Myriam
Le Goff - Pronost
Economiste
à l’Ecole
Nationale Supérieure des
Télécommunications Bretagne
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"Les
systèmes de télémédecine ne sont rentables que pour
un certain volume d’utilisation, c’est-à-dire pour
un certain nombre de patients (ou de films) examinés" |
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Propos
recueillis par Hervé Nabarette
20
septembre 2001
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Les
évaluations médico-économiques en télémédecine sont-elles nombreuses ?
La demande est-elle forte et de qui provient-elle ?
Les
évaluations médico-économiques de la télémédecine ne sont pas nombreuses.
Si on regarde les exercices d’évaluation économique publiés dans
les revues dans le monde, on décompte seulement une quarantaine
d’articles menant réellement une véritable évaluation. En France,
elles sont de fait également peu nombreuses. Quelques équipes ont
fait des travaux fortement intéressants : le CEDIT (Comité
d’Evaluation et de Diffusion des Innovations Technologiques) en
1996 pour la prise en charge des urgences neurochirurgicales de
la Grande Garde de l’AP-HP (Assistance Publique des Hôpitaux de
Paris), l’équipe du centre pluridisciplinaire de gérontologie de
Grenoble sur les besoins médicaux sociaux des personnes âgées, le
IRDES a publié un guide méthodologique pour l’évaluation de la télémédecine.
J’ai
fait passer un questionnaire sur les aspects économiques de la télémédecine
auprès des médecins promoteurs de projets de télémédecine à partir
de la cartographie
publiée par le ministère , il ressort que près de 80% des projets
en place n’ont pas envisagé de programme d’évaluation économique.
Toutefois, alors qu’il y a deux ans, les aspects économiques n’intéressaient
pas les médecins, aujourd’hui la demande pour l’évaluation vient
des médecins eux mêmes. Cela s’explique essentiellement par la volonté
des médecins de prouver la rentabilité économique de leur projet.
En effet, la politique actuelle de financement de la télémédecine
repose sur des subventions provenant des institutions (Ministère,
Région), il est donc nécessaire de justifier de telles dépenses.
Si
on considère les évaluations menées jusqu'ici, que montrent-elles ?
Quels sont les dispositifs coût-efficaces ?
Les
résultats économiques sont en revanche pour l’instant très mitigés :
peu d’études montrent que la télémédecine est économiquement avantageuse.
On remarque une forte implication de ce que l’on pourrait appeler
le seuil de rentabilité : les systèmes de télémédecine ne sont
rentables que pour un certain volume d’utilisation, c’est-à-dire
pour un certain nombre de patients (ou de films) examinés. Or, la
plupart du temps ces seuils sont particulièrement forts. Les projets
n’étant pas encore en routine, les seuils ne sont pas encore atteints.
Les
évaluateurs se basent sur la baisse des coûts de transport pour
démontrer la rentabilité des projets de télémédecine. Elle permet
en effet, soit d’éviter le déplacement des patients, soit le déplacement
des médecins et représente donc un gain de temps pour ces derniers,
et une plus grande sécurité pour les patients. Ceci permet de justifier
une grande partie des projets actuels, surtout pour les besoins
des habitants des zones rurales et des territoires éloignés. Les
principaux bénéfices se mesurent donc en gain de temps : baisse
des transports évités, diagnostics plus rapides, réorganisation
du temps de travail, réduction de la durée de séjour hospitalier,
diminution des temps d’attente, et en gain au niveau de la sécurité :
baisse des transferts, baisse des risques, continuité des soins,
qualité pour tous, meilleure information et augmentation des compétences
médicales, réduction de l’isolement professionnel. La télémédecine
est d’autant plus rentable que les transferts des patients sont
coûteux. Mais ce ne sont pas là les seuls bénéfices de la télémédecine.On
peut y rajouter une diminution d’examens ou de tests redondants,
diminution de la prescription d’examens complémentaires, amélioration
de la productivité des spécialistes, une meilleure réponse aux besoins
des populations mal desservies...
Finalement,
la télémédecine est financièrement rentable lorsque :
-
La
technologie est un moyen qui ne perturbe pas la pratique médicale,
exemple : la téléradiologie,
-
Un
besoin médical nouveau a été identifié auquel la technologie
peut apporter une solution qui conduira à une utilisation forte
et en routine,
-
La
télémédecine est l’option unique (espace, navires),
-
Le
mouvement des patients est indésirable (prison),
-
On
a affaire à des endroits éloignés (îles) ou sinistrés (champ
de bataille).
En
définitive, il est nécessaire de prendre en compte l’ensemble de
coûts et des bénéfices de la télémédecine, qu’ils soient monétaires
ou non, pour juger de sa mise en œuvre et de sa diffusion. Il y
a également un besoin d’adaptation des méthodes d’évaluation à la
télémédecine.
Suite
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