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Janvier 2001

Isabelle Giri,
D
irectrice du LIR
Laboratoires Internationaux de Recherche


"Réguler le médicament sous forme de taxation aveugle de l’industrie n’est pas une solution satisfaisante."


Propos recueillis par Elisa Yavchitz et François Resplandy

21 décembre 2000

Quel est le rôle du LIR ?

L’association LIR a été créée en octobre 1997 en réaction au plan Juppé et à l’introduction des contributions soi-disant exceptionnelles mais qui sont devenues habituelles. Le LIR est une association de loi de 1901 regroupant une quinzaine de présidents de laboratoires pharmaceutiques innovants. Leur volonté est de réfléchir à des propositions alternatives de régulation et de mener des actions pour la promotion de l’innovation. L’industrie pharmaceutique est de plus en plus organisée autour de métiers très différents : les génériqueurs, l’automédication et ceux dont le problème est de financer les innovations. Une des difficultés du SNIP est de devoir représenter tout le monde, des sous-organisations se sont mises en place (génériqueurs, automédication). Le SNIP qui fonctionnait initialement par zone géographique, s’organise aujourd’hui de plus en plus autour de ces métiers..

Quelles sont les actions ou les réflexions que vous menez ?

Notre réflexion est axée autour du financement de l’innovation dans l’industrie pharmaceutique. Il s’agit de faire admettre aux pouvoirs publics qu’il faut rouvrir le dossier médicament. Le médicament, depuis l’institution du système de clause de sauvegarde et de la politique conventionnelle, est considéré comme un sujet réglé. Or, ce système n’est pas un système de régulation mais de taxation annuelle qui permet de récupérer quelques milliards chaque année. Comme l‘ensemble des autres professions de santé, nous ne pouvons être satisfaits de l’ONDAM. Un système de taxation, même à la limite de contributions exceptionnelles, peut se comprendre dans une période de vaches maigres quand l’Assurance Maladie est en déficit de 50 milliards mais, en période de croissance économique et d’excédents sociaux, réguler le médicament sous forme de taxation aveugle de l’industrie n’est pas une solution satisfaisante.

Quel bilan tirez-vous de cette politique conventionnelle ?

La limite de la politique conventionnelle est que son objectif est d’obtenir un montant pré-déterminé à la fin de l’année. Noël Renaudin le dit lui-même, la négociation des conventions arrive à modifier à la marge la répartition de la contribution entre chaque laboratoire. La politique conventionnelle, c’est le chèque avec autour un ruban rose quand la clause de sauvegarde c’était le chèque brutalement. Le bilan n’est pas très différent pour les laboratoires du LIR qui ont payé au titre de 1999 en proportion plus que leur part de marché. Il est encore trop tôt pour tirer le bilan du round de l'an 2000.

Oui mais il y a eu des dépassements …

L’objectif de dépenses médicament est fixé de telle façon qu’il soit dépassé. Pour 2000, il a été fixé à 2% alors qu’il y a au moins 1 à 1,5% de transfert de l’hôpital vers la ville, sans parler de la CMU et des autres effets. Ce n’est absolument pas réaliste. Le seuil était de 2% pour 2000, il sera à 3% pour 2001. Tant mieux, mais pourquoi passer de 2 à 3%? Il n’y a aucune logique de santé publique derrière cette décision. L’affichage veut faire croire que ce taux correspond à des besoins de santé, pour supprimer les gaspillages mais on voit bien que c’est uniquement un seuil de déclenchement d’une taxation.

Où en sont les négociations, entre le Comité Economique du Médicament et les laboratoires sur les reversements liés aux dépassements de l’année 2000 ?

C’est en cours. Les négociations ont lieu avant la fin de l’année donc avant même, que l’on connaisse le chiffre d’affaires réel des laboratoires. C’est quelque chose d’étonnant. Les laboratoires sont obligés de négocier et de choisir entre convention ou clause de sauvegarde alors qu’on ne connaît pas encore le dépassement réel. [NDLR : augmentation du chiffre d’affaires global estimé à 8 et 9 % pour 2% prévu dans le PLFSS].

La politique conventionnelle est-elle aujourd’hui en danger ?

Pour les laboratoires du LIR, si l’action envers l’innovation reste aussi symbolique que l’année dernière, l’intérêt de la politique conventionnelle n’est pas évident. Notre problème est de trouver comment financer l’innovation. Les pouvoirs publics se plaignent que les nouveaux médicaments sont chers mais leur développement coûte cher. En 15 ans, les coûts ont été multipliés par 4. Les études en phase III coûtent au minimum 100 millions de dollars, et il n’y a qu’une chance sur 2 que le médicament soit commercialisé. Aujourd’hui, il est évident que dans une enveloppe de +2 ou +3%, il n’y a pas la place pour financer l’innovation. L’étude de Claude Le Pen, disponible sur le site du SNIP (Syndicat National de l’Industrie Pharmaceutique) est très intéressante, en partant des données de vente des médicaments, il montre comment les innovations médicamenteuses (ASMR 1, 2 ou 3) prennent leur place sur le marché. Une partie se fait au détriment des médicaments anciens mais ce n’est pas suffisant pour assurer les retours sur investissement. Les pouvoirs publics veulent que l’on reste dans une enveloppe figée à 2 ou 3% alors comment financer l’innovation ?

Pourtant on va vers une vraie révolution thérapeutique ?

