Octobre 2000
Denis
Punsola
Directeur du secteur Santé de France Télécom
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" Avec Liberalis, nous atteignons
26 000 abonnés et nous avons dépassé
le RSS, alors que nous avons lancé Wanadoo Santé
avec un an de décalage par rapport à la première
ouverture du RSS. " |
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Propos recueillis par
Mathieu
Ozanam et Julie
Chastres
27 septembre
2000
Denis Punsola est ingénieur
de formation et a fait toute sa carrière au sein de France Télécom.
Après une période dans le domaine commercial, il devient directeur
régional dans la région toulousaine avant daccéder au poste
de directeur du secteur santé de France Télécom mars 1998. Rien
ne le prédisposait plus quun autre pour occuper ce poste stratégique,
sinon un intérêt personnel pour le domaine de la santé alors quil
fallait repartir de lavant après avoir perdu lappel
doffre du RSS.
Un peu plus dun an et demi après
le lancement de Wanadoo Santé, quel bilan pouvez-vous dresser ?
Les derniers chiffres en ma
possession font état dune presque égalité, Wanadoo Santé a
atteint 25 000 abonnés fin septembre, et le RSS annonçait 24 000
abonnés fin août. Avec Liberalis, nous atteignons
26 000 abonnés et nous avons probablement dépassé le
RSS, alors que nous avons lancé Wanadoo Santé avec un an de décalage
par rapport à la première ouverture du RSS.
Le bilan est donc positif et
pour plusieurs raisons. La première cest que nous sommes en
train de prendre une place de leader, mais au delà de cet événement,
nous sommes redevenus légitimes dans le monde de la santé. En effet
attribuer une concession de service public comme cela a été le cas
il y a trois ans, cétait donner un label fort, une légitimité
à la société qui a remporté lappel doffre. Il existait
un petit risque de créer un monopole, ce qui aurait été un peu paradoxal
à lheure de louverture à la concurrence.
Dans un tel système
ce sont les clients qui décident de lavenir des projets, jen
déduis que France Télécom est redevenue légitime aux yeux des clients.
Quest-ce qui vous a permis de rattraper votre retard ?
Je crois nous avons fait un
bon produit. La compétence acquise avec Wanadoo (qui est leader
dans son domaine) nous a été utile pour créer Wanadoo Santé, mais
nous avons aussi eu une volonté très affirmée de construire Wanadoo
Santé en partenariat avec tous les acteurs du marché, et essentiellement
avec tous les éditeurs de logiciels. Notre cur de métier nest
pas la santé, mais nous voulons répondre à ses besoins en terme
de télécommunication. Pour savoir sadresser aux médecins,
pour les comprendre, pour leur proposer de bons produits , nous
avions besoin de partenaires.
Enfin notre « rattrapage »
sexplique par notre approche commerciale au plus proche du
terrain. Nous avons organisé des rencontres avec les médecins pour
quils puissent se frotter à Internet et mieux comprendre ce
dont il sagissait.
Comment vous positionnez-vous par
rapport à Cegedim ? France Télécom peut-il rester sur le marché
sans développer une gamme complète de produits et de services ?
On pourrait dire effectivement
que Cegedim cherche à maîtriser toute la chaîne, je me demande parfois
sils ne cherchent pas à maîtriser les médecins. Il y a un
moment où cela peut devenir un peu inquiétant car ça sappelle
un monopole : je considère que ce nest pas une bonne chose
que les clients naient pas un certain choix. Cest bien
de leur offrir un service complet mais pas un monopole et surtout
dans le domaine de la santé où il y a quand même des sujets très
sensibles : nous comptons donc leur offrir un choix en continuant
à leur proposer nos solutions.
En revanche cest vrai
que les professionnels de santé ont besoin de simplicité, dun
service complet , afin de se consacrer à leur métier qui est
de soigner des patients. France Télécom peut leur apporter un service
le plus complet possible et en particulier avec laide de partenaires
: la santé nous fait sortir de notre cur de métier et plus
nous avançons, plus nous avons conscience que nous ne le ferons
pas tous seuls.
Je crois aussi quil ne
faut pas avoir une vision statique. Il y a des modèles qui fonctionnent
bien, qui sont bien huilés, mais tout ce qui existe aujourdhui
nest rien par rapport à ce qui existera prochainement. Internet
rend possible plein dusages nouveaux, il ne sagit donc
pas de reproduire les modèles du passé mais dinventer de nouveaux
usages, les mettre au point, les faire comprendre et les faire accepter.
France Télécom est à même de jouer un rôle actif. Nous pouvons par
exemple imaginer que demain avec Internet, un médecin, où quil
soit en déplacement chez son patient, pourra accéder à son dossier
médical grâce à son téléphone mobile.
