Juin
2000
Alain
Cartraud
Directeur
d'Alliance Médica
Christine
Bouchet
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"Résalis
est une double expérimentation : organiser
la prise en charge coordonnée de lasthme
en expérimentant un véritable partenariat tripartite,
entre professionnels de santé, assurance maladie
et industrie."
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30
juin 2000
Le
ministère de la santé a refusé son agrément au réseau de soins Résalis,
bien qu'il ait fait l'objet d'un avis favorable de la Commission
Soubie. Quelles ont été les raisons évoquées pour motiver ce refus ?
Qu'en pensez-vous ?
Il
n'y a pas eu réellement de refus d'agrément, mais une décision de
non réponse dans létat actuel du dossier de partenariat. Les
garanties d'indépendance d'Alliance Medica par rapport au laboratoire
Glaxo Wellcome ne semblaient pas suffisantes au ministère, qui reverra
sa décision si nous présentons une organisation différente des partenariats.
Dailleurs le ministère a souligné l'intérêt de Résalis dans
la prise en charge de l'asthme.
Il
s'agit donc pour l'instant plutôt d'une position d'attente du ministre
que d'un refus de sa part. Les raisons de cette attente sont essentiellement
liées à la nouveauté du partenariat qui associe les professionnels
de santé, l'assurance maladie et un industriel autour de l'organisation
des soins. Ce partenariat semble poser un problème au niveau politique,
sans doute à cause du lien de filiation entre Alliance Medica et
Glaxo Wellcome. Nous nous sommes cependant déjà longuement expliqués
au sujet de ce lien de dépendance devant de très nombreuses commissions,
et nous avons prouvé à chaque fois que malgré la dépendance juridique,
il y avait une totale indépendance d'activité. Le laboratoire Glaxo
Wellcome continue son activité traditionnelle de recherche, développement
et promotion des médicaments, et Alliance Medica met en place une
activité nouvelle sur l'organisation des soins, en toute indépendance
de la promotion des médicaments. Le conseil d'administration de
la CNAM se posait les mêmes questions mais a jugé les garanties
suffisantes et a donné un avis favorable, la Commission Soubie a
également jugé les garanties suffisantes. La décision du ministère
est à mon avis plus politique que technique.
N'y-a-t-il
pas une certaine hypocrisie en ce moment ? Il est évident qu'il
faudra financer ces nouvelles modalités d'organisation des soins,
mais que ce n'est pas l'Etat qui apportera les financements.
Je
ne pense pas qu'il y ait hypocrisie. En ce qui concerne RESALIS,
la décision du ministre est motivée par la nécessité de plus de
transparence. Or nous sommes justement les seuls industriels à promouvoir
un réseau, et à le faire cartes sur table, en toute transparence.
Nous sommes prêts à montrer nos dossiers, nos protocoles d'évaluation
et à répondre aux questions de toutes les instances compétentes.
Nous sommes les seuls à afficher ouvertement notre volonté de réussir
un partenariat avec l'assurance maladie et les professionnels
de santé sur ces réseaux. En ne donnant pas dagrément à notre
projet, on favorise en fait tous les autres projets où les industriels
sont impliqués, mais de façon beaucoup moins transparente, par des
financements qui se font sans dépôt de dossiers officiels. Je connais
des dizaines de projets de réseaux, dans le domaine de la cancérologie
ou de l'alcool, qui sont financés d'une façon ou d'une autre par
des industriels. Le projet Résalis est un projet innovant et original
où il y a une double expérimentation : l'expérimentation du partenariat
à trois, qui n'est pas simple, et l'expérimentation autour de la
prise en charge coordonnée de l'asthme.
Le
développement du réseau a-t-il été freiné par cette mesure ?
Non,
parce que un réseau peut parfaitement fonctionner en dehors du dispositif
prévu par les ordonnances Juppé. Ce dispositif conduit à la Commission
Soubie puis à l'agrément ministériel, mais n'est indispensable que
pour mettre en place des mesures dérogatoires au Code de la Sécurité
Sociale. Le reste du dispositif, la collaboration des professionnels
de santé, la mise à disposition pour ces professionnels d'un système
d'information qui leur permette de communiquer et d'échanger sur
leur pratique, la formation des médecins à l'utilisation des outils
informatique et des référentiels, l'éducation des patients, l'évaluation,
tout ce système de coordination des soins ne nécessite aucune autorisation
particulière.
