Le
dossier médical
en ligne
Laurent
ALEXANDRE
Elie
LOBEL, Cédric
TOURNAY
29
mai 2000
Suite et fin (2/2)
Quelle évolution à terme ?
Les
dossiers proposés actuellement sur les portails santé grand public
sont encore sommaires, limités et peu structurés. Il s'agit moins
d'un dossier médical professionnel que d'un carnet de santé qui,
s'il présente des avantages, ne peut répondre aux besoins de partage
d'informations dans le cas de pathologies chroniques ou complexes,
où les dossiers médicaux sont volumineux et comprennent de nombreux
examens complémentaires.
En
France, une approche plus structurée du dossier médical en ligne
commence à être mise en place dans le cadre de réseaux de soins
régionaux centrés sur des pathologies chroniques : lhépatite
C en Bourgogne et Franche-Comté, le diabète en Essonne et Val de
Marne par exemple (lire
aussi l'interview du Dr Varroud-Vial). Dans ce cas, il s'agit
de dossiers structurés, avec de nombreuses rubriques (biologie,
anatomo-pathologie, diététique...) qui doivent être renseignées
par des professionnels de santé, avec l'accord du patient. C'est
donc un véritable outil de travail mis à la disposition du patient
et des professionnels de santé qui en ont la charge.
Si
ces expériences savèrent concluantes, médicalement et économiquement,
et si elles rencontrent ladhésion des patients et des professionnels
de santé, elles pourront être étendues et devenir progressivement
un standard en matière de gestion du dossier patient.
Quelles fonctionnalités pour un dossier
médical entièrement informatisé ?
La
transition entre le système tout papier et cloisonné qui prévaut
actuellement et le système tout informatisé et partagé prendra
du temps compte tenu du changement culturel majeur que cela représente.
Plusieurs points clés semblent nécessaires pour assurer le succès
de ce système :
-
Assurer
lexhaustivité des données. Il faut en effet à terme
éviter la multiplication de dossiers spécifiques (diabète, hypertension,
accidents vasculaires cérébraux ....) qui multiplieraient des
saisies identiques dans des dossiers différents pour un même
patient. Le dossier de médecine générale doit donc servir de
point de départ à partir duquel des modules spécialisés pourront
être rattachés.
-
Faciliter
la structuration des données du dossier.
Une faible structuration des données du dossier (nombreux champs
texte) peut à première vue faciliter son utilisation quotidienne,
mais elle soppose à lintégration dans le dossier
doutils à forte valeur ajoutée comme laide à la
prescription et lintégration de recommandations automatiques
liées au contexte personnel du patient. Les travaux de normalisation
en cours au niveau européen (norme GEHR
) recherchent
actuellement un compromis en la matière.
-
Réussir
lintégration des examens complémentaires au sein du dossier.
Cette intégration existe déjà dans certains logiciels médicaux
pour les résultats biologiques avec la transmission à la norme
Hprim. A terme, elle devra être étendue aux autres examens
complémentaires et en particulier aux examens radiologiques
numérisés, ce qui pose un problème despace disque et dhébergement
compte tenu de limportant volume de données quils
peuvent représenter.
www.hprim.org
-
Mettre
le patient au centre du système. Linformatisation
du dossier médical doit profiter au patient. Si le débat actuel
sur lappropriation du dossier médical par le patient aboutit
à un accès plus grand du patient aux données médicales le concernant,
le dossier en ligne deviendra une solution naturelle pour réaliser
cet objectif. Le dossier en ligne permet laccès aux données
mises à jour et, si possible, expurgées du jargon médical pour
les rendre compréhensibles au plus grand nombre. Des outils
daide en ligne informent le patient plus précisément sur
chacun des points de son dossier. Des outils de communication
lui permettront de poser des questions à son médecin, ou de
remplir lui-même certaines rubriques de son dossier (carnet
dautosurveillance glycémique par exemple).
-
Définir
les droits et les méthodes daccès au dossier. En
dehors dune situation durgence, et dans loptique
dune plus grande appropriation du dossier par le patient,
laccès au dossier doit être autorisé par le patient. Les
cartes Vitale de 2ème génération (individuelles)
pourraient devenir le support de laccès au dossier patient :
lintroduction dans le lecteur bifente de la CPS
et de la carte Vitale permettrait daccéder en lecture
aux informations contenues dans le dossier.
-
Coordonner
le contenu du dossier. Compte tenu de la multiplication
probable des intervenants autour du dossier médical, la nécessité
dun coordinateur simposera comme une nécessité au
bon fonctionnement dun tel système. Le médecin généraliste
pourra-t-il jouer ce rôle ? Cest envisageable, mais
cela nécessitera un important investissement en temps. A court
terme, il est probable que seule une minorité de médecins généralistes
pourra ou voudra consacrer le temps nécessaire à la constitution
du dossier. Il pourrait ainsi émerger une "spécialité"
paramédicale nouvelle consistant à assurer cette coordination,
en prenant la responsabilité de lexactitude des données
renseignées.
Selon
un sondage réalisé par la Sofres pour Libération
en mars dernier, 88 % des personnes interrogées sont favorables
à "l'accès libre" au dossier médical. Le Président de
lOrdre National des Médecins, Bernard Glorion, a donné un
avis favorable au principe, sous condition que cet accès soit "accompagné",
au nom de la mission d'information du praticien. Le projet de loi
sur la modernisation du système de santé devrait inclure ces nouvelles
dispositions.
Conclusion
Cette
nouvelle façon dappréhender les relations médecin-patient
sexprimera-t-elle dans les faits ? Si tel est le cas,
intégré à la pratique médicale, le dossier médical en ligne pourra,
au-delà de lintérêt quil suscite chez certains patients-internautes,
devenir loutil de référence des médecins et des hôpitaux.
La
santé est la première préoccupation des Français, lengouement
dont fait preuve le public pour Internet nen est quà
ses débuts et les relations patients-médecins évoluent vers une
plus grande autonomie et moins de paternalisme. Le dossier médical
en ligne semble promis à un bel avenir.
Retrouvez toutes
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29
mai 2000
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