Découvrez Medcost

Plan du site

Contactez-nous

33, rue Raffet
75 016 Paris
Tél : 01 42 15 08 08

Jean de KERVASDOUE
La santé intouchable

ETHIQUE ET CHOIX ECONOMIQUE EN POLITIQUE DE SANTE
Le cas de la transplantation

( Chapitre 4 )

Le titre de cet exposé présuppose l'unicité de l'éthique et renvoie à la conception de la vérité éthique par rapport à une vérité scientifique, à supposer, dans notre cas, que les sciences sociales puissent y prétendre. Contrairement à l'opposition traditionnelle des philosophes physicalistes (1) entre la nature de la vérité dans les sciences en général et les sciences physiques en particulier d'une part et la nature d'une vérité, nécessairement de "second rang", en philosophie d'autre part, ces différences s'estompent si avec Charles LARMORE (2) nous admettons que "peut-être pourrions-nous reconnaître dans la pensée éthique une forme d'objectivité semblable à celle de la pensée scientifique si nous nous tournions vers un meilleur modèle de la connaissance en général". Cette éventualité me parait plausible et WILLIAMS (3) lui-même semble l'envisager lorsqu'il oppose le modèle fondamentaliste à un modèle holiste selon lequel "certaines croyances peuvent être questionnées justifiées ou modifiées alors que d'autres demeurent constantes, mais il n'existe pas de procédé permettant de les questionner toutes en même temps " (p.113).

Si nous nous plaçons dans ce cadre, nous nous trouvons donc à une époque donnée avec un ensemble de connaissances venant de la recherche scientifique et technique mondiale et un ensemble de valeurs individuelles et collectives de notre société française à la fin de ce siècle. C'est l'examen simultané de ces deux ensembles qui doit nous permettre de traiter du sujet qui m'est imparti en examinant les problèmes éthico-économiques que posent la transplantation.

La première remarque qui s'impose par son évidence est que, dans le domaine qui nous préoccupe, les choix qu'imposeraient une application de la théorie économique aux malades voulant se faire transplanter sont considérés comme non-éthiques. Ils vont à l'encontre de nos valeurs. Il n'y a pas de marché de la transplantation. Les organes disponibles ne vont pas aux plus offrants. L'égoïsme, moteur du libéralisme, qui veut que chacun en recherchant la satisfaction de ses besoins contribue à l'utilité collective par cette "main invisible" chère à Adam SMITH trouve ici ses limites.

Nos politiques sociales sont bâties sur d'autres principes que ceux de l'économie libérale. Elles s'appuient sur des principes de solidarité qui veulent que chacun contribue selon ses moyens et accède au système de santé selon ses besoins. Cela reste essentiellement vrai même si, en France, la part remboursée des dépenses de santé continue à décroitre en pourcentage.

Dans le domaine qui nous intéresse, le taux de prise en charge est pratiquement de 100% à l'exception du forfait hospitalier.

Même si l'économie de marché n'a pas son mot à dire, l'économie, qui s'intéresse à l'attribution des ressources rares, peut contribuer au débat qui nous intéresse.

Toute politique sociale doit examiner le bénéfice collectif qu'elle induit, mais aussi la moralité de ce bénéfice à savoir que des personnes identiques sont effectivement traitées de manière identique. Or les ressources dont dispose le secteur de la santé sont limitées. Même sans gâchis, toutes les ressources publiques : impôts et charges sociales ne suffiraient pas. On pourrait imaginer en effet, que comme certains chefs d'état, nous disposions de plusieurs dizaines de médecins dans les mois qui précèdent notre mort. Ce n'est pas le cas. Il y a donc rationnement de fait : rationnement dans l'accès aux organes, rationnement du nombre de services appelés à transplanter, rationnement des moyens de chacun de ces services, rationnement du nombre de greffes.....

Mais l'on peut considérer qu'en France, à l'exception de l'accès aux organes, géré en partie par France-Transplant en fonction du principe premier-venu - premier-servi, l'ensemble du rationnement est local c'est-à-dire réalisé par chaque hôpital, chaque service. En Grande-Bretagne (4) les conséquences de ce rationnement ont été analysées.

