Pierre Rimbaud
Directeur général de Medipasse.net
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La vérification de la qualité professionnelle
des internautes dans l'Internet médical est un vrai
travail de Romains ! "
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Propos recueillis par Mathieu
Ozanam
24 avril 2001
Avoir un même mot de passe pour tous les sites que l'on visite,
c'est ce que Medipasse propose depuis 1999. Pierre
Rimbaud nous présente ce service professionnel qu'il
a créé avec son confrère Vincent
Toutée.
Comment
passe-t-on de l'exercice de la médecine en cabinet à
la création d'un service web ?
J'ai
effectivement exercé la médecine générale
en cabinet pendant 11 ans à Pithiviers, dans le Loiret. Nous
avons été parmi les premiers en France à avoir
une informatique en réseau. Nous avions des Atari à
l'époque, le fin du fin ! Mes responsabilités à
la faculté en 3ème cycle de médecine générale,
ma participation au Conseil Régional de Formation Médicale
Continue (CRFMC) de la région Centre, et mes activités
de conseil pour les laboratoires pharmaceutiques ont peu à
peu pris le dessus. Il m'a fallu faire des choix. Après plusieurs
années de conseil médico-marketing en agence, je suis
entré à la direction du marketing opérationnel
d'Impact Médecin, en tant que chargé du développement
des nouvelles technologies, où j'ai en particulier développé
les CD-Rom de formation d'Impact Internat.
Comment
avez-vous eu l'idée de Medipasse ?
De
nombreux sites de l'Internet médical proposent des espaces
réservés aux professionnels de santé. La volonté
est louable, mais aboutit à un effet pervers : les internautes
sont rebutés par toutes les barrières que représentent
les mots de passe. Il faut ajouter qu'en outre l'identité
du visiteur n'est nullement garantie. Un exemple parmi beaucoup
d'autres : un de mes interlocuteurs de l'industrie pharmaceutique
m'avouait récemment qu'il s'inscrit régulièrement
sous le nom de " Professeur Tournesol " sans rencontrer
aucun obstacle.
Avec Vincent Toutée, fondateur de quantimed.com, et Laurent
Felici, ingénieur informaticien, nous avons décidé
d'offrir un service aux professionnels de santé pour leur
simplifier l'Internet médical. C'est ainsi qu'est née
la société JENWIN fin 1999 (prononcez " Genuine
", NDLR).
Vous
avez inventé un nouveau métier dans la Net-économie
?
Le
décret de la signature électronique qui vient de paraître
assoit l'authentification nominative reposant sur l'intervention
d'un tiers, un opérateur privé qui donne les clefs
pour signer. Notre métier de certificateur est un peu différent
puisque nous faisons de l'authentification anonyme, qui garantit
uniquement le statut professionnel. Nous nous assurons minutieusement
de la qualité professionnelle de chaque internaute qui s'inscrit
sur notre site, et cette vérification est un vrai travail
de Romains ! Connaître vraiment le statut de ses visiteurs
ça prend beaucoup de temps et d'argent. D'autant qu'il faut
prévoir des procédures de remise à jour annuelle
des données.
Les sociétés qui font appel à nous évitent
d'avoir à faire elles-mêmes le webmastering des accès
à leur site, économisant ainsi des dizaines de milliers
de francs par mois.
En
quoi ce service consiste-t-il exactement ?
Notre
métier consiste à certifier la qualité professionnelle
des personnes qui sont inscrites chez nous. Une fois munies de leur
code et mot de passe, elles peuvent se rendre sur n'importe quel
site partenaire qui arbore le bouton Medipasse,
où elles pourront attester leur statut professionnel.
Quand une personne s'inscrit sur notre site, nous vérifions
les renseignements qu'elle nous a communiqués grâce
aux nombreux fichiers disponibles : Ordres, annuaires professionnels,
assurance maladie, etc. In fine nous adressons un courrier recommandé
à son adresse postale professionnelle. Le dernier maillon
de la chaîne, notre authentificateur final, c'est le facteur,
car il remet le document en mains propres. Les banques ou le GIP-CPS
utilisent la même procédure.
Lorsque la seconde version de la CPS sera disponible et plus largement
diffusée, nous gagnerons du temps car nous nous épargnerons
la phase d'envoi de recommandé. Nous avons déjà
reçu l'agrément du collège d'attribution du
GIP.