Après
la réponse du ministre, les professionnels de santé ont décidé qu'il
y avait un intérêt à poursuivre l'expérimentation sans les mesures
dérogatoires. Je reconnais le courage et l'engagement des professionnels
de santé qui ont vu dans cette expérimentation un progrès pratique
pour l'organisation de la prise en charge de l'asthme, au-delà de
l'intérêt financier que pouvaient représenter les mesures dérogatoires.
Quelles
étaient les mesures dérogatoires que vous souhaitiez mettre en place ?
D'abord,
la rémunération de la synthèse annuelle du dossier patient faite
par chaque médecin prenant en charge un asthmatique. Ensuite, la
rémunération dune implication plus grande des médecins dans
léducation des patients par un forfait éducatif. Nous souhaitions
également introduire une exploration fonctionnelle respiratoire
(EFR) obligatoire une fois par an, mesure conforme aux recommandations
internationales. Enfin nous souhaitions mettre en place le tiers
payant pour les patients adhérents à l'expérimentation. Les mesures
dérogatoires étaient donc importantes sur le plan symbolique
reconnaissance de la démarche éducative dans l'amélioration de la
qualité des soins -, et relativement modestes sur le plan financier
puisquelles représentaient 310 F par patient et par an pour
les médecins généralistes. Il y a donc actuellement un décalage
complet entre la dynamique réelle sur le terrain, et la non reconnaissance
de cette dynamique au niveau national. Aujourd'hui Résalis est le
premier réseau Soubie qui associe trois partenaires, et à ma connaissance
c'est le premier réseau Soubie qui soit 100% opérationnel et qui
commence à produire ses premiers résultats.
Où
en est le réseau concrètement ?
Il
y a déjà 300 patients inclus dans le bras réseau, et 300 patients
inclus dans le bras témoin. L'évaluation sera une évaluation "avant-après"
la mise en place du réseau, et "ici et ailleurs". Nous
avons recueilli aujourd'hui plus de 1000 consultations chaînées
dans le réseau qui nous permettent d'avoir une photographie de la
prise en charge de l'asthme avant intervention. Cette photographie
montre que les coûts indirects liés aux arrêts de travail, hospitalisations
et recours aux consultations et soins d'urgence, sont supérieurs
aux frais médicaux directs de prise en charge de la maladie, et
qu'ils sont en majorité évitables par une meilleure prise en charge
des patients. Le pari aujourd'hui est d'organiser la prise en charge
pour prévenir ces coûts indirects, en se mettant d'accord sur un
référentiel de pratiques, en formant les acteurs à l'état de l'art
sur la prise en charge de l'asthme et en éduquant les patients.
Ces coûts indirects évitables sont essentiellement des arrêts de
travail pris en charge par l'assurance maladie, et l'objectif est
de les diminuer.
Nos
premières analyses sur les données recueillies montrent quen
moyenne la prise en charge d'un asthme intermittent coûte un peu
plus de 4 200 francs par an, et celle d'asthme persistant sévère
un peu plus de 22 000 francs par an. En moyenne un patient
asthmatique coûte 10 000 francs par an, dont 50 % de coûts
directs et 50 % de coûts indirects. Bien entendu la part des
coûts indirects est plus élevée pour les asthmes sévères. Autre
point important, le traitement des patients nest visiblement
pas conforme aux référentiels de pratiques dans plus de 70 %
des cas. Il est donc nécessaire de discuter de ladaptation
des référentiels, outil élaboré par des spécialistes, à la pratique
du médecin généraliste : voilà tout l'enjeu de ce réseau.
Le
système d'information est-il déjà opérationnel ?
Oui,
depuis plus d'un an. Les médecins sont tous équipés d'un logiciel
de dossier patient qu'ils ont la liberté de choisir. Un questionnaire
spécifique de prise en charge de lasthme permet de recueillir
les données de l'expérimentation. Les médecins sont reliés entre
eux et vers l'association Résalis par une messagerie médicale sécurisée
qui permet de chaîner les informations patient tout en les anonymisant
de façon irréversible, et d'alimenter le processus d'évaluation.
Il s'agit donc de données médicales partagées et non de dossier
médical partagé.