Quels
sont vos projets et quels partenariats
avez-vous déjà engagés ?
Pour Wanadoo Santé nous avons
des partenariats avec des éditeurs de logiciels et avec un certain
nombre dentre eux nous cherchons a développer ces nouveaux
usages. Libéralis est aussi un exemple de partenariat réussi avec
des médecins, ceux qui savent finalement le mieux définir leurs
besoins. Nous avons bâti une solution qui correspond à leur demande
et qui intègre une couche de réseau qui est purement France Télécom
et aussi une couche de service.
Egora qui est notre portail
santé, compte environ
20 000 inscrits à 60-65% des médecins. Notre état desprit
est de faire en sorte que les différentes professions de la santé
puissent échanger entre elles. Ce bouquet de service, est un bon
exemple des nouveaux métiers que développe France Télécom. Il est
le point de rencontre entre des offreurs de service et des professionnels
de santé qui veulent accéder à des services. France Télécom à travers
Egora peut jouer un métier qui la est vraiment le sien : celui
dintermédiateur. Il est facile de transmettre une information,
mais au-delà, ce que nous développons progressivement, ce sont des
services qui facilitent la vie des professionnels de santé et dont
le fournisseur est rarement France Télécom. Nous sommes plutôt en
situation de permettre que ce service existe entre les offreurs
et les demandeurs, car nous pouvons apporter de la sécurité, des
systèmes de facturation, de la gestion
Pour linstant, Egora reste un
site essentiellement dinformation ?
Nous développons progressivement
des services : dès
maintenant il existe des bases de données riches (Datavax, Tox In)
et il commence à y avoir des services interactifs tels que du télésecrétariat,
de la FMC et tous les services du type petites annonces,
remplacements
Médisite avait mis en avant son dossier
médical virtuel pour les patient, avez-vous des projets phare de
développement similaire et un calendrier ?
Egora a été développé d'abord
à destination des professionnels de Santé, et nous prévoyons d'introduire
progressivement un volet pour le grand-public, avec là aussi, non
seulement de l'information mais aussi des services.
Vous semblez parler moins de ces projets que vos concurrents ?
Nous préférons être discrets
et avoir des clients intéressés, contents et fidèles. Daprès
les sondages, cest le cas, selon les questions que nous leur
posons, de 80 à 90% de nos utilisateurs. Egora ce nest pas
« Santé Beauté », nous avons choisi de développer Egora
dabord sur la cible des professionnels, et la partie pour
le grand public aura le même esprit de sérieux. Ce qui nous intéresse
ce nest pas de susciter un effet de curiosité avec des visiteurs
qui viennent de temps en temps pour faire un test afin de savoir
sils sont stressés.
A lavenir les internautes
viendront souvent poussés par leur médecins, et réciproquement,
ils pousseront leurs médecins à utiliser Internet. C'est pourquoi
nous prévoyons ces deux volets dans Egora.
Libéralis peine à démarrer avec ses 700 adhérents. Ne peut-on
pas dire que Wanadoo Santé fait de lombre à Libéralis ?
Nos chiffres font état de presque
1000 adhérents à Libéralis. Cette proportion est encore faible mais
Libéralis est un service qui est considérablement plus riche que
Wanadoo Santé ou le RSS. Libéralis offre laccès à une messagerie
chiffrée, des outils de groupware, une gestion de lenvoi de
feuilles de soins, la concentration des feuilles de soins, un gestionnaire
denquêtes, HPRIM (réception automatique des résultats des
laboratoires)
Cest tout un ensemble de services, qui
constitue un produit plus riche que Wanadoo Santé qui est davantage
un produit dentrée de gamme.
Etant
donné que linformatisation des médecins est encore récente,
il est vrai que beaucoup dentre eux donnent leur préférence
à la simplicité. Pour un usage plus intense, Libéralis est plus
intéressant. Une clinique peut par exemple favoriser les échanges,
par un partage des données grâce à Libéralis. De nombreux médecins
vont prendre Wanadoo Santé, vont se familiariser à linformatique,
et passeront progressivement à des usages plus riches, rendus possibles
grâce à Libéralis.
Vous vous attendez donc à voir une
migration de Wanadoo Santé vers Libéralis ? Allez-vous attendre
que le mouvement se fasse naturellement ou inciter les professionnels
de Santé à franchir le pas ?
Le but cest que
les clients trouvent ce qui les intéressent. Certains avaient déjà
choisi Wanadoo Santé ; ils ont commencé à se familiariser avec Internet,
la messagerie,
Notre objectif est de leur faire savoir quil
y a un produit qui leur permet davoir une pratique plus riche,
qui sappelle Liberalis : nous pensons qu'un certain nombre
trouvera un intérêt à migrer vers Liberalis.