Cela
simplifie la vie des internautes, mais pour les sites ?
L'avantage
pour l'usager est évident : il gagne en simplicité
dans sa navigation, tout en pouvant conserver l'anonymat. Il n'a
plus à renseigner maints et maints formulaires avant d'accéder
aux sites. Il cesse surtout de disperser des informations personnelles
nominatives et réduit le risque d'être noyé
sous le courrier électronique non sollicité (spam).
Nous nous engageons en effet formellement à ne diffuser aucune
donnée nominative concernant nos inscrits.
Cependant, le site visité reçoit un code pour chacun
de ses visiteurs. Cela lui permet de le reconnaître, et il
peut fort bien lui demander de révéler son identité.
Simplement, avec Medipasse, la démarche d'identification
nominative devient volontaire et délibérée
(ce qu'on appelle l'opt in) et ce n'est plus une contrainte systématique
à l'entrée.
Quant aux sites adhérents, ils ont parfois l'obligation réglementaire
(la récente charte de l'AFSSAPS nous le rappelle, lire l'entretien
de Frédéric Fleurette), ou l'envie de contrôler
la qualité de leurs visiteurs, afin que n'importe qui n'accède
pas à des informations médicales réglementées
ou corporatives, ni ne vienne interférer sur leurs forums
professionnels. Medipasse est également pour eux un moyen
de connaître très finement la structure de leur lectorat.
L'inscription
des professionnels de santé est gratuite et aujourd'hui un
nombre important de sites adhérents sont des structures associatives
aux moyens modestes. Est-ce que ça ne pose pas un problème
de rentabilité à terme ?
C'est
vrai que tous les sites associatifs n'ont pas les mêmes capacités
contributives qu'un grand groupe, mais nous refusons tout ostracisme.
Nous avons vocation à être présents sur tous
les sites, dans l'intérêt des usagers. Nous proposons
donc à nos adhérents plus modestes de faire sponsoriser
la page qui supporte l'attestation Medipasse sur leur site, par
un assureur, un laboratoire, un constructeur automobile, ou tout
autre annonceur qui prendra en charge le montant des attestations.
Le site a été créé, testé et
validé en 1999, et en juin 2000, nous avons commencé
à le faire connaître. En janvier nous comptions 2500
professionnels de santé inscrits, aujourd'hui ils sont près
de 5000. Un millier d'entre eux ne sont pas médecins et un
autre millier sont des médecins francophones qui exercent
à l'étranger (Maghreb, Asie, Québec...). Le
bouche-à-oreille fonctionne très bien, le MEDEC ne
doit pas y être étranger.
Quels
sont vos clients aujourd'hui ?
Je
citerai en vrac, parmi nos partenaires de la première heure,
des laboratoires comme Coloplast, Wyeth
Lederle et Pasteur-Mérieux, des éditeurs comme
le JIM, des sociétés
savantes comme la SNFGE
et des associations comme celles des Médecins-Maîtres-toile,
ainsi que des organismes publics et des établissements de
soins, mais la liste
de nos adhérents (voir sur le site) évolue désormais
quotidiennement. Un mot des Médecins-Maîtres-toile
: cette association loi 1901 réunit une quarantaine de médecins
auteurs de leur site. L'audience cumulée de ces sites, au
contenu très diversifié, fait de cette association
dont nous faisons partie depuis longtemps, une institution importante
du net médical francophone et pour medipasse un véritable
vivier de sites partenaires.
Quels
sont vos concurrents ?
PVS,
aux Etats-Unis, fait la même chose que nous - mais sans avoir
imaginé la formule permettant à un site modeste de
se faire sponsoriser. En Allemagne, DockCheck fait un métier
approchant mais dans un esprit différent. Pour exercer ce
métier il faut être imprégné du système
de santé des pays dans lesquels on intervient. Nous sommes
aujourd'hui en position de défricheurs.
Si
nous prenons rendez-vous dans un an, où en serez-vous ?
Nous
espérons avoir atteint au moins 20 000 professionnels abonnés
et 200 sites affiliés. Cela représentera une part
importante du marché, car il se développe encore très
doucement.
Et
enfin quels sont les sites que vous fréquentez sur le net
?
J'utilise
Google à tout bout de champ. C'est vraiment une merveille,
et le plus rigolo est de " googler " les copains : tapez
leur nom, vous serez souvent sidéré.
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24
avril 2001
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