Cela
fait plusieurs années que vous êtes impliqué dans le développement
des réseaux de soins. Il semble que le démarrage espéré au départ
n'ait pas encore eu lieu. Etes-vous optimiste sur l'avancement de
ce chantier ?
Je
pense au contraire que les réseaux fonctionnent très bien, mais
qu'il y a un gap très important entre ce qui se passe sur
le terrain et la dynamique nationale qui avait été initiée par les
ordonnances Juppé. La Commission Soubie a examiné très peu de dossiers,
et les dossiers qu'elle a retenus et qui comportaient des partenariats
originaux nont pas été compris par le ministère. Par contre
sur le terrain les expérimentations de réseaux fonctionnent et se
multiplient. Il y a donc un décalage entre le terrain qui est prêt
à se mobiliser, les médecins qui sont prêts à travailler en groupe,
à communiquer, à utiliser des référentiels, à entreprendre une démarche
d'évaluation des pratiques, et le niveau national. En revanche les
problèmes financiers sont réels sur le terrain : il est dommage
que le Fond d'Aide à l'Amélioration de la Qualité des Soins de Ville
ne soit pas encore opérationnel, car cela pénalise les initiatives
locales et décourage les meilleures volontés qui s'essoufflent à
force de buter sur le manque de moyens.
Quels
sont les autres axes de réflexion d'Alliance Medica ?
Alliance
Medica est une structure de recherche tournée vers l'organisation
des soins et les nouvelles compétences que les entreprises de santé
vont devoir développer, compte tenu de l'évolution de l'environnement
(Internet, évaluation des soins, audit clinique). Nos axes de développement
sont donc les réseaux, mais également le développement de services
opérationnels comme les programmes d'éducation. Nous avons aujourd'hui
deux programmes d'éducation, Mister Bulle sur l'asthme qui tourne
dans plus de 40 écoles depuis plus de deux ans, et qui est à la
disposition d'une quarantaine d'équipes soignantes, et un programme
éducatif innovant autour de la prise en charge des patients infectés
par le VIH. Il y a en effet dans le contexte du VIH un véritable
problème d'observance lié à la complexité des trithérapies.
Le
deuxième axe est le développement de systèmes d'information à l'usage
des professionnels de santé, en particulier de logiciels médicaux
qui permettent au médecin d'informatiser leur dossier médical tout
en structurant parfaitement l'information à des fins d'évaluation.
Nous croyons beaucoup à l'auto-évaluation des pratiques, à la démarche
d'audit clinique qui permet au médecin grâce à des outils simples
d'améliorer sa pratique et de la comparer à d'autres, à une moyenne
régionale ou nationale ou à des référentiels. Nous avons développé
un logiciel dans le domaine de la pneumologie, Pneumosoft, aujourd'hui
utilisé par plus de 200 pneumologues, et nous développons un nouveau
logiciel, Pneumofirst, qui vise des pneumologues moins avertis en
informatique. Nous avons également développé Netcare, en partenariat
avec l'HAD de Lyon, qui permet d'informatiser les structures de
soins et d'hospitalisation à domicile. Enfin nous avons développé
Nadis. En partenariat avec le CHU de Nice et 5 services leaders
dans la prise en charge du SIDA. Ce logiciel va permettre d'informatiser
l'ensemble des consultations et des prises en charge des patients
atteints par le VIH, mais également par le virus de l'hépatite C
qui pose un véritable problème de santé publique. Cet outil permettra
de promouvoir la mise en place des réseaux ville-hôpital. Encore
une fois ce travail a été effectué de façon tout à fait indépendante
des activités de Glaxo Wellcome, qui n'est pas impliqué dans le
traitement de l'hépatite C.
Nous
pensons également développer une réflexion autour d'Internet et
de son impact sur lamélioration de la compétence patient dans
la prise en charge et l'observance de ses traitements.
Quels
sont vos sites préférés ?
Je
trouve beaucoup d'information sur les réseaux sur le site de Medcost.
Sinon je trouve une information diversifiée et complète sur le site
de Pharmaceutiques. En revanche, les portails santé sont à mon avis
encore à la recherche d'une identité et d'un positionnement les
uns par rapport aux autres et je n'ai pas de préférence bien arrêtée.
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30
juin 2000
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