Pr
Pierre Bey
Dominique
Stoppa-Lyonnet
Institut
Curie

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"Les
tests génétiques ne doivent pas faire l’objet d’un
monopole."
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Propos
recueillis par Hervé
Nabarette
6
novembre 2002
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Le
brevet implique un envoi "obligatoire" chez Myriad Genetics
aux USA des échantillons d’ADN des personnes à haut risque. Ceci
fait craindre un effet boule de neige préjudiciable aux progrès
de la recherche et à la concurrence : Myriad Genetics se constituerait
une banque unique de données génétiques, pourrait réaliser d’autres
découvertes et déposer d’autres brevets. Est-ce à dire que dans
le domaine, le brevet est incompatible avec la poursuite de la recherche
et une concurrence réelle ?
Les
collections d’ADN de personnes porteuses d’une mutation BRCA ou
de personnes non porteuses mais dont la probabilité de prédisposition
resterait élevée (puisqu’un test aura été demandé) vont permettre
à Myriad Genetics d’avoir une base d’échantillons biologiques d’une
taille unique et qui pourrait être le point de départ de recherches
supplémentaires : identification de facteurs génétiques modificateurs
des risques tumoraux chez les sujets BRCA, identification de nouveaux
gènes de prédisposition aux cancers du sein chez les sujets non
BRCA. Ces recherches ne pourront a priori pas être faites sans l’accord
des médecins prescripteurs (ou d’un grand nombre d’entre eux) et
sans des informations complémentaires (âge, statut atteint ou non,
caractéristiques du cancer s’il y a lieu, ….). Cette situation met
donc Myriad Genetics dans une situation très favorable pour identifier
de nouveaux gènes et déposer de nouveaux brevets, ce qui conduirait
à un monopole élargi portant sur l’ensemble des gènes de prédispositions
aux cancers du sein et de l’ovaire, voire à d’autres cancers. Alors
que le système des brevets a été institué pour favoriser la divulgation
des inventions et par là encourager le développement de nouvelles
inventions inspirées des premières, le monopole de Myriad Genetics
vient à l’encontre de cet objectif.
Les
dépistages génétiques doivent-ils être brevetés ?
A
mon sens, les tests génétiques (plutôt que dépistage – le mot dépistage
se référant à une maladie donnée) ne doivent pas faire l’objet d’un
monopole alors qu’il s’agit d’un droit accordé à tout breveté. En
effet, aujourd’hui la détection de mutation d’un gène identifié
n’a rien d’une invention et est à la portée de l’homme du métier.
L’alternative
au droit de monopole est la licence d’office. Il s’agit de licences
accordées dans des conditions acceptables pour le licencié et dans
le cadre d’une procédure de justice. Il faut rester néanmoins prudent
sur cette alternative. En effet, compte-tenu du nombre grandissant
de gènes identifiées en particulier pour les maladies complexes
(multigéniques) et parce que des mutations mêmes peuvent être brevetées,
on peut craindre des coûts supplémentaires exorbitants par rapport
à l’analyse proprement dite des mutations.
Le
Nuffield Council on Bioethics a pris récemment une position prudente
et qui m’apparaît tout à fait recevable. Il propose que la brevetabilité
des test génétiques soit très limitée et réservée aux situations
où les découvreurs ont fait véritablement preuve d’inventivité.
Décret
n°2000-570 du 23 juin 2000 fixant les conditions de prescription
et de réalisation des examens des caractéristiques génétiques
d’une personne et de son identification.
"Chez
un patient présentant un ou des symptômes d’une malade génétique,
la prescription d’un examen des caractéristiques génétiques
ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une consultation médicale
individuelle". Lorsque l’examen doit être effectué sur
un mineur, il ne peut être prescrit que si celui-ci peut personnellement
en bénéficier dans sa prise en charge ou si des mesures préventives
ou curatives peuvent être prises pour sa famille.
"Chez
une personne asymptomatique mais présentant des antécédents
familiaux, la prescription d’un examen des caractéristiques
génétiques ne peut avoir lieu que dans le cadre d’une consultation
médicale individuelle. Cette consultation doit être effectuée
par un médecin œuvrant au sein d’une équipe pluridisciplinaire
rassemblant des compétences cliniques et génétiques. Cette
équipe doit se doter d’un protocole type de prise en charge
et être déclarée au ministre chargé de la santé selon des
modalités fixées par arrêté du ministre chargé de la santé."
"Au
cours de cette consultation, la personne doit être informée
des caractéristiques de la maladie recherchée, des moyens
de la détecter, des possibilités de prévention et de traitement.
Les examens ne peuvent être prescrits chez un mineur que si
ce dernier ou sa famille peuvent personnellement bénéficier
de mesures préventives ou curatives immédiates. Le médecin
consulté délivre une attestation certifiant qu’il a apporté
à la personne concernée les informations définies ci-dessus
et qu’il en a recueilli le consentement dans les conditions
prévues à l’article R. 145-15-4. Cette attestation est
remise au praticien agréé réalisant l’examen ; le double
de celle-ci est versé au dossier médical de la personne concernée."
"Lorsque
l’examen requiert d’étudier les caractéristiques génétique
d’un ou plusieurs membres de la famille, il appartient à la
personne concernée, sur les conseils du médecin prescripteur,
d’obtenir le consentement de chacun d’entre eux".
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Voir
aussi :
Le
dossier de presse sur le site de l’Institut Curie.
La position
du Nuffield Council on Bioethics
– Chapitre 6, 7
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6
novembre 2002
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