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Mars 2001

Docteur Ségolène Aymé,

Directeur d’Orphanet


« Orphanet a été choisi par la Commission Européenne pour devenir le serveur européen sur les maladies rares. »

Propos recueillis par Hervé Nabarette

15 mars 2001

Quelle est l’origine du serveur Orphanet et quel est votre propre rôle au sein du projet ?

En 1996, j’ai présidé un groupe de travail mis en place par la Mission des médicaments orphelins du Ministère de l’Emploi et de la Solidarité. Le groupe était chargé de faire le tour des problème rencontrés par les malades et les professionnels dans le domaine des maladies rares. La conclusion du rapport recommandait d’ouvrir un serveur d’information sur Internet, pour les professionnels et les patients. Concernant les patients, le groupe de travail avait décidé de leur donner accès à l’information, après de multiples débats. Dans des affections aussi graves que le sont les maladies rares, les patients souhaitent avoir le même niveau d’information que les médecins. Le rapport a été suivi d’effet très rapidement, puisqu’Orphanet a démarré le 1° janvier 1997, sur financement de la DGS et de l’INSERM.
Je suis Directeur scientifique et Directeur exécutif d’Orphanet, sachant que le projet est piloté par un comité d’orientation où siègent notamment le Directeur Général de la Santé, le Directeur Général de l’INSERM, un représentant de la CNAMTS, du Ministère de la recherche et un représentant de l’association Alliance Maladies rares.

Le serveur est-il un enfant d’Internet ou une centralisation d’information existait-elle auparavant ?

Ma sensibilité aux maladies rares date de 25 ans. Comme médecin généticienne, je me suis intéressée aux maladies rares car les maladies génétiques sont des maladies rares. D’autre part, j’ai beaucoup travaillé sur des projets d’informatique médicale. En 1974, j’avais réalisé un système d’aide au diagnostic (Gendiag) pour les maladies génétiques, qui a été disponible sur le Minitel dès le lancement de celui-ci. Ce système est incorporé dans Orphanet, quand on interroge la base par les signes de la maladie. D’autre part, je recevais des dossiers venant du monde entier, ce qui a permis de constituer une base de données sur les syndromes rares, composée des signes de la maladie, de leur fréquence, des références bibliographiques. La base comportait 2200 maladies rares à l’époque. Elle était accessible sur le réseau, avant le développement des interfaces conviviales. Mais il fallait être quasi informaticien pour accéder aux fichiers. Donc la centralisation de l’information et sa mise à disposition préexistait avant Internet, mais celui-ci a été pour nous un outil idéal pour la disséminer et répondre aux besoins des patients…

On dit que le niveau européen est le niveau pertinent pour les maladies rares ? Quels sont vos liens avec les autorités européennes ?

Dès le rapport de 1996, nous avons dit que le serveur n’aurait de sens que s’il était au moins européen. Il y a une cinquantaine de maladies dont la prévalence est assez fréquente pour être traitée au niveau national. Pour les milliers d’autres, les experts sont disséminés en Europe, parfois ils sont sur un autre continent. La dimension européenne était prévu dès le début. Il y a eu un fort lobbying de la France pour que l’Europe s’intéresse aux maladies rares. Dans ce cadre, la DG consommateur a lancé en 1999 un appel d’offre pour un serveur sur les maladies rares et Orphanet vient d’être choisi. Le financement doit nous arriver ces jours ci. Le serveur Orphanet va donc s’étendre à l’Europe entière. La première année, l’extension concernera l’Allemagne, l’Italie, la Belgique et la Suisse. Les deux années suivantes, les autres pays européens seront intégrés (dans le périmètre actuel de l’Europe). Le serveur offrira 6 langues. Concrètement, Orphanet devra couvrir la totalité des services médicaux européens experts en maladies rares. C’est un travail énorme, car l’information, qui porte notamment sur les centres experts, les laboratoires de références doit être collectée et validée. Elle a un impact sur les pratiques, il faut donc être rigoureux. D’autant qu’il n’existe pas de définition réglementaire des centres de référence. Cette notion existe dans quelques pays comme la Belgique mais pas encore en France.

Dans les maladies rares, les marchés sont réduits. Les laboratoires s’intéressent logiquement peu à ces pathologies. Quels sont vos rapports avec eux ?

