Patrice
Cristofini
AFTIM
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La
santé au travail ne doit pas se limiter à
la visite médicale obligatoire et à
la déclaration d'aptitude.
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Propos
recueillis par Hervé
Nabarette
8 mars
2002
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Entre
l'entreprise et le salarié, entre le patient et son médecin
traitant
comment qualifier la position du médecin du
travail ?
Le
médecin du travail est d'être le conseiller de l'employeur
et du salarié, tenu au secret médical comme au secret
professionnel. Le médecin du travail doit juger de la compatibilité
entre un poste de travail et l'état de santé du salarié,
et les déclarations d'inaptitude sont bien réglementées
aujourd'hui. Le contexte de travail et le respect de la confidentialité
permettent par exemple souvent à la visite médicale
d'être le lieu où se révèlent les situations
de harcèlement moral.
Ensuite, le médecin du travail est un relais entre le travail
et la prise en charge libérale du patient. Avec l'accord
du patient, il demande au médecin traitant son opinion lorsqu'il
est confronté à un avis d'aptitude compliqué.
En sens inverse, le médecin du travail est un grand dépisteur
de pathologies visuelles, d'hypertension, de problèmes de
dos, de problèmes psychologiques, stress, dépression,
insomnie
N'oublions pas que 25% des salariés du tertiaire
ne voient pas de médecin dans l'année.
Concernant l'évaluation des risques dans le milieu de travail,
le médecin du travail fait appel à des équipes
pluridisciplinaires et travaille en réseau. Dans les cas
de légionellose par exemple, l'appel à une expertise
technique et scientifique est nécessaire. Mais le médecin
du travail reste l'expert médical, le garant de la confidentialité,
et celui qui observe le retentissement du travail sur la santé.
Il
semble y avoir une grande différence entre services interentreprises,
et services autonomes des grandes entreprises
Oui.
Les services inter-entreprises sont assurés par des associations
à but non lucratif, en réalité des "quasi-entreprises"
issues de regroupements patronaux et gérés par eux.
L'employeur choisit l'association à laquelle il s'adresse.
Ces structures embauchent des médecins, des infirmiers, des
secrétaires
Elles facturent à la visite, à
hauteur de 400/450 francs en moyenne, sinon au pourcentage de la
masse salariale plafonnée tranche A. Elles sont soumises
à la TVA, à l'impôt sur les sociétés,
à l'impôt forfaitaire annuel. Elles reçoivent
un agrément pour 5 ans par les Directions régionales
du travail et de l'emploi. Leur "rente de situation" vient
de l'obligation de la visite annuelle. Parfois, le "marché"
est assez concurrentiel, notamment en Ile-de-France.
90% des salariés passent leur visite auprès de services
inter-entreprises. Le médecin du travail voit environ 2800
salariés dans l'année, qui appartiennent à
300 entreprises différentes. Dans ces conditions, il est
impossible de visiter chaque entreprise. Il y a donc une grande
lacune dans le suivi qualitatif des salariés des PME. Comment
mettre en place l'évaluation des risques ? Avec quels
acteurs ?
Les services de médecine du travail intégrés
aux grands groupes prennent en charge 10% des salariés. Les
médecins sont des cadres salariés de l'entreprise.
Ils sont bien placés pour évaluer les risques propres
au milieu professionnel. Dans de grands groupes, certains services
de médecine de travail ont mis en place des actions de prévention
remarquables mais peu connues.
Les
médecins du travail participent-ils à des études
épidémiologiques ?
Ils
sont bien placés pour cela, comme le montre les données
produites par les spécialistes de pathologie professionnelle
et de santé publique, ce que les Américains appellent
l'occupational health. En France, les données issues de la
médecin du travail sont peu exploitées, à l'exception
de certains travaux de l'Institut de veille sanitaire (Pr Goldberg)
et certaines études nationales (SUMER
). Les maladies
professionnelles (indicateur en soi) qui doivent être déclarées
par le patient avec l'aide du médecin du travail sont souvent
sous-évaluées. Les médecins du travail craignent
la perte d'emploi du salarié, en l'absence de reclassement
possible du salarié dans l'entreprise.
Les rapports médicaux d'activité obligatoires ne sont
ni adaptés ni exploités pour jouer un rôle d'alerte
sanitaire dans la santé au travail (cancers professionnels,
nouveaux risques
) .
Quelles
sont les perspectives à venir ?
La
poursuite du renforcement qualitatif de la spécialité
médicale, le travail en réseau pluridisciplinaire
avec les autres préventeurs médicaux ou techniques
(ingénieurs de sécurité, ergonomes
) afin
de mettre en place une évaluation des risques performante
sont des nécessités absolues pour notre pays dans
le contexte européen.
L'AFTIM a défendu depuis de nombreuses années cette
approche pluridisciplinaire, voire transdisciplinaire des problèmes
de santé : sécurité, environnement.
Le préventeur médical ou médecin du travail
doit y participer activement, et rester le référent
et l'observateur privilégié des problèmes de
santé au sein de l'équipe pluridisciplinaire.
Si le chantier est immense pour les PME, l'enjeu est de taille pour
notre système de santé au travail et la préservation
de la santé de nos concitoyens en milieu professionnel.
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8
mars 2002
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