"Le rationnement local par les médecins du NHS britannique durant quatre décennies, du fait qu'il est invisible, est potentiellement discriminatoire (dans le cas du NHS, contre les plus de 50 ans, la classe ouvrière et les femmes).

Il corrompt également l'intégrité de la relation médecin-malade, forçant les médecins non seulement à mentir à leurs patients mais aussi à rationnaliser en refusant de reconnaître les besoins de leurs patients comme des besoins .La santé morale de toutes les institutions sociales, et l'intégrité psychologique de toute personne impliquée dans le rationnement, demande que ce processus soit public aux trois niveaux de la théorie de RAWLS - c'est-à-dire que les principes du rationnement sont publiquement reconnus, que le public sait qu'ils sont appliqués à la médecine, et que les raisons des décisions spécifiques sont connues".

Il y a en France rationnement de fait, accompli selon des critères localement définis, quand ils le sont que le rationnement soit tacite ou réalisé selon des règles pré-établies rien ne garantit que ces critères soient les mêmes. En outre "cette structure organisationnelle (France Transplant) donne aux transplanteurs la protection de la bureaucratie vis-à-vis de sa clientèle mais aussi le pouvoir discrétionnaire que confère le statut d'être son propre patron" (5). Nous reviendrons à ces questions avant d'aborder une question préalable .


Faut-il transplanter ?

La réponse à cette question parait évidente et positive. La transplantation permet à certains de nos concitoyens de vivre. Notre système de sécurité sociale est suffisamment riche pour nous offrir en cas de besoin cette garantie collective.

Néanmoins, dans un contexte de ressources rares, on peut se demander si cette technique onéreuse est la meilleure utilisation possible des ressources de la sécurité sociale. Un Etat américain l'Oregon (6) et un pays le Royaume Uni (7) se sont efforcés de rechercher des critères rationnels de classement de l'efficacité des techniques thérapeutiques aujourd'hui disponibles.

Cette recherche de rationalité n'est pas nouvelle. Il y eut tout d'abord les études coûts-bénéfices dont les limites sont venues du fait que les bénéfices doivent être exprimés en termes monétaires ce qui n'est pas toujours possible.

Les études coût-efficacité, ou coût-efficience, qui permettent de comparer des techniques proches, voire potentiellement substituables, mais ne permettent pas des études entre techniques thérapeutiques aux champs d'application trop lointains.

C'est pourquoi les économistes se sont intéressés aux études coût-utilité, avec une unité de mesure commune le "QALY" :

"Quality - Adjusted Life Years" qui utilise également le QWB (The quality of Well-Being Scale) (8)

Le ratio coût - utilité est calculé par la formule suivante :
Coût total = coût du traitement - coût des alternatives
QWB x nombre d'année (QWB Traitement - QWB alternatives) net de vie espérée x nombre d'année de vie espérée.

Sachant que le QWB se calcule de la manière suivante :

QWB = 1 - (morbidité observée X poids affecté à la morbidité)

- (activité physique observée X poids activité physique)
- (activité sociale observée X poids activité sociale)
- (problèmes et symptômes observés X poids symptômes et problèmes)

Ce type de méthode fait l'hypothèse que l'on peut vivre aussi longtemps que possible en étant aussi bien portant que possible ce qui parait raisonnable.

Elle a donné lieu à de nombreux commentaires et débats que je ne reprendrai pas ici (9).

J'indiquerai simplement que faire passer un malade de 0.3 à 0.5 est une amélioration identique à celle qui fait passer un malade de 0.8 à 1. Dans un cas il est plutôt mal portant, dans l'autre cas il l'est plutôt bien. Ces deux malades peuvent être identiques sauf si l'on partage une certaine conception de la justice qui voudrait que l'on favorisât les plus déshérités : Il y a de très nombreuses autres critiques formulées, à commencer par la difficulté de réunir les chiffres appropriés, la crainte des médecins de voir un indicateur externe se substituer à la relation médecin-malades etc.....

