Avril
2000
Jean-Jacques
Fraslin
Vice-Président de Fulmedico (www.fulmedico.org)
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" Il
est vital de disposer dune base médicamenteuse
électronique fiable, régulièrement mise à jour,
élaborée indépendamment de l'industrie pharmaceutique
et dont les informations devraient être validées
par l'AFSSAPS . " |
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25
avril 2000
Le site Fulmedico et quelques sites partenaires se font actuellement
l'écho d'un débat très "passionné" autour des outils d'aide
à la prescription. Pouvez-vous nous présenter les éléments essentiels
de ce débat et les revendications des usagers ?
Incontestablement
même en labsence de structuration du dossier patient, le contrôle
informatique de lordonnance est bénéfique à la qualité de
soin.
Cependant,
il est vital de disposer dune base médicamenteuse électronique
fiable, régulièrement mise à jour, qui devrait être élaborée indépendamment
de l'industrie pharmaceutique et dont les informations devraient
être validées par l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits
de Santé. Actuellement, il n'existe plus que deux options privées
payantes, la base "Thesaurus Data-Semp°" de l'OVP Vidal
et la base "Claude-Bernard° de la société RESIP. Or comme
a pu le démontrer le groupe d'étude FULMEDICO, ces deux bases ne
sont pas complètement fiables, exhaustives, et plusieurs fonctionnalités
utiles pour la sécurité de prescription ne sont pas implantées.
La validité des informations et la pérennité des informations patients
ne sont pas contractuellement garanties. Ainsi, lors de la mise
à jour d'une de ses bases, un logiciel (Axisanté) a perdu la mémoire
des anciennes allergies, rendant risquée, l'utilisation ultérieure
du module médicamenteux.
Dans
un cabinet médical, le poste informatique devient de plus en plus
onéreux : frais de télétransmission, maintenance du matériel,
assistance sur le logiciel patient, périphérique de sauvegarde,
surcoût du papier sécurisé. Certains médecins sont conduits pour
des raisons financières à faire limpasse sur certains points
comme labonnement aux bases électroniques. Nous estimons dangereux
pour la sécurité sanitaire des patients, que des outils modernes
de sécurisation de l'ordonnance, ne soient pas fournis gracieusement
à l'ensemble des médecins informatisés.
C'est
pour ces deux raisons que nous demandons aux médecins de boycotter
labonnement aux bases pharmacologiques payantes. Nous
sommes pleinement conscients que ce boycott va pénaliser l'industrie
pharmaceutique dans ses efforts de promotion des nouveaux médicaments.
Des mises à jour fréquentes des bases médicamenteuses sont
importantes pour les médecins, les patients et les industriels.
Quelle serait à votre avis la périodicité idéale ?
Pour
les problèmes de pharmacovigilance, le temps réel. Récemment lAFSSAPS
a suspendu lautorisation de mise sur le marché des formes
gélules de doxycyclines en raison dun risque digestif plus
important que pour les comprimés. Idéalement les bases de données
pharmacologiques devraient êtres mise à jour immédiatement via nos
intranets de santé.
Selon
la revue Prescrire, les vraies innovations pharmacologiques sont
rares
Cependant les laboratoires dépensent des millions de
francs pour la promotion terrain et presse des nouveautés, or tant
que les produits ne sont pas référencés dans nos bases, nous ne
pouvons pas les prescrire. Chaque visite d'un médecin par un délégué
est estimée entre 500 et 700 F Voilà un chiffre à comparer au 1
200 F annuels demandés pour la mise à jour des deux bases privées,
qui devrait faire comprendre les enjeux économiques pour les laboratoires
de la gratuité ou non des bases pharmacologiques.
Vous insistez sur le manque de fiabilité des outils d'aide à la
prescription, notamment dans la détection des contre indications
et hypersensibilités. Les logiciels médicaux sont-ils également
responsables ?
Bien
entendu, dans un monde du progrès informatique partagé, tous les
éléments du dossier médical devraient être liés, interactifs, pérennes,
authentifiables et transmissibles. Nos logiciels se contentent darchiver
une information dégradée et inexploitable dans de multiples petits
tiroirs disparates. Les pouvoirs publics, mais aussi la profession,
ont une lourde responsabilité dans labsence dun format
pivot, la carence des normes déchange et la vétusté de certaines
autres comme lHPRIM
Selon vous, comment pourrait-on améliorer la qualité des outils
d'aide à la prescription ?
