Janvier
2001
Michel
Villac
Chef de la mission pour l'informatisation du système de santé
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" Sur
les délais, les spécifications de la carte Vitale
2 doivent être définies au cours de l'été 2001,
pour un début de diffusion fin
2003. "
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30
décembre 2000
Quel bilan tirez-vous de vos deux ans à la tête de la mission pour
l'informatisation du système de santé ?
En
deux ans, l'informatisation du système de santé a nettement avancé.
D'une part, le projet phare dans cette première étape, Sesam Vitale,
est aujourd'hui une réalité, avec 700 000 feuilles de soins électroniques
envoyées chaque jour, près de la moitié des médecins et 60% des
généralistes utilisant la télétransmission, et une croissance rapide
et régulière de l'utilisation. Bien entendu, on peut encore améliorer
les outils mais il faut tout de même souligner qu'une étape de développement
tout à fait significative a été franchie. La deuxième avancée est,
de mon point de vue, l'évolution significative de l'opinion des
principaux acteurs du système de santé face à l'utilité des nouvelles
technologies et en particulier des outils Internet. Aujourd'hui,
tout le monde pense que cette évolution est incontournable. Le troisième
aspect concerne l'entrée massive des préoccupations concernant le
grand public avec l'arrivée, en autres, de nombreux portails de
santé à son intention.
L'arrivée de ces portails a-t-elle modifié la mission dont vous
avez la charge ?
Le
cadre de l'informatisation, telle qu'elle avait été conçue à l'origine,
concernait surtout les professionnels, au travers, en particulier,
des outils de sécurisation : la CPS (carte du professionnel de santé),
le RSS (réseau santé social) et un certain nombre d'autres services.
Le développement de ces outils doit bien sûr continuer, notamment
pour permettre la mise en place de dossiers médicaux en ligne et
la communication sécurisée entre professionnels. Néanmoins, on voit
bien qu'aujourd'hui, au-delà des préoccupations concernant les seuls
professionnels, toutes les réflexions et toutes les actions qui
se préparent sur l'évolution du système de santé visent à donner
une place de plus en plus importante, voire la place centrale, aux
usagers. Ceci dépasse d'ailleurs largement le cadre de l'informatisation
puisque c'est un des enjeux principaux du projet de loi de modernisation
du système de santé qui est en cours de finalisation. Dans le champ
spécifique de l'informatisation, cela demande en particulier de
répondre à une attente forte des usagers d'être directement responsables,
voire propriétaires, de leurs propres données de santé et d'en contrôler
les accès. Un des enjeux de la période qui s'ouvre est d'avancer
dans cette direction
Le
développement récent des portails santé est un deuxième signe de
cette évolution nécessaire vers le grand public. Même si les sites
ont des difficultés à trouver un équilibre économique, c'est une
évolution qu'il faut accompagner. Toute la dynamique de leur offre
a été dirigée, dans un premier temps, sur l'idée de répondre aux
besoins en information. Une question centrale pour cela est celle
de la qualité des informations diffusées. Internet peut être en
effet un outil fantastique pour accéder aux informations sur la
santé, mais aussi, si on n'y prend garde, un vecteur facile pour
les charlatans de toute nature. Il faut pour cela aider le grand
public à distinguer les sites de qualité des autres, et notamment
de ceux diffusant des informations fantaisistes voire franchement
erronées. A cet effet, nous travaillons avec l'ensemble des acteurs
concernés, professionnels de santé, usagers, ou acteurs économiques,
pour définir en commun la manière dont nous pourrions, ensemble,
répondre à cet objectif. Depuis plusieurs mois, des réflexions sur
les principes à respecter sont menées en co-pilotage avec le Conseil
National de l'Ordre des Médecins ; nous y impliquons les associations
d'usagers, les professionnels dans leur diversité notamment les
sociétés savantes, les universités, les ordres ainsi que des institutions
comme les agences sanitaires, et la CNIL. En deuxième ligne, les
principaux acteurs économiques de ce secteur tels que les éditeurs,
les fournisseurs d'accès, etc. ont été réunis pour participer à
la réflexion. Notre objectif est d'avoir bien décanté les principales
propositions autour de l'été, pour commencer à les mettre en œuvre
à l'automne.
