Jérôme Stevens
Fondateur de Direct Medica

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Comme pour toute société traditionnelle, une
entreprise Internet se construit brique par brique en reposant
sur des fondations solides. Aujourd'hui nous avons une brique,
demain nous en rajouterons probablement d'autres."
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Propos
recueillis par Christine
Bouchet et François
Resplandy
15 mai
2001
Pouvez-vous
nous retracer rapidement l'historique de votre société
et ses objectifs ?
Dans
le cadre d'une étude réalisée sur les opportunités
de l'e-commerce en France, nous nous sommes rapidement aperçus
que le B to C n'avait que peu d'avenir à court terme. En
revanche, nous avons constaté un fort potentiel pour le marché
de la commande en ligne, en particulier en ce qui concerne les achats
des professionnels de santé : établissements hospitaliers,
pharmaciens, dentistes ou vétérinaires.
Nous
avons choisi le marché de la vente directe des laboratoires
aux pharmaciens qui présentait à nos yeux le plus
fort potentiel de développement court-terme. En effet, les
tendances lourdes du marché du médicament sont favorables
à la vente directe avec l'arrivée des génériques
et le développement de l'automédication lié
aux déremboursements de nombreuses spécialités.
Les contraintes de rentabilité de la visite pharmaceutique
ont contraint les laboratoires à réduire le nombre
de pharmacies visitées. Un site de vente en direct sur Internet
permet de toucher un grand nombre d'officines en complément
de la force de vente des laboratoires.
Notre
approche a toujours été très pragmatique :
nos idées ont été testées et systématiquement
validées auprès de nos clients, laboratoires et pharmaciens.
Ces tests ont été réalisés en janvier
2000 et la société a été crée
au mois de mars après une levée de fonds auprès
de la société de capital risque Index Ventures.
Quels sont les moyens mis en uvre pour parvenir à ces
objectifs ?
Notre
société, installées à Boulogne-Billancourt,
compte aujourd'hui 25 personnes dont 9 personnes dédiées
aux développements techniques. Direct Medica est propriétaire
de ses moyens techniques (Sun, Oracle, Broadvision) mais nous avons
externalisé l'hébergement chez un spécialiste
dont c'est le métier pour assurer la fiabilité de
notre service. Le site est en ligne depuis Janvier 2001 et met en
uvre des solutions techniques très avancées.
Notre pari était de permettre à chaque pharmacien
de visualiser les conditions tarifaires spécifiques négociées
avec les laboratoires. Pour cela nous avons développé
un moteur de pricing propriétaire. Ce moteur affiche les
prix des produits avec prise en compte des différents paliers
de remises (volume, gamme, commande totale). En outre, ce moteur
que nous les sommes les seuls à proposer prend en compte
les conditions des groupements, les offres promotionnelles, les
conditions de réassort et de franco de port, etc.
Quels sont, selon vous, les intérêts du pharmacien
à acheter en ligne ?
La
diminution de sa marge, l'augmentation des charges et l'arrivée
des 35 heures sont autant de facteurs qui poussent le pharmacien
titulaire à passer plus de temps derrière son comptoir.
Aussi, bien que le pharmacien reste très demandeur de la
visite des délégués pharmaceutiques, il est
contraint à réduire le temps qu'il peut leur consacrer.
Pour les commandes qui ne nécessitent pas la présence
du délégué pharmaceutique, le titulaire peut
utiliser Internet quand il le veut et aux conditions tarifaires
du direct. Pour nous, le délégué pharmaceutique
et le site de commande en ligne sont parfaitement complémentaires.
La vente en direct via Internet permet également aux pharmacies
non visitées d'accéder aux conditions du direct. Ainsi,
30 à 50% des commandes passées sur Direct Medica représentent
des nouveaux clients pour les laboratoires partenaires.
L'architecture et les principes d'ergonomie du site ont été
testés en focus-group. Le module de commande de Direct Medica
permet au pharmacien de visualiser les produits par DCI, par laboratoire,
et par famille. Il a également accès aux nouveautés
et aux produits en promotion. A ce jour, nous avons 30 laboratoires
(17 en ligne) et d'autres contrats sont en cours de finalisation.
Vous parlez de complémentarité entre délégué
et site Internet, mais n'êtes-vous pas vous-même contraint
d'assurer des visites auprès des pharmaciens pour la promotion
de Directmedica ?
Non,
nous axons beaucoup nos démarches sur le bouche-à-oreille
et la communication professionnelle. Nous mettons en avant notre
partenariat avec les laboratoires car c'est un atout en terme de
crédibilité ; les laboratoires restent nos meilleurs
ambassadeurs. Nous testons une approche directe du pharmacien mais
ce n'est pas le meilleur moyen. Par contre, nous organisons des
formations pour les pharmaciens dans les grandes villes ou chez
nous.
Les laboratoires ne sont-ils pas gênés que leurs produits
soient présentés au milieu de ceux de la concurrence
?
L'expérience
a démontré que non. Les grilles tarifaires sont assez
complexes et variées. Au final, il est assez difficile de
comparer les prix et nous n'avons pas cherché à développer
une fonction avancée de comparaison des prix. De toute façon,
le pharmacien est souvent assez fidèle à ses laboratoires
favoris. En revanche, sur Direct Medica le pharmacien peut accéder
à toutes les informations des différents laboratoires.
