Sommes-nous
propriétaires
de notre santé ?
Mathieu
Ozanam
12
juillet 2002
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La
nouvelle loi en mars 2002, qui renforce les droits des malades,
marque la consécration de la montée en puissance des patients dans
notre système de santé. Peut-on pour autant dire que nous sommes
propriétaires de notre santé ? Un colloque, organisé au Sénat
par l’association nationale Droits des patients, en partenariat
avec Doctissimo, a permis de débattre des aspects juridiques et
éthiques de la question.
Fini
le paternalisme bienveillant ou condescendant du corps médical à
l’égard des malades. Les relations médecin-patient évoluent petit
à petit et trouvent leur traduction dans le droit. La loi "relative
aux droits des malades et à la qualité du système de santé",
votée début mars 2002, marque une nouvelle étape. Elle reconnaît
notamment le rôle des associations de malades et facilite l’accès
direct au dossier médical.
Le
patient, un consommateur de soins
Dans
le droit fil de la prise du pouvoir du patient sur son "capital
santé", les magistrats français adoptent des principes du droit
de la consommation, lequel protège les consommateurs aux dépens
des professionnels. En renversant en février 1997, la charge de
la preuve de l'information, l’arrêt Hédreul de la Cour de Cassation
a provoqué une petite révolution. Les médecins ont désormais le
devoir de donner une information "loyale, claire et appropriée"
à leurs patients avant de pratiquer des soins, dans le but d’obtenir
leur consentement éclairé. Jean Guigue, président du Tribunal de
Grande Instance de Bobigny, émet des doutes sur les conséquences :
"l’écrit n’est-il pas déjà en soi un signe de la détérioration
des relations ?". Il est vrai que les médecins vivent
mal cette évolution du droit. Ils craignent que s’instaure un climat
de méfiance, et que les procès se multiplient dans les années qui
viennent. Ils évoquent une judiciarisation des relations avec leurs
patients, à la mode américaine. Avant les trois maîtres-mots étaient
"confiance, bienfaisance et acceptation, aujourd’hui, nous
sommes dans une logique de zéro défaut" juge le sénateur Claude
Huriet. Alors pour se prémunir les médecins se constituent des preuves
témoignant que l’information a bien été communiquée. Les patients
sont invités à signer des fiches techniques d'information type,
évoquant tous les risques envisageables, même exceptionnels, liés
à l'acte de soins ou au traitement. "Après avoir lu ce type
de document, il faut vraiment avoir envie de se faire soigner pour
ne pas s’enfuir" ironise Yvonne Flour, professeur de droit
privé à l'Université de Paris I.
Information
complète pour consentement entier
Il
ne suffit pourtant pas de faire signer un papier pour décharger
le médecin de sa responsabilité. Un jugement, rendu le 16 octobre
1998 par le Tribunal de grande instance de Nanterre, en témoigne.
Un souffle au cœur avait été diagnostiqué chez un nouveau-né dès
ses premiers jours de vie. Les médecins proposent alors une intervention,
deux semaines après sa naissance. Au cours de l’opération une faute
technique provoque un arrêt cardiaque, entraînant pour l’enfant
des lésions neurologiques importantes. Bien que les parents aient
signé deux documents, le médecin est condamné pour information incomplète.
Les formulaires types présentés ne prenaient pas en considération
le cas particulier de l’enfant, négligeant de donner des détails
sur l’intervention. Les parents n’avaient par conséquent pas pu
de comprendre exactement en quoi l’opération consistait. Par ailleurs
les deux documents avaient été présentés et signés le même jour,
le délai de réflexion n’était donc pas suffisant. Les conclusions
du jugement font également remarquer qu’il existait une autre technique
chirurgicale, ce que les parents ignoraient, même si elle était
plus difficile à supporter pour l’enfant. Le juge a estimé que
l’information avait été insuffisante, provoquant une perte de chance
d’échapper au risque.
Jean
Guigue estime que le contrat établi entre le médecin et le patient
est déséquilibré, en défaveur des praticiens, leurs obligations
étant plus importantes que celles des patients. Yvonne Flour, professeur
de droit privé à l'Université de Paris I, renchérit : "On
ne peut pas réduire un médecin à l’état de prestataires de service".
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