Octobre 2000
Norbert
Paquel,
délégué général
d'Edisanté
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"Paradoxalement,
demain, les réseaux de soins pourraient être équipés
de systèmes d'information plus précis, plus rapides
et plus flexibles que les hôpitaux."
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Propos recueillis par
Christine
Bouchet et Gaëlle
Layani
25 septembre
2000
Norbert Paquel est
délégué général d'Edisanté,
association française dont la mission est de favoriser le développement
des échanges normalisés dans le secteur socio-sanitaire. Il a réalisé
une étude sur l'opportunité de l'utilisation d'XML dans le cadre
des EDI pour la MTIC (mission interministérielle de soutien technique
pour le développement des technologies de linformation et
de la communication dans ladministration). Cette étude est
disponible sur le site
du MTIC.
Vous avez rédigé un rapport sur l'utilisation
d'XML dans les EDI, nouvelle pièce au dossier déjà volumineux des
nouvelles technologies en santé. Pensez-vous que les choses vont
évoluer concrètement ?
Oui, c'est clair. Nous
le disons dans le rapport. XML a des vertus propres. C'est une très
bonne grammaire, mais sa principale vertu est qu'il est transapplicatif
et que tout le monde, notamment les grands offreurs en informatique
comme Microsoft, y croit. C'est fondamental dans ce domaine. De
plus, c'est une technologie lancée par le consortium W3, ce qui
constitue en général un gage de succès.
Personne ne conteste
que c'est un langage remarquable, à la différence de ce qui s'est
passé pour Edifact ou même pour Java.
Normalisation, interopérabilité des échanges
sont des termes très employés actuellement. Pensez-vous que des
avancées soient réellement réalisées dans ce domaine ?
Oui. Et ce n'est pas
uniquement à cause d'XML. XML est là pour permettre aux offreurs
de ne pas enfermer leurs clients. C'est encore une tentation. Malgré
tout, de plus en plus de personnes, y compris les utilisateurs,
veulent pouvoir faire communiquer des systèmes différents. Ce n'est
plus un souhait utopique.
On ne veut pas commettre
l'erreur de tout normaliser, ce qui engendrerait un "monstre"
beaucoup trop lourd (règles, grammaires, vocabulaires, processus,
etc.). On va normaliser un certain nombre d'éléments clés qui permettront
de communiquer.
Edifact, c'est très
bien, mais cela ne marche que pour les acteurs qui se mettent bien
d'accord, ce qui prend du temps, car il faut tout normaliser :
les mots, les phrases, les messages, les protocoles, les codes.
Et à l'échelon mondial, sinon ce n'est pas de la normalisation.
Dans le cas d'XML, on normalise plutôt des méta-informations, des
processus. On normalise la manière de dire ce que l'on communique.
Avez-vous l'impression que l'informatique
médicale progresse ?
Elle devrait progresser
en tout cas. Les professionnels de santé sont de plus en plus équipés,
ce qui a un impact sur le développement de l'informatique médicale.
C'est vrai également
pour les grands systèmes hospitaliers qui seront amenés à évoluer
sous l'impact de l'offre (mondialisation des logiciels, Internet)
même s'il existe une inertie liée au passé et au passif de ces systèmes.
Paradoxalement, demain, les réseaux de soins pourraient être équipés
de systèmes d'information plus précis, plus rapides et plus flexibles
que les hôpitaux.
Toutefois, cette progression
ne réglera pas tous les problèmes, loin de là, mais il existe un
réel besoin de communication entre les différents acteurs et une
véritable exigence du public. Celui-ci ne supporte plus bien qu'on
lui dise qu'on ne peut plus transférer des informations quand il
faut, où il faut. C'est la grande nouveauté.
En quoi XML menace-t-il EDIFACT ?
Non XML ne menace pas
EDIFACT. Disons qu'EDIFACT a trouvé ses limites. A long terme, il
est vrai, EDIFACT ne sera plus l'outil de développement des nouveaux
messages. Par exemple, à EDISANTE, nous ne comptons pas développer
de nouvelles choses avec EDIFACT. La prescription ou l'échange de
dossiers seront désormais toujours conçus en XML. EDIFACT est une
étape de l'histoire. Il continue de se développer là où il fonctionne,
mais il ne s'étendra pas aux domaines où il ne s'est jamais étendu,
c'est-à-dire dans beaucoup de secteurs économiques. Car, finalement,
EDIFACT n'a pas "percé" quand il n'existait pas un ou
quelques grands acteurs désireux de l'imposer. De plus, parfois,
certains secteurs, comme la banque, avaient déjà développé leur
propre système. Pour la prescription et le dossier médical, EDIFACT
n'a jamais été utilisé et ne sera jamais utilisé. Donc c'est vrai,
XML annonce la fin d'EDIFACT, mais sur dix ou quinze ans.