Après les professionnels, le grand public aura-t-il accès au RSS
?
Compte
tenu de ce qui a été dit plus haut, c'est une évolution à terme
incontournable ; mais cela devra se faire sans obérer la sécurité.
Le RSS est au départ une enceinte réservée aux professionnels, et
très sécurisée autour de la CPS. Cela se justifie notamment pour
protéger la circulation des données personnelles de santé. Aller
vers l'accès direct des citoyens à leurs dossiers de santé, et vers
le contrôle par eux-mêmes de leurs propres données impliquera d'aménager
les modalités d'entrée dans le réseau. Des outils spécifiques devront
donc être développés. Il y a actuellement une réflexion autour de
ces questions, via notamment l'évolution des futures cartes Vitale.
Quel
bilan tirez-vous du RSS ?
Près
de 30.000 professionnels de santé et une centaine d'établissements
hospitaliers sont aujourd'hui abonnés au RSS ; ces chiffres progressent
régulièrement et le RSS est aujourd'hui le premier fournisseur d'accès
des professionnels de santé. Nous pouvons donc considérer ces chiffres
comme une marque de succès et de confiance. Au delà de la télétransmission
des FSE, la fonction centrale qui était dévolue au RSS était de
proposer, au travers de la "forteresse", un cadre très protégé pour
l'hébergement de dossiers personnels de santé. Ce développement
reste d'actualité, mais il doit tenir compte du fait que le RSS
n'a jamais été conçu comme un monopole pour l'accès à Internet des
professionnels ou des établissements de santé. D'où l'enjeu de l'interopérabilité
entre réseaux sécurisés indépendants. Nous travaillons aujourd'hui
avec le RSS et les autres opérateurs concernés, sur les procédures
à construire. Les outils de messagerie sécurisée autour de la CPS,
que nous cherchons à promouvoir aces le GIP-CPS, en sont un élément
important.
Comment
voyez-vous le développement du dossier médical en ligne dans les
prochaines années ?
Ce
développement est souhaitable, mais il ne pourra être que progressif
car l'essentiel des données médicales personnelles n'est actuellement
disponible que sous format papier ; le passage à l'électronique
suppose d'abord que les différents offreurs de soins et en particulier
des établissements de santé ou les laboratoires d'analyses ou d'examens,
produisent eux-mêmes l'information sous cette forme. Dans ce domaine,
une première étape sera certainement la mise en place de serveurs
de résultats pour les analyses biologiques et les clichés radiologiques.
Des initiatives se développent aujourd'hui en ce sens. Pour l'hôpital,
le développement des dossiers de santé électroniques est un des
axes de travail prioritaires du Groupement pour la Modernisation
des Systèmes d'Information Hospitaliers (GMSIH) qui vient d'être
créé. Plus pragmatiquement, le développement de réseaux de à l'initiative
de professionnels ou d'établissements décidant leur mise en place
dans un bassin de vie ou autour d'une pathologie, conduit déjà aujourd'hui,
pour certaines populations, à la constitution de tels dossiers.
Dans tous les cas, cela suppose une harmonisation progressive des
formats sur laquelle les principaux acteurs travaillent, en particulier
dans les instances de normalisation internationale, même si cela
demandera certains délais.
Deux
autres questions sont tout aussi importantes. La première, qui a
déjà été évoquée plus haut, concerne l'accès des usagers à leur
propre dossier de santé, et leur contrôle sur les informations qu'il
contient et les usages qui peuvent en être faits. La deuxième concerne
la sécurité des accès et des échanges, et les procédures techniques
qui la garantiront. Les outils que nous développons autour de la
CPS, et en particulier la messagerie sécurisée sont conçus dans
ce sens. Sur ces deux points, la loi devra préciser les cadres qui
s'imposeront à tous.
Où
en est-on de la signature électronique sur la SESAM VITALE ?
