préparation
et le rapport commandé à Étienne Caniard, vice-président de la Mutualité
française à lissue des Etats généraux propose quelques pistes
(lire à ce sujet
"La place des usagers dans le système de santé" -
25/04/2000).
Nouvel
habillage pour une idée déjà ancienne mais jamais vraiment mise
en pratique, lidée de la participation des patients au système
de santé fait un retour en force. les nombreux sites qui ont fleuri
au printemps traduisent lengouement des internautes pour la
recherche dinformation santé. Le patient entend se réapproprier
sa santé et ne se contente plus des relations teintées de paternalisme
des médecins dautrefois. Cette revendication se traduit par
la volonté daccéder à leur dossier médical (lire
à ce sujet "Dossier médical en ligne : pour quoi faire ?"
- 29/05/2000).
Mais
les médecins craignent de tomber dans les excès dont les Etats-Unis
sont coutumiers avec une judiciarisation préjudiciable aux relations
médecins-patients. Des associations arguent que le besoin de savoir
et de comprendre se traduit rarement dans les faits par des poursuites
judiciaires.
Le
Conseil National de lOrdre des Médecins a fait son mea culpa
par la voix de son président qui a reconnu lors dun colloque
organisé au Sénat que laccès devait être facilité sous conditions
que le médecin traitant accompagne cette découverte. Les associations
les plus exigeantes veulent un accès complet et inconditionnel.
Le ministère devra trancher et réussir à concilier les points de
vue.
Vers des agences régionales de santé
La
régionalisation est dans lair depuis quelques années déjà.
LEspagne et lItalie fournissent à cet égard des exemples
intéressants (lire
à ce sujet les contributions du Colloque des économistes de la santé).
Lidée est de rapprocher léchelon décisionnaire de son
terrain dapplication afin de contribuer à réduire les inégalités
territoriales.
Les
ordonnances Juppé ont créé les Agences
Régionales de lHospitalisation (ARH) et les Unions Régionales
dAssurance Maladie (URCAM) complétant les autres structures
régionales : les Observatoires Régionaux de la Santé (ORS)
créés au début de années 80 et les Unions Régionales des Médecins
Libéraux (URML) nées en 1994. Demeure la forme quelle pourrait
revêtir.
Le
Parti Socialiste travaille beaucoup sur le sujet sous la conduite
de Claude Evin, lancien ministre de la santé. Son bureau national
a pris connaissance du rapport de Marisol Touraine, Secrétaire national
à la Solidarité : " Pour la modernisation du système de
santé publique ". La régionalisation préconisée se rapprocherait
plus dune déconcentration des pouvoirs qu'à une véritable
décentralisation, cest-à-dire que la gestion est confiée aux
instances régionales mais le contrôle reste entre les mains du gouvernement.
Ce nest pas un hasard si les directeurs dARH sont appelés
les " préfets sanitaires ".
Une
nouvelle structure régionale rassemblant les représentants de l'Etat,
de l'assurance maladie, des élus et des professionnels de santé
serait donc créée. Ces conseils régionaux de santé nauraient
quun rôle consultatif dans quatre domaines : la planification
de l'offre de soins, les autorisations d'activité, la prévention
et la santé publique et les réseaux de soins.
Ce
pourrait être une première étape vers la transformation des ARH
en agences régionales de santé (ARS) intégrant lensemble des
acteurs régionaux, chacun venant se fondre dans cette structure.
Dans
létat actuel des débats, les contours de la loi de modernisation
du système de santé sont encore flous, ce qui autorise certains
à parler de loi " fourre-tout ". Reprise économique
aidant, les comptes de la Sécurité sociale sont excédentaires pour
la première fois depuis quinze ans. Quoique lon puisse parler
de trompe-lil en ce qui concerne la branche santé avec
un petit excédent de 235 millions de francs (sur près de 1500 milliards
de budget), le contexte général est à lapaisement et des réformes
peuvent enfin être envisagées et engagées sans que la question de
la maîtrise des dépenses ne parasite les débats.
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