Christophe
Legrenzi
PDG
Acadys France
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" 20
à 40% du temps de
travail devant l’ordinateur
peut s’avérer improductif
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Propos
recueillis par Cédric
Tournay
15 mars 2001
Quelle est la principale cause de perte de productivité informatique
dans les organisations ?
Il
faut tout d’abord savoir distinguer la productivité informatique
de la productivité d’entreprise. Trop souvent, on se concentre
principalement sur la productivité informatique. En réalité il
s’agit d’un faux problème : la productivité d’entreprise
compte avant tout. C’est toute la différence entre l’efficacité
et l’efficience, pour reprendre une terminologie anglo-saxonne
(« efficiency » versus « effectiveness »).
Ainsi, vous pouvez avoir une informatique particulièrement
performante, c’est-à-dire « efficiente » et totalement
inefficace pour répondre aux besoins de l’entreprise. Il ne
faut surtout pas se tromper d’objectif ! Que vaut-il mieux :
réduire de 10% les ressources informatiques ou diminuer de 10%
les coûts de l’entreprise, quitte à augmenter de 20% son
budget informatique ? D’autant plus que par le passé, des entreprises,
en suivant les recommandations d’experts en productivité informatique,
ont pu diminuer le coût de leurs unités d’œuvre informatiques,
à la plus grande satisfaction de leur direction générale. Malheureusement,
dans certains cas, ceci s’est fait au détriment des unités d’œuvre
métier et ce à un coût bien supérieur à l’économie réalisée auprès
de la fonction « informatique ».
Le
Total Cost of Ownership est un indicateur bien plus pertinent.
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Pour
répondre plus concrètement à votre question, on évoque par l’expression
générique « perte de productivité informatique » l’impact
de l’outil informatique sur la productivité des utilisateurs.
Ceci
se traduit par les pertes de temps occasionnées par l’informatique.
Ainsi, on parle à présent du coût complet de possession du poste
de travail informatisé (le fameux TCO, Total Cost of Ownership),
qui est un indicateur bien plus pertinent, pour reprendre notre
discussion précédente, que le seul coût d’achat du matériel informatique.
Les
pannes sont les premiers facteurs d'improductivité.
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Nous
avons la chance au sein d’Acadys
d’avoir la base la plus importante et la plus complète de données
pour répondre à cette question. Le nombre de pannes ou problèmes
de toutes natures rencontrés par les utilisateurs, que ce soit
avec leur PC, le réseau, les applications qu’ils utilisent ou
leur imprimante représente le premier facteur d’improductivité.
Le deuxième facteur est l’obligation des utilisateurs de prendre
en charge des activités dites « informatiques » (installations,
développements, résolution de problèmes, l’aide aux collègues,
etc.) non directement liées à leur métier. Le troisième est le
manque de formation aux outils qu’ils utilisent. L’utilisation
à des fins non professionnelles (courrier privé, jeux, etc.) n’arrive
qu’en dernière position et ne représente jamais plus de 10% du
temps total perdu. Pourtant, il est souvent l’objet d’une attention
particulière des dirigeants.
En
résumé, de 20 à 40% du temps de travail devant l’ordinateur
peut s’avérer improductif, soit environ 10 à 20% de la masse salariale
de l’entreprise ! Les enjeux sont considérables et dépassent
largement le cadre et les sommes du budget informatique traditionnel.
Vous avez eu l’occasion d’intervenir dans
le secteur pharmaceutique, que pensez-vous de la façon dont sont
employés les outils informatiques dans cette industrie ?
L’industrie
pharmaceutique a pris conscience très tôt des avantages potentiels
des nouvelles technologies de l’information et de la communication
(NTIC). Il suffit de savoir que la soumission pour un nouveau
médicament représente l’équivalent d’un camion de 36 tonnes rempli
de papiers. Les NTIC sont incontournables et interviennent à tous
les niveaux de l’entreprise. De la recherche à la commercialisation,
en passant par le développement, l’ingénierie, la production,
la logistique et toutes les fonctions de support. L’informatique
est indispensable et est UN, si ce n’est LE facteur déterminant
de la compétitivité actuelle et future des entreprises de ce secteur.
C’est ce qui explique que l’industrie pharmaceutique a été pionnière
dans l’acquisition de l’outil informatique et ce sous toutes ses
formes. D’ailleurs, une étude que nous avons conduit récemment
indique clairement que les leaders du domaine investissent
plus de 5% de leur chiffre d’affaires en informatique, soit
bien plus que la moyenne. Simplement, il ne s’agit pas uniquement
d’investir, mais aussi et surtout de repenser son fonctionnement
dans sa globalité. Les remises en question sont d’actualité et
les enjeux sont d’importance. Pour n’en citer que quelques-uns :
identifier un plus grand nombre de nouvelles molécules à fort
potentiel commercial avant la concurrence. Réduire les temps de
développement et la mise sur le marché des produits. Commercialiser
efficacement les nouveaux médicaments. Des exemples de nouveaux
ou déjà anciens projets : la technologie « high throughput
screening » pour la recherche, qui permet de générer un nombre
bien plus important de molécules candidates, la « gestion
documentaire électronique » qui est omniprésente, les « systèmes
d’information marketing » et de « veille concurrentielle »
sans parler du CRM et de l’ERP. Pour tous ces enjeux conditionnant
singulièrement la performance de l’entreprise, les systèmes d’information
sont au cœur de la problématique. C’est pourquoi on observe de
nombreux projets « pilotes » dans ce secteur, n’aboutissant
pas forcément. C’est le prix à payer. N’oublions pas que c’est
un domaine où l’innovation prime. Se cantonner uniquement à une
gestion par les coûts obère toute chance de faire partie un jour
des leaders et peut remettre sérieusement en cause sa pérennité.
Etrangement,
les autres domaines de la santé tels que les hôpitaux, ne bénéficient
pas des mêmes ressources et se retrouvent souvent à l’autre extrême
des statistiques lorsqu’on présente les moyens informatiques dont
ils disposent.