La
brevetabilité du vivant
Nathalie
Beslay
15 mars 2001
Le
droit français prévoit que les « inventions nouvelles impliquant
une activité inventive et susceptible d’application industrielle »
peuvent bénéficier de la protection par un brevet. Les trois conditions
énoncées doivent donc être réunies :
- la nouveauté,
- l’activité
inventive,
- l’application
industrielle.
Un
brevet d’invention donne à son titulaire le droit d’interdire aux
tiers d’exploiter à des fins commerciales ou industrielles l’invention
brevetée. Le titulaire pourra également concéder des licences d’exploitation
du brevet. Le brevet présente donc, au-delà de sa fonction de sécurisation
et de son intérêt scientifique, industriel ou de marché, une fonction
économique.
Les droits
sur un brevet d’invention s’acquiert par un dépôt effectué devant
un organisme compétent, en France l’Institut National de la Propriété
Industrielle (INPI), étant précisé qu’un brevet peut également faire
l’objet d’une protection européenne ou internationale.
En matière
de médicament, « est brevetable une invention qui ne porte
pas sur une simple méthode de traitement, c’est-à-dire sur une découverte
abstraite du moyen de guérir ou de prévenir mais porte sur des compositions
pharmaceutiques et les conditions de leur application. » (Cour
d’Appel de Paris, 24 septembre 1984, PIBD 1984 n° 356 III-251).
A ce titre
l’article L 611-16 du Code de la Propriété intellectuelle énonce
que « ne sont pas considérées comme des inventions susceptibles
d’application industrielle au sens de l’article L 611-10 les méthodes
de traitement chirurgical ou thérapeutique du corps humain ou animal
et les méthodes de diagnostic appliquées au corps humain ou animal.
Cette disposition ne s’applique pas aux produits, notamment aux
substances ou compositions, pour la mise en œuvre de ces méthodes. ».
Si
les conditions de la brevetabilité des médicaments en général sont
donc fixées par le Code de la propriété intellectuelle, le développement
des biotechnologies, et dans ce cadre des médicaments issus des
biotechnologies agite la question éthico-juridique majeure de l’appropriation
du vivant et oppose des intérêts apparemment différenciés :
la protection des libertés fondamentales, et dans ce cadre la non-commercialité
du corps humain, d’une part, les exigences d’amélioration de la
santé publique et donc de la nécessité d'une recherche fondamentale
de pointe d’autre part, et enfin, l’impératif de protection juridique
des résultats scientifiques.
La brevetabilité du vivant
Dans
ce contexte, et après avoir été malmenée par les opposants à la
« brevetabilité du vivant », le 6 juillet 1998, le législateur
européen est parvenu à voter une Directive relative à la protection
juridique des inventions biotechnologiques.
Le dispositif
prévoit une application du droit national de la protection juridique
par le brevet et introduit des particularités protectrices des spécificités
de la matière « bio » : non brevetabilité du « corps
humain, aux différents stades de sa constitution et de son développement,
ainsi que de la simple découverte de l’un de ses éléments, y compris
la séquence ou la séquence partielle d’un gène », non brevetabilité
des « procédés de clonage des êtres humains », des « procédés
de modification de l’identité génétique germinale de l’être humain,
des « utilisations d’embryons humains à des fins industrielles
ou commerciales ».
En revanche,
un « éléments isolé du corps humain ou autrement produit par
un procédé technique » et notamment la séquence ou la séquence
partielle d’un gène est brevetable aux conditions énoncées au sein
de la Directive. La France n’a pas encore transposée cette Directive
et le débat bat à nouveau son plein, les acteurs politiques s’étant
saisis du calendrier législatif (en principe la Directive devait
être transposée avant juillet 2000) pour la remettre en cause.
Une remise en cause du principe de non-appropriation
Bill
Clinton, Tony Blair ou même Jacques Chirac ont « interpellé »
les acteurs clef de la recherche génétique et les ont exhorté à
mettre à la disposition de tous les résultats des recherches génétiques
et donc du séquençage du corps humain. Ces appels constituent une
remise en cause indirecte du principe de la non appropriation du
vivant par le brevet, confirmée par un récent
rapport du Comité Consultatif National d’éthique. Rappelant
l’un des principes des lois bioéthiques de 1994 : « le
corps humain, ses éléments et ses produits ainsi que la connaissance
de la structure totale ou partielle d'un gène humain ne peuvent,
en tant que tels, faire l'objet de brevets ".
Les contestations
et la remise en cause de certaines dispositions de la Directive
porte essentiellement sur la brevetabilité des gènes et ne vise
pas, évidemment, les applications médicamenteuses issues des biotechnologies,
en général.
Dans un
avenir proche, gageons que si la Directive est rediscutée le législateur
confirmera néanmoins les dispositions qui permettent désormais aux
acteurs européens du secteur des biotechnologies de se défendre
sur le marché international à l’égard de leurs homologues outre-atlantiques.
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15 mars 2001
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