Gérard de Pouvourville
Président
du Collège des Economistes de la Santé
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Le rapport de l'OMS :
louable dans l'intention, critiquable par la méthode
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Propos recueillis par Catherine
Dupilet
3 avril
2001
Le
colloque des économistes de la santé a eu lieu début
février. Parmi toutes les idées émises au cours
de ces deux jours, laquelle vous a le plus intéressée ?
Le
Colloque sur l'Innovation
a été l'occasion pour notre communauté d'économistes
de redécouvrir l'importance de l'innovation dans la dynamique
de fonctionnement du système de soins. Celle-ci pose des
questions fondamentales à tous les niveaux: au niveau de
l'organisation de la recherche, quand les frontières traditionnelles
entre recherche fondamentale publique et recherche privée
se brouillent, et surtout quand on prend conscience que l'organisation
de la production des connaissances nécessite des financements
importants et se situe à une échelle transnationale.
Au niveau de la transformation de l'organisation de la recherche
dans l'industrie, avec l'émergence des biotechnologies: la
fonction R&D des majors de la pharmacie est en train de se transformer
à grands pas, et on ne sait pas encore quelle en sera la
forme définitive. Au niveau de la diffusion des innovations
dans le système de soins ensuite, avec évidemment
la difficile question du partage de la rente d'innovation entre
l'inventeur et le marché, dans des systèmes fortement
régulés par les gros acheteurs de soins publics.
Le
système de santé français est arrivé
à la première place du classement de l'OMS. Selon
vous, ce titre de "champions du monde" est-il justifié
ou cette place est-elle due aux choix méthodologiques faits
par l'OMS ? Quels critères auriez-vous choisis ?
Et selon ces critères, quel système de santé
arriverait en tête de votre classement ?
Le
rapport de l'OMS (Lire
notre article Rapport de l'OMS la santé dans le monde 2000),
c'est une peu comme le travail réalisé par Science
et Avenir: louable dans l'intention et critiquable par la méthode.
Tout simplement, il y a un biais de classement lié à
la dominance du critère "mortalité/espérance
de vie" sur les autres critères, à la fois en
termes de pondération mais aussi de caractère discriminant
de la mesure. Les critères de réactivité des
systèmes aux attentes de la population sont principalement
construits à dire d'experts, sont peu discriminants entre
les pays. Il n'y a par ailleurs quasiment rien sur la qualité
technique intrinsèque des soins dans les différents
pays, pas plus qu'il n'y a de résultats par type de pathologie.
Or, on commence quand même à avoir des éléments
de résultats comparatifs par cause de décès
ou par grande classe de pathologie. Il est vrai que si on ajoute
des critères supplémentaires, on ne pourra plus comparer
tous les pays entre eux. Je plaide pour un travail européen
qui inclurait une analyse fine des performances des systèmes
de soins par grand domaine de pathologie: cancer, maladies cardio-vasculaires,
par exemple.
Lise
Rochaix a été nommée dans le groupe de coordination
suite au Grenelle de la santé, pensez-vous que le gouvernement
devrait faire appel davantage aux économistes de la santé ?
Le
gouvernement doit faire appel aux économistes de la santé
si ceux-ci ont des choses intéressantes à dire, ce
qui sera évidemment le cas de Lise Rochaix ! A vrai dire,
je pense que le problème aujourd'hui est plus politique que
technique: on a une bonne idée de ce qu'il faudrait faire,
mais comment "faire passer" ces réformes auprès
des professionnels ? C'est là dessus qu'il faut que
nous soyons inventifs.
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avril 2001
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