Néanmoins est-ce totalement dénué d'intérêt que de savoir ((7) P.76) que :

"Produire une année de vie en bonne santé coûte, selon le traitement proposé :

167 £ pour des conseils prodigués par des médecins généralistes auprès de leurs patients pour arrêter de fumer,
700 £ pour l'implantation d'un stimulateur cardiaque,
1 330 £ pour un pontage coronarien auprès d'un malade victime d'une angine de poitrine moderée,
3 200 £ pour une transplantation rénale,
8 000 £ pour une transplantation cardiaque,
14 000 £ pour l'hémodialyse à l'hôpital".

Cet intérêt peut nous paraître totalement intellectuel et pourrait conduire à simplement conclure qu'il faut tout faire pour favoriser la transplantation rénale plutôt que la dialyse en centre ce que nous savions déjà.

Mais quittons l'Angleterre pour revenir en Oregon où il y eut véritablement l'application de cette méthode aux malades relevant de medicaid (Ceci a d'ailleurs été le centre du débat éthique : pourquoi ne rationner explicitement que les pauvres même si c'est pour faire bénéficier d'autres pauvres de cette économie potentielle ? Les malades de medicaid sont en effet les plus défavorisés de l'Etat d'Oregon).

Les premières sorties d'ordinateur classèrent dans des groupes proches des malades intuitivement différents : ceux qui sont peu malades et pour lesquels les coûts sont peu élevés et ceux qui sont très malades et pour lesquels les coûts sont très élevés.

En outre, après avoir regroupé les malades en 709 groupes qui sont formés de paires "traitement-diagnostic," ils ont choisi de classer la transplantation du foie au 690 ème rang/709 quand le malade est alcoolique, alors que la même transplantation est au 366 ème rang quand le malade n'est pas alcoolique, même si l'indication dans le premier cas est bonne sinon meilleure que dans le second.

Le classement de l'Oregon n'a pas été une pure application des "QALYS", mais des QALYS, tempérés, si j'ose dire, par des jugements moraux et politiques. On les retrouve d'ailleurs en Angleterre où certains médecins refusent de prendre en charge pour des interventions lourdes fumeurs et/ou alcooliques.

Si l'on appliquait ce type de techniques en France et si l'on recherchait les méthodes contribuant le plus à l'amélioration de la vie de nos concitoyens à l'intérieur et à l'extérieur du champ de la médecine : prévention, lutte contre la toxicomanie, aménagement des routes, des quartiers difficiles, est-on certain que la médecine aurait toujours pour elle les meilleures "QUALY"?

Faut-il ne pas poser la question ?
Est-il éthique de ne pas le faire ?


Qui transplanter ?

Dans ce contexte la question n'est pas médicale mais politique . La médecine nous dit qui ne pas transplanter, comme, par exemple, les patients non-histocompatibles avec un greffon disponible.

Le faire serait coûteux et dangeureux et donc éthiquement condamnable.

Mais, entre malades ayant des degrés analogues d'histocompatibilité, des âges identiques , la médecine est sans critère pour indiquer qui favoriser. Elster et Herpin (5) font d'ailleurs remarquer que selon que l'on recherche le perfectionnisme, l'efficacité maximum ou la compassion, on privilégiera successivement ceux qui sont peu atteints, moyennement atteints ou au contraire très atteints.

Les jeunes ou les vieux ? Les Français ou les Etrangers ? les chefs de famille en pleine activité ou les retraités ? Les premières greffes ou les récidives après rejet du premier greffon ? Les producteurs ou les retraités ?

En France on ne répond qu'à une seule question : Ne sont greffés dans les hôpitaux publics que les gens solvables c'est-à-dire les assurés sociaux français et ceux des pays avec lesquels nous avons des conventions, auxquels s'ajoutent un petit nombre d'étrangers fortunés. En outre on privilégie d'abord et toujours ceux qui présentent des caractéristiques d'hyper-immunité. L'égalité d'accès est donc bien relative et tous les convives potentiels n'ont pas accès à notre table. A ma connaissance, il n'y a pas eu de directives, même officieuses, pour favoriser nos ressortissants nationaux, dans l'accès aux greffons, en ont bénéficié des Italiens, des Yougoslaves. Mais jusqu'à quand cela durera t-il ?

