Juin
2000
En
France, 5 millions dinternautes à domicile.
Quel impact pour le-santé grand public ?
Pierre
COSTA
26
juin 2000
La
barre des 5 millions dinternautes à domicile a été franchie
en avril 2000. Les sites médicaux grand public fleurissent sur le
Net et cette émergence contribue, chez les internautes, à lapparition
de nouveaux comportements en matière de santé.
Etat des lieux
Selon
létude mensuelle de NetValue, 5 380 200 Français
se sont connectés à Internet à partir de leur domicile, en avril
2000. Le pourcentage de foyers-internautes sélève actuellement
à 15,2 % contre 12,7 % pour le mois précédent. Lévolution
du nombre de foyers-internautes se caractérise ainsi par une forte
croissance. En six mois, linstitut Sofres a constaté une augmentation
de 65 % des foyers abonnés à Internet : 3,7 % des
foyers connectés en novembre 1998 contre 6,1 % - soit
près de 1,4 millions de foyers - en mai 1999.
Pourcentage
de foyers français
connectés à Internet
Source
: Sofres
Les
résultats de lObservatoire du Multimédia 1999 apportent des
précisions sur le profil des foyers internautes :
-
49 % des foyers internautes sont composés de 3 personnes et
plus.
-
29 % des foyers internautes se trouvent en agglomération parisienne
(pour information, 16 % (1) des ménages
Français se trouvent en agglomération parisienne).
-
62 % des chefs de famille de foyers internautes appartiennent
à la catégorie CSP+ (catégorie socioprofessionnelle supérieure) ;
28 % (1) des chefs de famille
des ménages français appartiennent à la catégorie des CSP+.
-
70 % des chefs de famille de foyers internautes ont entre 25
et 49 ans (47 % (1)
des chefs de famille des ménages français ont entre 25 et 49 ans).
Profils
respectifs des foyers français et des foyers français abonnés à
Internet
Foyers
français
|
Foyers
français d'internautes
|
16 % se trouvent
en agglomération parisienne.
|
29 % se trouvent
en agglomération parisienne.
|
28 % des chefs
de famille appartiennent à la catégorie CSP+.
|
62 % des chefs
de famille appartiennent à la catégorie CSP+.
|
47 % des chefs
de famille ont entre 25 et 49 ans.
|
70 % des chefs
de famille ont entre 25 et 49 ans.
|
Le
nombre total dinternautes français est en fait compris dans
une fourchette dont cinq millions nest que la valeur basse,
compte tenu des connexions professionnelles et de lusage qui
peut en être fait !
La
première vague de lObservatoire de lInternet en France
réalisée en avril et mai 2000 par linstitut Ipsos fournit
des données supplémentaires sur le profil et les habitudes des internautes
français. 14 % utilisent Internet pour des raisons personnelles,
dont 7 % " tous les jours ou presque "
et 7 % de " deux à trois fois par semaine ".
30 % sont des cadres, 35 % ont un revenu annuel supérieur
à 300 000 F. 28 % des utilisateurs assidus dInternet
résident dans lagglomération parisienne, contre 15 %
dans les agglomérations de plus de 100 000 habitants et 8 %
chez les ruraux.
Source
: Ipsos
La
France accuse toutefois un certain retard par rapport à la Grande-Bretagne
et à lAllemagne qui comptent respectivement 9,2 et 9,4 millions
de personnes connectées depuis leur domicile. Toutes utilisations
confondues, les Suédois seraient les champions européens de lInternet :
50 % des 12-79 ans utilisent lInternet, soit plus de
3,8 millions de personnes. La Scandinavie est dailleurs la
région du globe la plus férue de e-commerce.
Quelles perspectives pour le-santé
grand public en France ?
Le-santé
explose dans le monde. Aux Etats-Unis. La population dinternautes
recherchant de linformation dans le domaine de la santé va
continuer à croître deux fois plus rapidement que le nombre total
dinternautes, daprès une récente étude de la société
américaine Cyberdialogue intitulée " The future of e-health ".
Pour lheure, 11 millions dhommes et de femmes achètent
en ligne des médicaments et des produits dhygiène, de soin
et de beauté et 36,7 millions dindividus sont à la recherche
de contenus à caractère médical. A lhorizon 2005, ils devraient
être plus de 88 millions à se connecter pour obtenir des informations
médicales, acheter des médicaments et communiquer avec les assureurs.
Plusieurs
facteurs de croissance de la e-santé se distinguent : laccès
à lInternet des seniors (les plus de 65 ans), " grands
consommateurs doffre santé ", la place occupée par
les femmes et les jeunes ainsi que certaines interactions entre
la Toile, le milieu professionnel médical et celui de lassurance.
Ainsi, de plus en plus de compagnies dassurance renvoient
leurs clients vers des sites médicaux grand public et des pharmacies
en ligne.
