Juillet
2000
Dr
Richard Wild
Pierre
COSTA
|
|
"Jai
bien lhonneur (cest bien dhonneur dont
il sagit) de donner ma démission de la vice-présidence
nationale du SML."
|
|
24
juillet 2000
Comment conciliez-vous vos activités
de médecin et de Maître Toile de Médito ?
La
médecine et Internet vont très bien ensemble. Ceux qui craignent
quune activité phagocyte lautre, se trompent. On ne
perd pas son temps avec Internet, on en gagne. Ce temps gagné permet
daborder sans cesse dautres domaines. A chacun de connaître
ses limites.
Linformatique
est déjà une sorte de prothèse mentale qui nous permet de décupler
certaines de nos facultés. Internet rajoute des dimensions supplémentaires.
Internet est souverain dans les domaines de léchange et de
la disponibilité de linformation. Linformatique et Internet
permettent une densification de la réflexion. Espérons que ces nouvelles
connaissances feront de nous des hommes meilleurs !
Les
professionnels de santé ne doivent pas avoir peur de sinvestir
dans le Web. Pas dans un esprit de conquête, qui na pas grand
sens sur Internet, mais comme une expérience individuelle. Internet
est une grande chance pour le développement personnel.
Comment évoluez-vous dans cet univers
de clivages politiques apparus depuis le récent développement de
l'Internet médical ? Quelle est votre position concernant les
résultats définitifs des élections au sein des Unions Régionales
des Médecins Libéraux ?
Je
suppose que vous me posez ces questions, en raison de ma fonction
de vice-président national du 2ème syndicat de médecins
libéraux français. Attention, si vous pensiez faire une interview
de tout repos vous allez être surpris !
Je
développe quelques idées personnelles sur ces sujets et je vous
livre un scoop.
Il
faut se poser des questions sur le surinvestissement syndical dans
les unions et Libéralis :
-
Choix qui bloquent énormément d'énergie.
-
Choix très discutables en terme de bénéfices concrets pour la
cause libérale.
-
Choix qui obscurcissent passablement les esprits, tellement les
positions sont parfois dogmatiques.
-
Choix critiquable que celui que de faire coïncider notre sort
avec celui de cet organisme peu convaincant ou discrédité.
En
faisant le choix malheureux de mettre la plupart de nos efforts
et de nos espoirs dans ces pauvres unions, nous sommes en passe
de faire du syndicalisme archaïque.
Les
médecins comprennent de moins en moins que l'on leur vende grosso
modo l'informatique communicante et à plus ou moins long terme la
télétransmission, le tout au prix fort, sans que l'on en ait obtenu
en contrepartie le moindre avantage. Les discours emberlificotés
n'y changent rien. Ils ont l'intuition que les unions risquent d'avoir
des rôles de flicage supplémentaire et de délation entre confrères.
La logique sous-jacente à la collecte redondante des données ne
participant qu'au mieux qu'à une logique de prix et de volume. On
est bien loin d'une conception moderne centrée sur la responsabilité,
le maillage des compétences, la qualité et surtout l'intérêt du
patient.
Les
médecins ont quand même eu le temps de constater l'impuissance des
unions. Et je passe sur les autres sornettes comme le recueil exhaustif
des données comptables, le fait que la télétransmission des résultats
ait attendu Liberalis
Et
maintenant le scoop...
La
prochaine assemblée générale élective de mon syndicat aura lieu
en septembre.
Elle
se déroulera dans un contexte daffaires et de mise en examen
du Président.
La
prochaine assemblée générale a toutes les chances dêtre orchestrée
de manière à se transformer en séance de soutien au président et
à ses actions
à 99 %.
Lautosatisfaction
triomphera. On se régalera de quelques points gagnés ici ou là aux
dernières élections sur les confrères de lautre bord.
Les
dossiers ne seront toujours pas traités en profondeur. Il ny
aura toujours pas de commissions techniques sérieuses. Et lon
continuera à surfer sur la surface des choses, les "coups"
et les effets de manche.
Et
pendant ce temps la médecine libérale continuera à senfoncer
dans le mépris et linefficacité syndicale la plus complète.
Pour
ne pas déroger, on proposera sans doute, une énième manifestation
sur la voie publique. Manifestation qui ne réunira que des membres
des appareils. Manifestation sensée "tester notre détermination",
"manifestation de la dernière chance"
Cétait
la même histoire il y a dix ans, ce sera la même histoire dans dix
ans, si on ne réagit pas.
Pour
ne pas cautionner ce scénario autant convenu quinutile, jai
bien lhonneur (cest bien dhonneur dont il sagit)
de donner ma démission de la
vice-présidence nationale. Medcost a la primeur de cette info.
Il existe actuellement plus de 20 000
sites médicaux aux Etats-Unis ; En France, de nouveaux se créent
toutes les semaines ; A terme, la situation ne risque-t-elle
pas de devenir confuse pour le grand public ?
Cette
question est loin dêtre anodine. Vous ne men voudrez
pas de métendre un peu là dessus.