On pourrait également être tenté de favoriser les jeunes, les gens mariés (U.S.A.) les productifs ? Quel est le danger éthique d' une telle position ?

S'il est possible d'évaluer de manière objective des facteurs physiologiques, il n'en est pas de même des facteurs sociaux ou psychologiques. La manière de pondérer l'utilité sociale d'un virtuose du violon et d'un gardien de prison (sans jeu de mot) est affaire de point de vue. En outre, une société qui définirait une utilité sociale hiérarchisée selon les rôles de chacun interviendrait, de fait, dans le mode de vie de chaque individu (10) et serait donc de ce point de vue liberticide.

Enfin, toute discrimination à l'encontre des plus âgés, des faibles, des inadaptés suppose un manque de respect à l'égard de chaque personne considérée comme unique par essence, ce qui est d'ailleurs un principe fondateur de notre démocratie. Ceci est vrai même si économiquement, il conviendrait de favoriser les plus jeunes.

Comment choisir donc parmi plusieurs candidats possibles ? On pourrait imaginer le tirage au sort, mais l'aléatoire n'est pas nécessairement le juste. Pour ma part , je pense que le principe de la liste d'attente avec la règle du premier venu - premier servi est la plus juste , à condition qu'il n'y ait pas de discrimination dans la constitution même de cette liste et que des biais ne soient pas introduits par la résidence du patient comme ce fut le cas en France où les transplantations en région parisienne furent favorisées par rapport à celles de province. Cette non-discrimination n'arrive pas par hasard, elle doit être organisée et contrôlée. Le sentiment d'injustice nait de la discrimination, du secret, bien plus que de l'application de règles strictes et universelles.

A ma connaissance, il n'y a en France aucune obligation légale de déclarer un organe à France-Transplant, même s'il est habituel de le faire et de mettre à disposition de cet organisme au moins un rein sur deux.Les hôpitaux qui ,du fait de la présence d'un SAMU, ont à leur disposition des organes, peuvent donc organiser un court-circuit local et favoriser leurs propres équipes, même non -agréées. Peu le font et la règle est de prévenir France-Transplant, elle souffre cependant des exceptions.

Le moins que l'on puisse dire c'est que, dans ces conditions, les garanties d'équité à l'égard des autres candidats potentiels ne sont pas assurées.

Faut-il enfin souligner que le médecin, aussi titré soit-il, n'a aucune légitimité personnelle pour faire prévaloir ses propres préférences ou jugements de valeurs ? Je le crains, car dans notre pays la confusion des genres règne et la classe politique a tendance à entretenir cette erreur sur le fondement de la légitimité. Ce n'est pas parce qu'un médecin fait preuve de qualités humaines et intellectuelles dans sa pratique qu'il est légitime pour dire les valeurs de la société. Il peut légitimement en éclairer les choix. Il n'a pas à les faire. Mais il faut souligner, à la décharge du corps médical, que le silence de la classe politique est bien pesant sur les thèmes abordés ici et qu'il faut bien choisir. Le côté demiurge des uns est renforcé par l'extrême prudence des autres dans un domaine où l'on pense qu'il vaut mieux ne pas choisir ou simplement ignorer jusqu'à ce que des problèmes apparaissent comme l'a montré l'affaire du sang.


Qui transplante ?

Quelle équipe ?

Des textes récents ont limité l'autorisation de réaliser des greffes. Il faut qu'une équipe soit agréée. Le souci de la puissance publique fut à la fois économique : multiplier les centres coûtent cher, et médical : la qualité de l'acte augmente avec la fréquence et diminue statistiquement avec le nombre de centres. Cette relation n'est bien entendu pas causale et d'autres facteurs rentrent en ligne de compte dans les déterminants de la qualité.