En
France, les individus âgés de plus de 50 ans, même sils sont
globalement moins initiées aux nouvelles technologies que les autres
tranches dâge, détiennent les fréquences de connexion les
plus élevées : en avril 2000, 12,3 jours de connexion par internaute
et par mois contre 9,9 pour lensemble des internautes. Ils
passent par ailleurs de plus en plus de temps sur Internet :
ils avaient surfé en moyenne 10 jours en décembre 1999. Leur fréquence
de connexion a donc crû de près de 19 % en 4 mois. La connaissance
et lintérêt quont ces " nouvellement arrivés sur
le web " pour lInternet en général et pour lInternet
médical en particulier devraient progressivement saccroître.
Pour linstant, ils restent prudents, réservés. Dans une interview
quil a accordée lors de la parution des résultats de lenquête
" les Français, la santé et le net ", commandée
par le récent portail grand public Doctissimo,
le directeur de CSA Opinion, Stéphane Rozès, révèle à ce sujet que :
" (
)
(le) manque de connaissance [des personnes de plus de 65 ans] de
ces nouveaux outils est d'une importance vraisemblablement prépondérante,
ainsi qu'[ils] tendent à le reconnaître implicitement : près de
20 % d'entre elles, en effet, s'abstiennent de répondre lorsqu'on
leur demande d'évaluer les apports potentiels de l'Internet santé. "
Le
développement de lusage dInternet quauront, dans
un futur proche, les hommes et femmes de cette tranche dâge
est prévisible : il est facteur des innovations des sites en
terme dergonomie et de services. La démocratisation du web
a un impact tout particulier sur la rapidité dacculturation
de ces nouveaux arrivants.
La
même enquête met en évidence le rôle que sont amenés à jouer les
femmes et les jeunes dans ce domaine ;
Les
premières compte tenu de lintérêt quelles portent aux
informations relatives à la santé, la forme et la beauté, aussi
bien pour elles-mêmes que pour leur compagnon et leurs enfants.
Dans le monde, près de deux acheteurs en ligne sur trois sont des
acheteuses, selon une étude de PeopleSupport. 50 % des utilisateurs
d'Internet sont des femmes, ainsi que 63 % des internautes
qui fréquentent les sites de e-commerce au moins une fois par semaine.
Les analystes de PeopleSupport précisent que ces résultats ne sont
pas surprenants puisque les femmes sont en général responsables
de 80 % des dépenses du foyer. Lémergence de ces prescriptrices
à léchelle familiale est un sérieux atout pour le e-commerce.
En France, les statistiques de fréquentation de Doctissimo
(5 000 000 pages vues par jour) attestent dune majorité
de visiteurs féminins, de lordre de 60 % ;
Les
seconds en tant quaccros aux nouvelles technologies pour lesquels
lutilisation de ce nouveau média est naturelle. De plus, le
web peut leur apporter des informations essentielles sur des thèmes
cruciaux comme la sexualité, les pratiques à risque (tabac, alcool,
stupéfiants etc.) et le sport.
Vers une nouvelle donne
Premier
avis avant consultation, double avis médical ou simple recherche
dinformation sur une pathologie, les raisons de se connecter
à un site médical grand public ne manquent pas. En rendant linformation
médicale plus accessible et plus compréhensible, en facilitant léchange
dinformations patient-médecin et en créant des réseaux déchange
dinformations patient-patient, par le biais de forums notamment,
le-santé contribue à modifier les rapports des patients à
leur capital santé. Globalement, il apparaît que les Français souhaitent
davantage sinvestir dans le domaine de la santé. Le web favorise
justement les comportements déducation, il permet la compréhension
des pathologies et des traitements, le suivi de la médication et
lobservance. Loin dêtre culpabilisatrices, les informations
médicales recueillies en ligne lèvent des tabous et limitent les
non-dits, alors quil existe classiquement une aversion aux
risques. Par ailleurs, la possibilité de rester anonyme repousse
certaines frontières de la communication .
Les
médecins américains ont su sadapter à la transformation de
la demande. Loin de se sentir dépossédés du privilège dêtre
les seuls gardiens dun savoir essentiel, ils ont su jouer
la carte de linteractivité. Ainsi, selon un sondage réalisé
par Healtheon et publié en mai 1999, 85 % des médecins américains
sont connectés à Internet et lutilisent régulièrement et 33 %
font usage de la messagerie électronique pour communiquer avec leurs
patients.
En
France, lémergence des sites médicaux grand public pourrait
contribuer à accélérer cette mutation des rapports patient-médecin.
Les changements de mentalité bilatéraux pourraient ainsi passer
par la fédération de groupes de consommateurs de santé au sein de
communautés.
Cette
transformation devrait dépasser largement le cadre des relations
patient-médecin. Dans un rapport au Premier ministre sur " les
enjeux de la société de l'information dans le domaine de la santé ",
le Pr Régis Beuscart, membre du Comité national d'orientation et
de pilotage de la télémédecine, écrit :
" L'arrivée
des NTIC (nouvelles technologies de l'information et de la communication)
et d'un nouveau partenaire, le patient, s'invitant sans vergogne,
par ces moyens, à une table jusque là réservée aux spécialistes,
est un facteur de rupture majeur pour les dix années à venir,
facteur qui remodèlera en profondeur notre système santé. " |
(1)
Référence INSEE Enquête Emploi 1997
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