Notre financement est public ou semi public : DGS, INSERM, CNAMTS, Mutualité Française, AFM. A l’avenir, va-t- on développer des partenariats avec l’industrie pharmaceutique pour accélérer le développement de molécules ? La réponse est oui : nous avons beaucoup de projets avec les industriels. Notre rôle est celui d’un infomédiaire : nous produisons de l’information utile pour les industriels, comme les études épidémiologiques.
Ce ne sont pas forcément les grands industriels qui s’intéressent à ces marchés de niche. Des entreprises se créent pour exploiter une molécule. Le marché est émergent grâce à l’adoption du règlement européen de décembre 1999 qui accorde une exclusivité commerciale de 10 ans et des avantages fiscaux au laboratoire qui développe et commercialise un médicament orphelin. Les Etats-Unis avaient adopté cette politique avec succès dès 1984. Le Comité médicament orphelin de l’EMEA à Londres attendait 10 demandes d’enregistrement la première année de son fonctionnement, il en a 100.

Vous travaillez donc avec tous les acteurs concernés par les maladies rares : médecins, chercheurs, laboratoires, associations de patients…

A l’origine, les médecins constituaient notre première cible. Nous voulons les aider par des recommandations de bonnes pratiques, des deuxième avis… Le serveur référence les recherches en cours, ce qui aide les chercheurs qui peuvent trouver des collaborations… Nous travaillons en contact étroit avec les associations de malades : elles siègent au comité d’orientation, elles sont incluses dans le processus de validation de l’information mise en ligne, et nous hébergeons leurs sites sur notre serveur.
La principale difficulté vient du caractère hétérogène des maladies rares : certaines touchent une personne sur 5000, d’autres une personne sur 5 millions… L’Agence Européenne du Médicament vient par exemple d’enregistrer un médicament qui concerne 44 patients connus dans le monde. Les besoins sont donc différents, on ne peut pas raisonner de façon globale. Sur les 3450 maladies rares répertoriées dans Orphanet, 200 ne sont pas trop rares, et plus de 3000 restent exceptionnelles ; certaines sont des maladies d’enfants, d’autres adultes… Il faut essayer de faire du sur mesure.

Les promoteurs d’Orphanet ont-ils des préoccupations différentes ?

Effectivement, au sein du Comité d’orientation, l’INSERM cherche à accélérer la recherche, la DGS est intéressée par le service aux patients, la CNAM attend de nous que nous participions à la rationalisation des filières de soins, en fléchant les bons centres, en indiquant les protocoles efficaces …
L’Alliance Maladies Rares exprime aussi ses besoins. Tous les ans, l’Assemblée générale annuelle est l’occasion d’une séance de brain storming. Les associations ont par exemple demandé de pouvoir créer eux même leur site à partir de notre serveur, ce que nous allons faire.

Parlons un peu du site lui-même. On peut interroger la base par le nom de la maladie ou les signes. Pour chaque maladie, figurent notamment des informations sur les programmes de recherche, les consultations spécialisées, les associations de patients, les ressources informationnelles, les médicaments… L’information est la même pour les patients et les médecins, pourtant, il y a deux entrées…

Les deux entrées sont libres. Les professionnels et les malades ont des réflexes différents, d’où les présentations différentes, mais l’information est la même.
Il n’y a pas d’adaptation de l’information au patient. Elle me semble inutile, car il n’y a pas d’auto soin, d’auto diagnostic… le patient lit une information complexe qu’il se fait expliquer par le professionnel… Orphanet ne se substitue pas à la relation médecin patient.

Tous les services spécialisés sont-ils référencés dans la base Orphanet ?

Au début, certains experts ne répondaient pas. Nous avons franchi le cap difficile de la crédibilité. Maintenant les experts nous répondent rapidement. Parmi les experts européens que nous avons contactés récemment, aucun n’a refusé d’être référencé dans la base.
Le travail de mise à jour est lourd. L’information se périme vite, les professionnels changent d’activité… Nous référençons 2000 experts en France. Nous devons vérifier l’information au moins une fois par an. Nous le faisons grâce à notre équipe spécialisée où tous ont une double formation en biologie et en documentation… Ensuite, notre Comité scientifique valide cette information. Pour figurer dans la base un service doit satisfaire à certains critères (voir la présentation du site Orphanet).