Si cette politique a un fondement éthique elle pêche par le manque de publicité des modes d'appréciation. Certes les critères sont connus, les rapports à fournir sont les mêmes, mais, qui décide ? Comment s'élabore la décision d'agréer ou de ne pas agréer un centre ? Le manquement à la règle de publicité est incontestablement un manquement à l'éthique.

La réglementation actuelle souffre également d'une autre limitation, à savoir qu'elle favorise ceux qui exercent déjà cette activité par rapport à ceux qui voudraient l'exercer. Il y a incontestablement une barrière à l'entrée, il n'y a pas de procédure pour accueillir les nouveaux candidats et par contre un raisonnement tautologique pour faire des greffes, il faut en avoir fait ou comment en faire si on n'a pas d'autorisation ?

On verra la procédure qui sera suivie en pratique quand les centres seront examinés après cinq années de fonctionnement. Y aura t-il publicité des critères ? Y aura t-il appel d'offre pour solliciter la candidature de nouvelles équipes ? Sera t-il ouvert, à quels hôpitaux ?

Avec quel budget ?

Il n'est plus exceptionnel de constater que certains hôpitaux limitent le nombre de greffes pour des raisons strictement budgétaires.

Tout d'abord, ceci est contraire au principe du décret sur la dotation globale qui indique que le budget est calculé en fonction de l'activité de l'hôpital et non pas l'inverse !...

C'est ensuite un manquement à l'éthique pour plusieurs raisons :

1) C'est un rationnement de fait, sans publicité ,

2) C'est un rationnement inéquitable : tous les services sur le territoire national n'ont pas leur activité limitée, et quand une limite s'exerce elle n'a pas le même effet car :

  1. Les bases budgétaires ne sont pas les mêmes,

  2. Les dotations en personnel, les équipements ne sont pas les mêmes , et donc les coûts sont différents,

  3. Les taux de réussite des différentes équipes sont eux-mêmes différents.

Il faut enfin souligner que si certaines de ces responsabilités budgétaires sont exercées par le chef de service, il peut y avoir des contradictions entre ses responsabilités de chef de service gestionnaire du rationnement et son éthique médicale qui pousse à rechercher les soins les meilleurs possibles pour chacun de ses malades.


L'économie peut-elle favoriser le don d'organe ?

Nous sommes aujourd'hui en France dans une situation de pénurie, aggravée depuis plusieurs mois. Pénurie qui n'existe pas dans les pays où les donneurs vivants sont la règle plus que l'exception. Sachant qu'éthiquement nous avons collectivement refusé toute vente de produits du corps humain (organe, sang, sperme...) en suivant les recommandations du Comité National d'Ethique, les voies sont limitées, d'autant plus que c'est notamment par crainte d'influence financière que l'on a freiné, contrairement à d'autres pays (La Norvège), le don de rein à partir de donneurs vivants. La commission Nationale d'Ethique est d'ailleurs beaucoup plus restrictive que la loi Caillavet. Ce risque, n'est pas perçu de la même façon en Norvège, même si dans ce domaine, ils prennent aussi de grandes précautions et s'estiment aptes à "contrôler la transaction entre le donneur et le receveur" (5).

Les facteurs économiques jouent donc ici également un rôle. "Le suréquipement en appareils de dialyse entre pour partie dans le fait que des individus, étant potentiellement de bons candidats à la greffe, n'accèdent jamais à une consultation de prétransplantation" (5).

La division du travail et l'indépendance des chefs de service hospitaliers néphrologues d'une part, transplanteurs de l'autre, accentuent ces phénomènes d'autant plus que les seconds sont moins nombreux que les premiers et ne se trouvent que dans certains hôpitaux publics.

L'ensemble de ces facteurs : position éthique, intérêt économique, organisation du travail se renforcent les uns les autres et forment un tout cohérent car au nom de quel principe refuserait t-on l'acte d'amour suprême, celui du don d'un organe ? Les conséquences de ces choix sont que si en France 1/4 des insuffisants rénaux sont transplantés, c'est 80% qui le sont en Norvège.