La
future carte Vitale 2 doit-elle proposer une fonctionnalité de signature
électronique ? Sur cette question, nous devrons arbitrer en tenant
compte de considérations d'utilité bien sur - à quoi cela peut-il
servir ? - mais aussi de délais et de coût. Sur les délais, les
spécifications de la carte Vitale 2 doivent être définies au cours
de l'été 2001, pour un début de diffusion fin 2003. A cette échéance,
des incertitudes fortes demeurent aujourd'hui sur ce que sera l'offre
industrielle de composants disposant des outils cryptographiques
nécessaires, notamment en termes de prix et de quantités. Les progrès
technologiques sont très rapides, mais leur impact sur les coûts
dépend pour l'essentiel d'autres marchés, notamment celui du téléphone
portable et de ses différentes évolutions. Compte tenu des quantités
concernées, soixante millions de cartes, on comprend qu'un écart
de 10 francs par carte, ce qui est l'ordre de grandeur des incertitudes
actuelles sur les prix, conduirait à des sommes très importantes.
Un des objets des appels d'offres en cours est de préciser ce que
l'on peut attendre sur ce point.
En
ce qui concerne l'utilité, j'ai évoqué plus haut l'intérêt à terme
d'une telle fonction pour permettre à chacun de contrôler les accès
à son propre dossier en ligne, en rappelant néanmoins que la mise
en place de tels dossiers pour l'ensemble de la population prendrait
du temps. La question est donc de savoir si l'on ne peut pas se
contenter dans un premier temps de fonctions plus simples, et donc
moins onéreuses, pour un déploiement de masse, tout en permettant
à ceux qui en auront besoin, dans certaines conditions, de disposer
d'une telle fonction. A condition de disposer d'un lecteur, ce qui
est une autre condition, une carte Vitale 2 de base pourrait dans
ce cas permettre à chacun d'accéder à son dossier de santé en ligne
lorsqu'il existe. Mais d'autres solutions plus simples, du genre
de celles utilisées aujourd'hui par le monde bancaire pour l'accès
aux comptes personnels (attribuer un identifiant et un code d'accès)
peuvent remplir la même fonction. La signature électronique permettrait
en plus à chacun de gérer les autorisations d'accès à son dossier,
pour les professionnels de santé d'une part, mais aussi éventuellement
pour des proches s'il le souhaite.
La
carte individuelle Sesam Vitale 2 contiendra-t-elle des pointeurs
ou des données ?
Aujourd'hui,
nous nous orientons vers un contenu allégé, centré autour des données
d'urgence et de la présentation sur laquelle s'était dessiné un
consensus au niveau européen. La carte devrait aussi comporter des
pointeurs, permettant de renvoyer sur des dossiers en ligne au fur
et à mesure de leur disponibilité. Elle devrait comporter aussi
des éléments sur les dernières prescriptions. Des consultations
vont être engagées avec l'ensemble des acteurs concernés pour finaliser
ce contenu.
Comment
voyez-vous la e-santé dans cinq ans ?
C'est
une question très difficile quand on voit la vitesse des révolutions
technologiques en particulier celles portées par Internet. Dans
la e-santé, on vit au rythme d'une évolution majeure tous les ans.
Pour l'instant, nous travaillons sur les pistes que je vous ai évoquées.
Un axe de travail important sera sûrement autour des contenus des
portails professionnels et grand public, en particulier pour aider
à la structuration, l'organisation et la mise à disposition des
informations recherchées par le public. Les pouvoirs publics devront
jouer un rôle de catalyseur pour faciliter les initiatives individuelles
mais aussi pour mettre en ligne les informations dont ils disposent,
en particulier dans le domaine de la recherche et des consensus.
Nous essayons déjà de le faire dans chacun des domaines sur lesquels
nous intervenons.
Quels
sont vos sites préférés ?
Il
y a beaucoup de portails santé de très grande qualité que je consulte
assez régulièrement. Pour être franc, j'utilise beaucoup les moteurs
de recherche pour consulter tout ce qui se dit et se fait sur certains
sujets. Je suis abonné à de nombreuses revues de presse spécialisées
dans le secteur de la santé ou des NTIC. J'aime beaucoup le site
de l'Atelier et quelques forums.
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