Il
nest pas raisonnable dabandonner à des sociétés privées
la main mise sur les données médicamenteuses. Les pouvoirs publics
bien entendu, mais les professionnels de santé aussi et en particulier
nos Unions pourraient avoir un rôle moteur dans la génération dune
base pharmacologique indépendante. Récemment comme beaucoup de confrères,
jai eu à subir un contrôle de mes prescriptions ALD par un
médecin conseil qui ma opposé les Tables de la Loi, cest
à dire les AMM du Vidal papier. Jai réussi à me justifier
grâce à ma bibliographie informatique. Pour les médecins, dans leurs
rapports avec les caisses, lindustrie ou la publicité, cogérer
aussi les données pharmacologiques dans une société de linformation,
semble vital.
Ne craignez-vous pas qu'un outil d'aide à la prescription "parfait"
ne transforme la prescription en un acte automatique, et ne supprime
une partie du libre arbitre du professionnel ?
Non,
si le module est bien construit, il doit travailler en arrière plan,
contrôlant la pertinence de la prescription. Les alertes doivent
être justifiées, documentées et ont un rôle de formation continue
en temps réel extrêmement important. Seuls les pharmacologues peuvent
connaître les multiples interactions, contre-indications, effets
secondaires. Assisté par un système expert, le médecin peut prescrire,
mais en toute connaissance de cause.
Votre manifeste a-t-il déjà provoqué des réactions dans l'industrie
pharmaceutique ?
Pas
encore officiellement, mais linitiative est encore jeune,
les médias papiers commencent à peine à sy intéresser. Nous
demandons aux médecins de donner une lettre explicative aux visiteurs
médicaux et surtout refuser de payer les abonnements.
Le site Fulmedico ainsi que la liste de diffusion ont un succès
croissant. Ont-ils déjà permis que l'avis des professionnels de
santé soit mieux pris en compte ?
Remed
initié par Hervé Cassagne a eu un rôle historique très important.
Pour la première fois, les professionnels de santé ont pu dialoguer
directement avec certains responsables des pouvoirs publics sans
passer par les intermédiaires classiques (syndicats dits représentatifs,
CNPS, Unions). Il existe de plus de nombreux colistiers institutionnels
dormants qui en lisant les contributions prennent le pouls de la
profession. Les listes de diffusion comme Fulmedico ou Medito ont
repris le flambeau de la démocratie médicale directe. En revanche,
soyons modeste, les utilisateurs de base sont encore complètement
écartés des processus de décision. Nous sommes des intrus dans le
microcosme des acteurs de linformatisation médicale. On peut
espérer quun jour prochain, on nous offre un bout de strapontin
L'Internet médical se modifie rapidement et après les sites professionnels
créés par des professionnels apparaissent des portails santé, beaucoup
plus médiatiques. Que pensez-vous de cette évolution ?
Nos sites libertaires et frondeurs ne sont que
des fétus de paille ballottés sur l'océan du Net. Atmedica
(118 millions de francs sur 3 ans), Medisite
(22 millions de francs), e-santé,
Egora, Caducee,
DrKoop et PlanetMedica
bientôt, ces bols de soupe géants vont aspirer les moucherons surfeurs,
avec comme appâts les offres de logiciels gratuits et de pseudo
services. L'Internet médical indépendant risque de devenir confidentiel.
Que pensez-vous de la position de Philippe Eveillard qui critique
vivement ces nouveaux sites dans un article de la Revue du Praticien ?
Pour
lavenir, je suis plus pessimiste que Philippe Eveillard. Devant
tant de moyens publicitaires, je ne sais pas si la qualité seule
suffira pour ne pas être noyé dans la médiocrité. Le plus difficile
pour le médecin nest pas de trouver de linformation,
mais une information crédible
Aux Etats-Unis, les sites santé destinés au grand public connaissent
un succès croissant. Ils feront leur apparition en France dans les
mois à venir. Pensez-vous qu'ils peuvent améliorer la prise en charge
des patients, en augmentant leur niveau d'information et d'exigence ?
Le
problème est identique pour les patients, le niveau de désinformation
va augmenter. La charlatothérapie est sur le même plan que toute
autre information médicale dans les pages santés des journaux grand
public ou à la télévision. Le Web nest pas immunisé.
Quels sont vos sites préférés ?
www.liberation.com
et un site très reposant car il ne sy passe rien : www.atrium.rss.fr
!
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