Jean-Luc Préel
Député de Vendée
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Plutôt qu'une étatisation ou une privatisation
du système de santé,
je propose une véritable régionalisation. "
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Propos
recueillis par Mathieu
Ozanam
24 avril
2001
Jean-Luc Préel est secrétaire national de l'UDF, chargé
de la protection sociale, député de Vendée
depuis 1988 et gastro-entérologue. Il soutient son projet
de régionalisation du système de santé en préconisant
une vraie décentralisation et non une déconcentration.
La
situation paraît particulièrement tendue avec les professionnels
de santé et l'on semble encore courir après les dépenses
de santé. Quel constat faites-vous de la situation ?
Le
système de soins à la française est plutôt
performant concernant le curatif, l'OMS a d'ailleurs classé
la France en première position dans son palmarès,
même si les choix des critères intervient, naturellement
(à ce sujet, lire notre article Rapport
de l'OMS la santé dans le monde 2000). Mais nous sommes
mauvais pour la prévention.
S'il est relativement coûteux, il faut souligner que nous
ne sommes guère que le 5ème pays en terme de dépenses
de santé par rapport au PIB, la France est riche et peut
se le permettre. De plus il ne faut pas voir la santé uniquement
comme une source de coûts. Des biens, des services et des
emplois sont créés dans toutes les régions.
On l'oublie un peu trop.
Je constate également que la France est le seul pays à
bénéficier d'une aussi grande liberté, que
ce soit pour le choix de son médecin ou pour son lieu d'hospitalisation
dans le secteur public ou privé, et tout cela sans liste
d'attente comme en Grande-Bretagne, au Danemark ou au Québec.
Les médecins, quant à eux, ont la liberté de
s'installer où ils le désirent et de prescrire, comme
ils l'entendent, même si certains de ceux avec qui j'en discute
ne partagent pas entièrement mon point de vue. Cependant
il reste des progrès à faire pour une meilleure prise
en compte des besoins et de l'adéquation de l'offre, pour
mieux articuler la ville et l'hôpital. Nous nous dirigeons
aujourd'hui vers une étatisation quasi complète du
système de santé.
Pourtant
la régionalisation est déjà en marche depuis
la loi hospitalière de 1991, puis les créations des
ARH et des URCAM ?
C'est
surtout l'étatisation qui est en marche. L'Etat s'immisce
partout. Il définit la politique des hôpitaux, a récupéré
les cliniques en 2000 qui étaient auparavant dans le champs
de compétence de la CNAMTS, et s'occupe des médicaments.
Lorsqu'un problème avec les professionnels de santé
surgit, le ministère intervient à temps et contretemps,
sans se préoccuper des accords intervenus, comme cela a été
le cas avec les dentistes et les radiologues.
Depuis 1995, l'assemblée nationale débat des dépenses
de santé, c'est un grand progrès. Mais lors de l'examen
de la loi de financement de la sécurité sociale un
taux d'augmentation des dépenses de santé est voté,
sans se préoccuper des besoins réels.
D'ailleurs
les possibilités de faire adopter des amendements sont faibles.
Le ministère décide quasiment seul de la répartition
des enveloppes entre l'hospitalisation, l'ambulatoire, le médico-social
et de la répartition des enveloppes régionales. Il
mène quasiment seul toute la politique de santé en
France, sans qu'il y ait un réel contrôle.
Par exemple les ARH qui sont sous tutelle étroite du ministère
ne prennent pas du tout en compte les besoins réels de la
population. Dans ma circonscription, lors du SROS de seconde génération
de 1999, nous avions obtenu une augmentation du nombre de lits d'hôpitaux
pour le département. Il y a quelques jours, j'ai reçu
une lettre proposant de réunir la conférence de secteur,
afin de proposer une diminution importante de lits pour le département.
Pourtant le recensement de 1999 a montré un gain démographique
du département et le nombre de plus de 85 ans a doublé
en 9 ans. La conférence a voté contre, mais l'ARH
va imposer cette diminution.
Pour
autant face à cette étatisation, je ne suis pas partisan
de la privatisation. L'argument que l'on entendait beaucoup il y
a 2-3 ans, était que la mise en concurrence permettrait de
réaliser des économies. Mais dans ce cas les organismes
engageraient inévitablement des frais de publicité
et de communication. Or les frais de gestion sont aujourd'hui de
l'ordre de 11% pour les compagnies d'assurance, contre 6% pour la
CNAMTS. De plus qui dit privatisation dit sélection des malades
et des professionnels. Plutôt que d'aller vers une privatisation,
je propose donc d'aller vers une véritable régionalisation.