Quelles sont les perspectives d'utilisation d'XML dans le commerce
électronique B-to-B ?
Les perspectives sont
évidentes. Jusqu'ici, l'EDI était avant tout utilisé dans le commerce
B-to-B en "back office". Là où d'autres langages que XML
sont utilisés, XML s'imposera en back office, mais ce sera long,
car ces langages fonctionnent.
Les PME sont évidemment
concernées en premier chef par votre question de même que les entités
où il y a interaction entre la personne et le système. Je m'explique.
Aujourd'hui, vous avez d'un côté les entreprises qui utilisent pour
le moment toutes sortes de formats d'EDI en back office, et de l'autre
les places de marchés où XML sert avant tout d'outil commun d'expression
des données.
XML est donc déjà utilisé
sur les serveurs interapplicatifs, les différents middlewares et
les plates-formes d'intermédiation. On convertit tout en XML, c'est
d'ailleurs pourquoi il est tellement utilisé. C'est du Web EDI.
L'entreprise saisit (pour le moment) ses données à la main sur l'interface
HTML de la place de marché. Celle-ci "déshabille" le document
HTML pour le traduire en XML. Il est ensuite archivé dans une base
et la place le récupère pour communiquer avec l'entreprise après
l'avoir retraduit dans son langage initial. Tout ce qui rentre devient
de l'XML, tout ce qui sort vient de l'XML.
Dans la phase 2,
sur laquelle travaille le Web Consortium, le formulaire de saisie
à l'apparence d'un formulaire HTML. En fait, il génère un fichier
contrôlé XML. Les données envoyées sont donc immédiatement converties
en XML.
La phase 3, c'est
l'interopérabilité des applications des différents acteurs. Il faut,
par exemple, que suite à une commande envoyée par le logiciel d'achat
d'un client, la place de marché puisse envoyer automatiquement un
bon de livraison. La PME pourra utiliser directement XML pour communiquer
avec la place de marché. Ce type de relation ne va sans doute pas
s'installer rapidement entre entreprises, car elles ont peur pour
leur sécurité. Les protocoles de sécurité, les règles générales
d'archivage et les règles de signature ne sont pas encore définies.
Un minimum de normes, de règles de sécurité, de protocoles de validation
et d'interfaces communes est donc nécessaire. L'automatisation des
processus (le logiciel commande pour moi) est à ce prix.
Quels sont selon vous les obstacles les plus importants à la normalisation
des échanges de données en santé ?
Pourquoi la normalisation
s'est-elle plus développé dans le secteur bancaire, par exemple,
que dans le secteur de la santé ? Tout simplement, parce que,
pendant logtemps, le besoin n'a pas été ressenti assez fortement
en santé. L'évolution des comportements sociaux et des techniques
le fait désormais exploser. C'est la même raison qui explique que
l'informatisation des médecins ne se soit pas faite rapidement,
par exemple. Le besoin n'était pas fondamental. Je sais que c'est
choquant de dire cela. Il n'existait pas de besoin urgent de normaliser
contrairement au secteur bancaire. Les banques se sont mises d'accord
très vite. Pourtant, elles sont concurrentes.
La seconde raison,
c'est que la santé est un secteur très complexe. Il existe des centaines
de spécialités, etc. Il faut normaliser l'ordinateur, le protocole
de transmission, les formats de fichier, les systèmes de réception
et de signature, et surtout, le plus difficile, il faut normaliser
le langage médical. Un cardiologue n'organise pas ses données comme
un néphrologue, par exemple.
La troisième raison,
c'est qu'il n'y a pas assez d'informatique. Tant qu'un milieu n'est
pas suffisamment informatisé, il y a beaucoup d'offreurs et ces
derniers ne s'occupent pas de normalisation faute d'argent notamment.
De plus, le marché de l'informatisation hospitalière n'était pas
un vrai marché. Chacun a cherché à préserver son territoire. Ajoutez
à cela la tentation des offreurs de conserver un marché non normalisé,
la propension des informaticiens à penser que leurs travaux sont
les plus intéressants (et tant pis pour la norme !) et la tendance
des médecins à penser qu'ils sont les mieux placés pour en parler
Le besoin en communication
a un impact sur la normalisation. Comme je veux communiquer avec
mon voisin, je commence à mettre en place des passerelles entre
nous. Les normes utilisées à cette occasion tendent à rejaillir
alors sur l'organisation interne. Ainsi, les systèmes Internet sont
devenus des Intranets. TCP/IP, par exemple, devient un standard
pour les réseaux locaux. La communication est un préalable à la
normalisation et non l'inverse, j'en suis convaincu.
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25
septembre 2000
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