En effet, le séquençage du génome humain ou bactérien, la possibilité de diagnostic génétique, celle d’élaborer des médicaments « à façon » en fonction des allèles portés par la population de malades vont bouleverser la médecine. Mais combien vont coûter ces développements ? A priori cher, mais peut-être aussi moins cher. Plus on aura de prédictivité génétique de certains effets secondaires, moins on aura besoin d’essais à très grande échelle comme aujourd’hui. Si on développe des médicaments s’adressant spécifiquement à des populations qui ont telle caractéristique génétique et dont on sait qu’ils sont non-répondeurs à un médicament existant, les essais peuvent être réalisés à plus petite échelle. Ces médicaments « cousus main », adaptés aux caractéristiques génétiques du patient vont coûter très cher à produire, mais leur développement sera peut-être moins cher.

Il est très difficile de savoir ce que sera l’avenir. Ce qui est clair, c’est qu’il va y avoir beaucoup de changements et que notre système de santé est organisé de façon sclérosée avec des enveloppes rigides, verticales et non fongibles (hôpital-ville). Il n’est pas à même aujourd’hui de s’adapter à ces évolutions.

Quelles sont les réformes qui permettraient de favoriser l’innovation en France ?

Déjà, il serait bien qu’elle soit reconnue. Les politiques publiques en matière d’aide à l’innovation dans les domaines des NTIC ou des biotechs sont extrêmement actives. Un rapport de l’Assemblée Nationale du mois de mai « Innovations en France : Analyse des politiques publiques » montre que le gouvernement a initié depuis 2-3 ans beaucoup de choses dans ces domaines: incubateur de start-up, financements, aide aux financements privés ; dans l’esprit qu’il faut aider l’innovation, les projets, l’esprit d’entreprise, favoriser la prise des risques.

Mais, dans le secteur pharmaceutique où le financement est collectif par la sécurité sociale, les raisonnements sont complètement différents. L’administration qui fixe le prix du médicament ne réalise pas l’importance des risques financiers. Développer un médicament nécessite de mettre sur la table jusqu’à 1 milliard de $ sans savoir ce qu’il va se passer à la fin. Les investisseurs se posent quelques questions avant d’investir dans l’industrie pharmaceutique. C’est d’ailleurs une des raisons des fusions acquisitions géantes : diminuer les risques de développement en ayant suffisamment de programmes de recherche en cours pour que si l’un échoue, ce ne soit pas la catastrophe. Même les grands laboratoires ne sont pas à l’abri. Quand Glaxo Wellcome est obligé d’arrêter le Lotronex aux USA, l’action perd 7% dans la journée ! En plus, le retrait a eu lieu au moment du pic des dépenses en plein lancement. La prise de risque est donc très importante.

Pour les pouvoirs publics, l’industrie devrait se débrouiller pour continuer à investir en R&D et ne serait payée en retour qu’en cas de grandes révolutions thérapeutiques. Les révolutions sont derrières nous : on a trouvé la pénicilline !! Aujourd’hui, en cancérologie, par exemple, ou dans les problèmes de dégénérescence neuronale, on fait des petits pas : c’est par des traitements avec 4-5 médicaments que l’on arrive à des améliorations pour le patient. La France étant un marché important au niveau mondial ; le fait de penser qu’un produit se sera pas correctement pris en charge a une influence sur les décisions stratégiques en R&D prises au niveau international. En cela, la France a une lourde responsabilité. Aujourd’hui, le problème n’est pas tellement de trouver des molécules mais de savoir lesquelles développer, sur lesquelles prendre le risque. C’est évidemment beaucoup moins compliqué de développer un « me-too », lorsqu’on sait qu’il y a quelqu’un devant qui a déjà déblayé le terrain et que le risque est diminué. Les considérations économiques sont très importantes dans les choix de projet de recherche. Et, les rentabilités théoriques de chaque projet dépendent des anticipations sur les prises en charge possible dans chaque pays. Ce n’était pas le cas il y a 10 ans, les critères étaient essentiellement scientifiques et médicaux

En quoi les NTIC peuvent aider les innovations ? Quelles sont les réflexions des labo sur l’utilisation des NTIC dans l’innovation et la recherche ?

Je ne suis plus suffisamment impliquée dans la recherche pour voir concrètement, de l’intérieur, comment ça bouge. Mais je pense que l’introduction des NTIC est très importante car, de plus en plus, la recherche dans l’industrie pharmaceutique fonctionne en réseau. Il n’y a plus des gros centres de recherches avec 3000 chercheurs. Les équipes sont réparties dans le monde entier en petits centres ; ils fonctionnent avec des start-up et des centres publics sur des programmes communs. Les activités sont tellement multidisciplinaires qu’il faut des gens de toutes les spécialités : médecins, pharmaciens, toutes sortes de biologistes, chimistes, biophysiciens et informaticiens. De plus, la prévision de structure moléculaire et l’analyse de séquences reposent beaucoup sur les bio-informaticiens  qui travaillent à des endroits différents sur la planète. Le fait de pouvoir communiquer en temps réel en s’échangeant des fichiers colossaux a permit une révolution. Tous les processus de recherche en sont accélérés.

Comment utilisez vous Internet dans votre pratique professionnelle quotidienne ?

Pour ma part, je ne sais pas comment je faisais avant Internet. Je suis la seule permanente du LIR, Internet est pour moi indispensable en particulier pour le suivi du travail parlementaire car le LIR n’a bien entendu pas d’attaché parlementaire. Je peux retrouver le discours d’un Ministre datant de plusieurs mois pour reprendre des citations. Je l’utilise aussi pour m’informer : journaux, revue de presse sur des sites comme Pharmaceutiques ou Medcost, les sites de l’ordre des médecins et des pharmaciens ou le site de la CNAM. Au LIR, nous travaillons en réseau, je ne pourrai rien faire sans e-mail.



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