Le
projet de loi de modernisation sociale en préparation introduit
justement la notion de régionalisation avec la création
de conseils régionaux de santé. Vous soutenez votre
propre projet que vous avez eu l'occasion d'exposer lors d'un colloque
en juin dernier.
Je
serai tout d'abord curieux de savoir quand le projet de loi sortira,
soit dit en passant. Le calendrier parlementaire laisse en effet
peu de marges de manuvre : l'été arrive à
grands pas et à la rentrée nous examinerons le PLFSS.
Claude Evin propose une déconcentration, c'est-à-dire
la mise en place un système qui parte du haut pour aller
vers le bas. Je propose une véritable décentralisation.
Les Observatoires Régionaux de la Santé (ORS) constituent
le premier maillon de la réforme. Ils font actuellement un
travail important avec des moyens humains et financiers insuffisants.
Il leur arrive encore aujourd'hui très souvent de faire des
études qui sortent de leur mission pour s'autofinancer. Elles
doivent donc être dotées de moyens adéquats.
Le deuxième échelon, c'est ce que j'appelle la "
conférence régionale de santé rénovée
". Aujourd'hui la conférence régionale est une
sorte de grand-messe. Les débats sont déjà
préparés et le rapport parfois déjà
imprimé pour être présenté à l'issue
de la journée par le directeur de la DRASS et le préfet
de Région. Ses conclusions sont reprises ou non par la conférence
nationale de santé pour faire des propositions au gouvernement
qui sont intégrées à la préparation
du projet de loi. La conférence régionale de santé
rénovée s'adresserait à tous les professionnels
de santé, ou tous ceux qui se préoccupent de santé.
Ils sont élus par collèges : collège médical
représenté par les URML, les paramédicaux,
les associations de malades et d'anciens malades.
Elle a trois missions :
- définir les besoins à partir des travaux des
ORS pour la prévention et le soin
- veiller à l'adéquation de l'offre et des besoins
- contrôler l'exécutif régional, l'Agence
Régionale de Santé.
Troisième
échelon : L'exécutif régional sera une Agence
Régionale de Santé (ARS) qui regroupera les compétences
de l'ambulatoire, de l'hospitalisation public et privée et
chargée de la politique de prévention, dont le directeur
est nommé par la région.
J'ai
par ailleurs proposé dans une récente tribune
publiée par les Echos, la création d'un "
INSEE " de la santé, chargé de recueillir les
chiffres, selon des critères objectifs sans les commenter,
ce qui éviterait qu'elles soient contestées par les
professionnels de santé.
Quelles
améliorations apportera la régionalisation ?
J'en
distingue trois : une meilleure politique de prévention et
d'éducation à la santé, une meilleure définition
des besoins de la population, une politique de santé de proximité,
responsabilisant les acteurs. Aujourd'hui quand un service doit
fermer à l'hôpital, le maire de la ville qui est au
conseil d'administration défile en tête des manifestations
de protestation. Je propose que le maire reste au conseil d'administration,
mais qu'il finance l'hôpital en partie, par exemple à
hauteur de 10%. De cette façon il serait responsable de 10%
de l'investissement et de 10% des dépenses induites. A lui
de faire des choix entre une piscine, un stade de football, ou le
maintien d'un service de gynécologique vide ou des lits pour
personnes âgées dépendantes.
M.
Adrien Zeller, président de la région Alsace disait
en juin lors du colloque que vous avez organisé sur le sujet
que les dépenses de santé dans une région représentent
approximativement neuf fois son budget. En Espagne lorsque les régions
n'ont plus eu assez d'argent, elles se sont tournées vers
l'Etat central.
L'ONDAM
pourrait comporter une répartition régionale selon
des critères démographiques et de santé publique.
Chaque région aurait la possibilité d'abonder cette
enveloppe en fonction de ses priorités. On peut également
imaginer que la CSG prélevée dans la région
serait affectée directement à la région. A
l'Etat de corriger les inégalités régionales
trop fortes.
Comment
pourrait s'appliquer cette réforme ?
Je
propose de réaliser cette régionalisation de façon
pragmatique et après expérimentation. Les compétences
de cette régionalisation seraient à définir
selon les régions. Celles qui ne voudraient rien changer
continueront à fonctionner de la même façon,
et les autres se chargeront d'éducation à la santé,
de la formation professionnelle des médecins et des paramédicaux,
comme elles le font aujourd'hui dans le cadre de l'apprentissage.
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24
avril 2001
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