Le libre choix s'étend même à la faculté laissée aux familles de ne pas faire don de leurs organes alors qu'eux-mêmes ou un de leur proche en sont potentiellement bénéficiaires.

Cette totale liberté serait-elle longtemps tenable ? Envisagera-t-on une pénalisation financière de ceux qui refusent le don, tout en acceptant la transplantation ? Comme c'est le cas en Turquie.

Le débat n'est, à l'évidence, pas économique mais éthique avant d'être, éventuellement, législatif.

Sans conclure ce débat, il est clair que même en dehors de toute malversation, influence financière ou autre, la situation de l'organisation de la transplantation n'est pas irréprochable sur le plan de l'éthique.

Puissent des réunions comme celle d'aujourd'hui et ces quelques réflexions, aussi succinctes que non exhaustives, contribuer à l'améliorer .


(1) Pierre JACOB - "Justification éthique et justification scientifique" (H.PUTMAN, Raison, vérité et histoire) Ethique et philosophie politique - Odile JACOB - Ed.1988
(2) Charles LARMORE - "Les limites de la réflexion en éthique" - (B. WILLIAMS, Ethics and the limits of philisophy) - Ethique et philosophie politique - Odile JACOB - Ed. 1988
(3) Bernard WILLIAMS, Ethics and the limlits of philosophy, Londres, Fontana Press/Collins, Coll. "Fontana Masterguides", 1985 x 230p.s
(4) Robert BAKER "The inevitability of health care rationing : A case study of rationing in the Bristish National Health Service : in rationing America's Medical care : The Oregon plan and Beyond. Editors : M.STRESBERG - J. WIENER - R. BAKER - A FUN - The brookings Institution 1992
(5) John Elster et Nicolas Herpin - Ethique des choix médicaux - Actes Sud - 1992
(6) Rationing America's Medical care : The Oregon Plan and Beyon - M. STRESBERG - J. WIENER - R. BAKER - A. FEEN - Editors - The Brookings Institution Washington D.C. 1992
(7) Alain JOURDAIN - "La qualité de la vie peut-elle guider les choix de plannification sanitaire ?
Les Qalys ou l'essai non transformé de l'Angleterre - Sciences sociales et Santé - Vol. XI - n° 1 - mars 1993.
(8) Robert KAPLAN - ouvrage cité - Ref 6 - pages 66 et 67.
(9) Pour le lecteur intéressé se reporter aux références (5) et (6) mais aussi : Gérard de POUVOURVILLE - que faire des QALYS ? Sciences Sociales et Santé, Vol. XI - N° 1, mars 1993
(10) Jean de KERVASDOUE et Al. "La Santé rationnée " p. 1299 - Economica 1981.

 

Suite et fin(chapitre 5)


 

 
Les grands principes de l'économie de la santé
L'annuaire des réseaux de soins

?
Testez vos connaissances
sur les portefeuilles des laboratoires!

Les 10 derniers articles en Economie de la santé

 6 novembre 2002
Prédisposition génétique du cancer du sein : l’Institut Curie part en guerre

Le premier qui dit la vérité Bernard Kouchner

 4 septembre 2002
Les classements hospitaliers en ligne aux Etats-Unis

“Severed Trust“ de Georges Lundberg

 12 juillet 2002
Organismes d’accréditation, systèmes d’information et gestion des risques en santé

 8 mars 2002
Lois bioéthiques : la révision à petits pas

 19 novembre 2001
Nobel d'économie et asymétries d'information en santé

L' " intérêt de santé publique ", grand oublié du médicament ?

Malades en Europe : Une pièce en 15 actes

 20 septembre 2001
Le dernier rapport de l'Igas : institutions sociales et usagers

ss 1
   

Copyright © Medcost 2003-Tous droits réservés.

 
Dossiers
Plan du site
 
Références : Doctissimo I Caradisiac I Ados.fr I Momes.net I gnomz.com I fluctuat.net