Il
faut poser demblée la question de la multiplicité des approches
des sites médicaux.
On
trouve des sites personnels non marchands et des sites à vocation
commerciale, des sites associatifs et une ribambelle de sites qui
naviguent entre ces entités.
Les
sites personnels ou sites dauteur nont
pas forcément pour vocation de délivrer une information médicale
au sens habituel. Ils remplissent des fonctions dimplication
et de proximité.
Implication
du professionnel qui se livre plus ou moins à ses
visiteurs et qui cherche avant tout une interaction. Le médical
peut alors nêtre quun prétexte.
Proximité :
Les sites personnels de proximité seront des sortes de prolongements
du cabinet médical.
Ce
nest pas du tout anecdotique et il y aura de plus en plus
de sites personnels.
Ces
sites nont pas lambition dêtre des portails incontournables.
Ils sont très ciblés. Ils rempliront leur rôle.
Il
ne faut pas oublier que cest cette galaxie qui fait le fond
de la toile. Elle nest pas toujours prise en compte à sa vraie
valeur, car elle ne génère pas de retombées publicitaires ou commerciales.
Oublier limportance du site perso cest faire limpasse
sur la dimension "personnelle" du professionnel.
Les
sites médicaux à vocation commerciale :
Je
me demande si ce nest pas un gaspillage dénergie, pour
des médecins non spécifiquement formés, que de sessayer à
lInternet commercial. Cest vraiment dommage que de ne
considérer cette magnifique aventure que sous langle de la
rentabilité
et de se casser la figure ensuite.
On
voit des médecins fébriles qui cherchent à créer des start-up sans
rien y connaître, sans autre finalité que la création elle-même.
Cette ambiance de "ruée vers lor" qui gagne peu
à peu lInternet médical en dit long sur le manque de vision
à long terme de la profession.
Entendons-nous
bien. Je nai rien contre lInternet marchand qui a pignon
sur rue et qui fait bien son travail et qui a sa raison dêtre.
Par
contre jai une certaine animosité contre un Internet
médical prétendument indépendant et qui cherche
à vendre sa "daube", en saffranchissant parfois
de la déontologie et des règles élémentaires. Ils nont pas
assez de courage pour se lancer dans une vraie entreprise, et papillonnent
par-ci par-là sans vraiment réussir où que ce soit.
Pour
finir, le milieu associatif Internet.
A
priori un support associatif basé sur les bonnes volontés semble
une bonne idée.
On
ne doit pas se dissimuler la réalité cependant. Les associations
naissantes ressemblent plus à des tribus sauvages quà de véritables
pôles fédérateurs.
Pour
ne citer quun exemple du chemin qui reste à parcourir. Laffaire
"Apicrypt" où un président dassociation de défense
des utilisateurs de logiciels sest permis de soutenir officiellement,
sous sa casquette de président, un logiciel de diffusion confidentielle,
propriétaire. Gros problème si comme ici, de surcroît, il apparaît
que le président en question est impliqué dans la conception de
ce logiciel et quil sest bien gardé de "révéler"
ce fait. Comment prétendre dans ces conditions vouloir être un interlocuteur
reconnu des tutelles et des industriels ?
Je
note que vous mettez des majuscules à Maître Toile dans la première
question ! Je ne voudrais faire de peine à personne, mais de
nombreux maîtres toiles devraient se contenter de toutes petites
minuscules. On se demande parfois si ces associations ne correspondent
pas tout simplement aux désirs dune poignée dindividus
de sauto promouvoir et de se donner de limportance en
opérant une sélection sur le web. Aucun intérêt dans leur immense
majorité.
Selon
vous, comment est-il possible de fédérer des communautés sur le
web et d'instaurer des passerelles entre des systèmes d'information
différents ?
La
fédération cest un état desprit. Tout le monde ne le
partage pas. La fédération de communautés nest pas un but
en soi.La logique de la fédération est celle des espaces finis.
La fédération repose sur lunité géographique et léconomie.
Fédérer
pour fédérer est un contre-sens dans une structure infinie comme
celle du Web. Cest plutôt un concept ancien emprunté aux supports
dinformation traditionnels.
Dans
le temps, il fallait absolument mettre en commun les énergies. Le
regroupement est un rêve de gestionnaire. Les pages dun site
sont pourtant ubiquitaires. Pourquoi vouloir unir les sites à tout
prix ? Internet est le lieu de la plus complète infidélité.
Aujourdhui on fréquente le site X ou Y demain le site A et
B. Cest cet "amour libre" qui fait quInternet
progresse et est vivant. Mariés à jamais les sites perdent vite
de leur charme. Alors pourquoi ne pas plutôt envisager des mises
en commun transversales et limitées dans le temps ?
En
pratique, on retrouve souvent le concept de fédération, décliné
dans une logique féodale. Des petits sites espèrent bénéficier de
la protection et de la force dentraînement dun plus
gros site. Les gros sites sy prêtent quand ils espèrent faire
la loi.