Charles Antoine Roussy,
directeur général de Medsyn estimait que le seuil de rentabilité
était de 5000 abonnés. Aujourdhui Medsyn est « un réseau
associé au RSS ». Libéralis et ses 1000 abonnés, est-il viable
à court terme ?
Libéralis a 1000 abonnés
aujourdhui mais combien seront-ils dans 6 mois, dans un an ?
France Télécom sest engagé dans la durée, avec un contrat
de 7 ans. Le mouvement est assez rapide, nous sommes aujourdhui
dans une phase de démarrage, dans 2 ans léquilibre entre les
différentes offres sur le marché sera différent. Ce sont les solutions
qui offrent une moindre garantie ou une moindre qualité qui risquent
dêtre rejetées, et les utilisateurs accorderont plus d'importance
à la valeur des services qui leur sont réellement apportés.
Selon vous les retards de Libéralis sont simplement dus aux
retards de prise de conscience des médecins dans leurs vrais besoins
ou dans leurs besoins à venir ?
Dans 2 ans ce sont les produits
de type Libéralis qui lemporteront, les produits qui apporteront
de vrais services et pas un simple accès à Internet, cest
le mouvement du marché. Ces services devront être diversifiés pour
s'adapter à des besoins très divers.
C'est pourquoi nous avons créé
Oléane Santé qui a les mêmes solutions techniques que Libéralis
mais destiné à des établissements hospitaliers qui veulent se constituer
des réseaux Extranet ou Intranet. Elle permet lenvoi des feuilles
de soins, le chiffrement à 128 bits, lhébergement dun
site web Intranet, laccès à Internet avec des systèmes de
sécurité, les gestions dannuaires, la possibilité dy
adjoindre les applicatifs que le client souhaite développer
Contrairement à Libéralis qui est une solution packagée, Oléane
Santé est un système modulaire qui sadapte à des cas de figure
différents (gros hôpitaux, petites cliniques). Une centaine détablissements
nous ont déjà passé commande.
Dans un an comment voyez vous
le paysage ?
Dans un an, si le monde libéral
sest développé dans son coin et que le monde hospitalier est
à part, ce sera un échec. Il faut que ces solutions permettent de
faire travailler ensemble les libéraux avec de grandes structures
hospitalières, cest pourquoi nous avons créé Oléane santé.
Ce sera un paysage dans lequel
plus personne ne se demandera sil faut ou non sinformatiser,
ce sujet se sera banalisé. Il y aura une prise de conscience de
la variété des potentialités quoffre Internet.
Nous assisterons dune
part à un foisonnement de petits services quune multitude
de sociétés proposeront et dautre part à une certaine structuration
du marché, car seules de grands opérateurs pourront proposer une
gamme complète de solutions apportant toutes les garanties de qualité
et de sécurité. France Télécom apparaîtra à la première place, et
si nous ne détiendrons jamais 100% du marché, car lère des
monopoles est bien finie, nous visons une part approchant les 50%.
Jappelle aussi de mes
vux, et jy travaille, une définition de normes appliquée
pour tous les opérateurs pour permettre ce quon appelle linteropérabilité.
Prenez lexemple du téléphone mobile, il y a plusieurs opérateurs
en France, cela ne vous empêche pas dappeler un ami qui est
sur un autre réseau. Les opérateurs, bien que concurrents, travaillent
ensemble. Nous devons arriver à quelque chose de comparable dans
le monde de la santé. Il est essentiel que nimporte quel médecin
en France puisse échanger des info avec un autre médecin, un hôpital,
ses patients tout en étant sûr que les échanges se feront avec la
bonne sécurité. Nous avons commencé à travailler avec Cegetel pour définir des outils et des normes pour lensemble
du monde de la santé en France, que les autres réseaux seront libres
dadopter.
Et pour terminer notre traditionnelle question : Quels
sont vos sites favoris ?
Je vais vous en citer deux,
évidemment le premier cest Egora, cest normal daller
voir ce qu'on produit, mais je trouve aussi un intérêt à y aller
parce quil y a toujours des choses nouvelles il s'enrichit
régulièrement d'informations et de services nouveaux. Le deuxième
est un site "Santé" accessible sur lintranet de
France Télécom . Je le volontairement, même s'il n'est pas accessible
à vos lecteurs, car c'est un exemple de ce qu'on peut faire avec
l'outil Internet : c'est, au sein de France Télécom, une façon formidable
de partager l'information entre les centaines de personnes qui,
partout en France, travaillent pour nos clients du secteur de la
Santé.
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27
septembre 2000
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