Par exemple, il est tenu au courant des campagnes publicitaires
à venir et peut donc adapter sa commande.
Comment sont mises à jour les données des catalogues
sur votre site ?
Chaque
laboratoire a ses spécificités techniques et ses modes
de fonctionnement propres. Nous développons des solutions
spécifiques à chaque laboratoire en privilégiant
la confidentialité et la sécurité des flux
de données.
Gérez-vous intégralement les transactions qui se concluent
sur votre site ? Assurez-vous logistique et facturation ?
Nous
n'avons pas cherché à exercer un métier qui
n'est pas le nôtre. La logistique ne s'improvise pas et demande
des investissements importants et une grande expérience pour
être efficace. Nous laissons également la facturation
aux laboratoires qui souhaitent ainsi conserver une relation privilégiée
avec leurs clients.
Nous
jouons un rôle d'infomédiaire mais cela ne se limite
pas au transfert des données, cela implique de faire la promotion
et le push des produits. Nous proposons aux laboratoires de cibler
les pharmaciens auxquels ils souhaitent faire passer une information
(nouveautés, promotions) et de personnaliser le contenu mis
en avant en fonction du profil du pharmacien. Notre site contient
un outils d'optimisation du panier qui offre au pharmacien la possibilité
d'utiliser au mieux sa grille tarifaire. Les pharmaciens sont extrêmement
sensibles à cet outil car il leur permet un gain de temps
et d'argent important.
Comptez-vous diversifier votre offre aux pharmaciens ?
Nous
pensons qu'il faut consolider notre offre de commande en ligne avant
de développer d'autres services. Un mur se construit brique
par brique en reposant sur des fondations solides. Aujourd'hui nous
avons une brique, demain nous en rajouterons probablement d'autres.
Quels sont vos cibles privilégiées : pharmaciens indépendants,
ou groupements ?
Non,
nous avons autant de pharmaciens indépendants que d'affiliés
à des groupements. Mais seul un titulaire en exercice et
dont l'identité a été vérifiée
peut avoir accès à notre site et à la commande
en ligne. Nous sommes très pointilleux sur les conditions
d'obtention des login/password car le contenu personnalisé
et en particulier les grilles tarifaires sont confidentiels. Chaque
demande d'inscription fait l'objet d'une vérification d'identité
rigoureuse par téléphone. Il est arrivé que
des inscriptions soient demandées sans que le titulaire soit
au courant.
La multiplication des sites de commande en ligne de laboratoires
et des sites portail comme Direct Medica n'est-elle pas néfaste
au développement de cette activité ?
Pas
réellement et la position des laboratoires est logique, ils
sont en phase de test. Il y a un an, pour 500 000 Francs, un laboratoire
pouvait mettre en ligne son propre site de commande en ligne. Mais,
il ne comportait ni grille tarifaire personnalisée, ni optimisation
du panier. Notre site a coûté 10 millions de francs
et nous améliorons sans cesse nos fonctionnalités.
Nous pensons qu'à l'avenir les sites de laboratoires seront
plutôt orientés vers le service et le contenu car là
est leur spécificité. Des liens permettront d'accéder
à des sites dédiés à la commande car
le pharmacien veut avoir l'ensemble de l'offre à sa disposition.
A titre d'exemple, aux Etats-Unis, des acteurs importants comme
Toys'r'us ou Levi's ont développé leurs propres sites
avant de privilégier l'approche portail et choisir d'être
présent aux cotés de leurs concurrents.
Quelles sont vos sources de rémunération ?
Un
pharmacien ne paye pas pour recevoir la visite d'un délégué
pharmaceutique, il en est de même pour accéder à
Direct Medica. L'inscription à Direct Medica est gratuite.
Cela ne veut pas dire que dans le futur, nous n'offrirons pas au
pharmacien des services complémentaires qui feront l'objet
d'une facturation à définir.
Les revenus sont assurés par les laboratoires. Nous vendons
notre prestation de promotion-vente des produits. La mise en ligne
du catalogue et des informations de promotion d'un laboratoire est
gratuite, nous facturons un pourcentage des flux de commandes qui
transitent sur notre site. Par ailleurs, nous offrons la possibilité
de faire de la publicité mais cela reste marginal et notre
business-model ne repose pas sur cette activité.
Quand pensez-vous atteindre l'équilibre financier ?
Les
investissements importants ont été réalisés
durant les douze derniers mois et aujourd'hui nos coûts d'exploitation
ne sont pas très importants, nous n'avons pas de dépenses
"somptuaires". Compte-tenu du développement rapide
de notre activité, nous serons à l'équilibre
en fin d'année, avant 2002.
Envisagez-vous une extension européenne ?
Nous
y réfléchissons mais les modes de promotion et les
marchés sont complètement différents. Il n'est
pas certain que notre modèle soit applicable. Nous attendons
d'atteindre l'équilibre financier avant de prendre des décisions.
Quels sont vos sites Internet favoris ?
www.forrester.com
www.reutershealth.com
www.healthgate.com
www.pharmaceutiques.com
www.medcost.fr
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15
mai 2001
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