Sur
Internet, on est plutôt dans une logique dessaimage que de
regroupement. Les sites poussent les uns à côté des autres et tendent
à occuper le maximum de terrain. Puis ils essaiment ailleurs. Chaque
site viable à vocation à sétendre dans lespace. Les
sites qui marchent deviennent inéluctablement des sortes de portails.
Les
assemblages de sites sans qualité, font tout au plus un gros site
sans qualité.
Mais
que veut dire être gros sur le web ?
La
fédération de communautés sur le web peut se concevoir soit par
lintermédiaire dassociations, soit par le biais de portails.
Mais
franchement les vrais portails du web, sont les grands moteurs de
recherche. Vouloir limiter les questions traitées à 2 ou 3 éclairages
dune communauté fermée du web est un non-sens. Toujours le
vieux fantasme du "client" captif qui a tant marqué une
certaine logique civile et commerciale. Cela fait peut-être le bonheur
dune poignée dindividus mais cela ne correspond pas
à lintérêt général.
Comment
peut-on instaurer des passerelles entre des systèmes d'information
différents ?
"Internet"
peut fonctionner grâce à un assemblage de standards librement acceptés,
discutés et développés de façon raisonnée entre pairs (les fameuses
RFC). On est aux antipodes des formats exclusifs imposés par une
seule entreprise et fonctionnant comme autant de péages et d'impôts
privés. Les problèmes apparaissent en premier lieu lorsqu'une entreprise
en position dominante cherche à imposer à tout prix ses propres
protocoles brevetés.
Tout
le monde peut se comprendre. On peut même communiquer librement
de manière cryptée. La loi le permet depuis peu. Et l'on s'obstine
- par habitude, par ignorance ? - à vouloir donner
dans le captif et propriétaire !
Quel
rôle peut jouer Internet, à quel horizon et avec quels partenaires ?
Cest
la question à 1 000 000 de maravédis ! Tous les mois
le paysage change, les techniques évoluent radicalement. Le gros
problème, pour un heureux internaute voyageur dans le temps, à son
retour, sera de comprendre lui-même ce quil lui est arrivé
et de faire comprendre tout ce quil a vu.
Alors
ne men demandez pas trop. La seule certitude cest que
les plus grandes surprises sont pour plus tard. En particulier quand
une bonne partie de la population aura fait le bond conceptuel de
la dématérialisation de linfo. Si cest langle
économique qui vous intéresse voilà un petit éclairage. Je vois
très clairement dans ma boule de cristal que linformation
tendra vers la gratuité. Les marchands se rattraperont sur les prestations
annexes. Mais cela ne se fera pas sans quelques sérieux affrontements
de concepts diamétralement opposés.
Comment
les médecins (généralistes et spécialistes) qui s'exposent sur le
web médical conserveront-ils leur indépendance ?
Sils
savent échapper à la logique féodale, aux carcans associatifs et
aux messages des commerciaux, ils resteront parfaitement indépendants.
Je ne suis pas trop inquiet. Les mentalités évoluent. Linformation
faite par les sites vraiment indépendants fait son chemin.
Quel
est le code déthique de médito ?
Quelques
règles de savoir vivre qui sont en fait les bases de la nétiquette.
Le respect scrupuleux de la loi et de la déontologie. Que demander
de plus ?
Comment
en êtes-vous venu à l'informatique et à Internet ?
Une
vieille affaire de famille. Je nage dans linformatique depuis
une vingtaine dannées.
Dans
le domaine du Réseau Santé Social, pensez-vous que les contraintes
de sécurité justifient l'émergence de solutions plus onéreuses (que
les solutions antérieures) telles que Libéralis ?
Non !
Les pouvoirs publics qui ont libéré le cryptage, devraient se pencher
sérieusement sur ce qui risque dêtre un domaine propriétaire,
captif et éclaté. En tout état de cause, il faut échapper rapidement
à des solutions qui seraient uniquement franco-françaises. Ceci
d'autant plus que d'autres Etats européens ouvrent la voie dans
le domaine en stimulant activement le développement de standards
libres, ouverts et universels.
Les
offres fermées et captives sont bien le plus grand obstacle au développement
harmonieux de linformatique communicante.
La
sécurisation et les normes déchange doivent impérativement
être libres de droits. Historiquement la société moderne n'a pu
se développer qu'avec la fin du féodalisme, des péages extravagants
et du rançonnement sur les grands axes de circulation.
Faute
de mesures similaires, urgentes compte tenu de l'évolution actuelle,
on se retrouvera à l'âge de pierre informatique. Que l'on songe
simplement au minitel et aux agréments léonins des modems.
Que
lon prenne les arbitrages qui simposent et que lon
passe enfin à la vitesse supérieure ! Il y a tellement de choses
à faire du côtés de lanalyse intelligente des compte rendus,
la télémédecine etc
Réagissez
à
cette interview.
Retrouvez toutes
les autres interviews.
24
juillet 2000
|