Comment le site est-il référencé ?

Nous ne pouvons pas consacrer beaucoup de ressources au référencement. Dans les moteurs de recherche, nous sommes en bonne position quand l’utilisateur tape « médicament orphelins » ou « maladies rares ». Nous apparaissons aussi lorsqu’on tape le nom de la maladie, mais nous pouvons progresser à ce niveau.
Le référencement est surtout « viral ». 1538 sites nous référencent. Les associations de malades donnent facilement l’adresse. Nous avons une bonne couverture presse. D’autre part, chaque année, nous publions l’Annuaire des maladies rares (extraction partielle de la base) qui permet aussi de faire connaître le serveur. La CNAMTS édite et distribue cet annuaire gratuitement à 10 000 médecins.

Les utilisateurs sont-ils nombreux ? Sont-ils satisfaits ?

Nous comptons 2500 utilisateurs par jour, 600 000 pages lues par mois. Les connexions viennent de 70 pays, dont la moitié de France, ce qui est logique vu que les services référencés se limitent au territoire national pour le moment. 80% des connexions concernent des gens qui sont déjà venus. Les utilisateurs se répartissent entre professionnels pour la moitié et malades ou proches pour l’autre moitié.
Nous avons fait une enquête auprès des professionnels qui montrait leur satisfaction. 65% des détenteurs de l’Annuaire le consultent plusieurs fois par semaine. 80% disent que l’information correspond à leur attente. Nous n’avons pas fait d’enquête auprès du grand public, mais nous recevons tous les jours une dizaine de messages de remerciements.

Y a-t-il des fonctionnalités qui manquent aujourd’hui sur le serveur et qui seront bientôt développées ?

Sur le site, nous citons seulement les essais cliniques académiques. Bientôt, nous mettrons aussi en ligne les essais de l’industrie. Ceci est réclamé par les patients. Leur motivation est très profonde. Sur ce plan, on a affaire à des gens qui ont les mêmes réactions que les malades du sida. Tous les jours, nous recevons des soumissions de candidature. Sans constituer un fichier, nous conservons ces demandes et les gens seront recontactés.
Nous avons des projets de dossier médical. Tout d’abord, un projet de dossier médical patient, que le malade pourra montrer à différents experts et qui lui servira lors de ses voyages. C’est aussi une forte demande des patients. Ensuite, nous allons mettre en œuvre un dossier partagé entre chercheurs. Sa consultation s’apparentera à celle des registres, les dossiers seront très indirectement nominatifs. Les dossiers auront un tronc commun et une partie spécialisée en fonction de la maladie, ce qui n’est pas facile, les pathologies étant très disparates.

Avez-vous des indications de l’impact d’Orphanet sur la relations patient médecin ?

Dans les consultations de génétique, les patients arrivent souvent avec les pages imprimées. Ils préparent leurs questions. A mon avis, cela fait gagner énormément de temps, et permet de libérer du temps pour la personnalisation de l’information. En effet, dans ce type de consultation, la dimension humaine du dialogue est parfois noyée sous le poids des informations et des explications que le médecin doit fournir. Le patient est moins frustré à la fin de la consultation. J’espère que les professionnels vont prendre le réflexe d’imprimer les pages du site pour les diffuser systématiquement à la fin de leur consultation. Le site est un instrument complémentaire de la consultation.
Le patient peut arriver avec des guidelines que le spécialistes ne connaît pas, mais ceci n’est nullement gênant pour le professionnel, qui, dans ce domaine, doit couvrir plusieurs centaines de maladies. Nous ne sommes pas dans le cas d’un médecin généraliste qui ne serait pas au fait des protocoles en matière d’asthme ou d’hypertension. Dans les maladies rares, le meilleur acteur du soin sont les patients et les proches. Ils suivent leur maladie. Le partenariat est inscrit dans ce type de consultation.
Nous avons l’impression qu’Orphanet a un fort impact sur la filière de soins, mais nous ne l’avons pas encore mesuré. Un spécialiste nous a un jour appelé car son recrutement avait chuté : il était allé voir dans Orphanet et s’était aperçu que le lien hypertexte qui pointait vers son service avait malencontreusement sauté !


Ségolène Aymé est l’auteur de « Les injustices de la naissance », publié en 2000 chez Hachette.



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15 mars 2001

 

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