Professeur
Louis Lareng
Directeur
de l’Institut Européen de Télémédecine
|
|
« Nous
sommes à une nouvelle croisée des chemins en télémédecine ».
|
|
|
15 mars 2001
suite (2/3)
Votre région (Midi-Pyrénées) se caractérise par un grand nombre
de projets. Pouvez-vous nous en parler ?
Pour
une cartographie des projets et applications de télémédecine, voir
www.sante.gouv.fr
Nous
mettons en tension le plus de ressources possible en Midi-Pyrénées,
mais c’est expérimental et ce n’est pas aisé.
La télémédecine
mise sur la complémentarité des compétences. En matière de recherche,
par exemple, une fois par mois, le CHU de Toulouse se met en relation
avec Strasbourg, Lille et le Canada, pour traiter des dossiers de
très haut niveau. On peut considérer que chaque séance marque un
progrès de la recherche clinique. La télémédecine est précieuse
pour faire progresser la médecine en tant que connaissance.
Dans
la région, de petits hôpitaux bénéficient de l’expertise du CHU.
Ils compensent des déficiences en médecins et en matériel. Des déplacements
sont évités. Pour aller de Rodez à Toulouse, il faut 2 heures 30
de route. Pour les coronarographies, maintenant, les patients n’ont
plus besoins de se déplacer à Toulouse. L’examen se fait à distance.
20% d’économies ont été générées. Quand les patients doivent quitter
Rodez, la décision est prise de façon collégiale, par deux ou trois
personnes, ce qui fait gagner en crédibilité. Si on stoppait du
jour au lendemain les activités de télémédecine, on se rendrait
compte de leur utilité. Cet exemple montre aussi que la télémédecine
répond à un besoin social d’aménagement du territoire. Dans le Réseau
de Télémédecine Régional Midi-Pyrénées, institutionnalisé sous la
forme d’un Groupement de Coopération Sanitaire réunissant l’ensemble
du Secteur Public et du Secteur Privé, les consultations entre Professionnels
de Santé ne font pas systématiquement référence au CHU.
J’ai
assisté il y a peu à une séance de téléexpertise ou un médecin spécialiste
donnait des conseils au médecin traitant d’un patient atteint d’une
dermatose. Le spécialiste confirmait le bien fondé du traitement
(dermatose traitée avec du savon Marseille), ce qui en l’occurrence
confortait le médecin traitant. Surtout, toute la famille était
présente chez le médecin traitant. La télémédecine allie donc la
qualité des soins et le respect de l’environnement du malade.
Que faut-il pour que la télémédecine se développe et se pérennise ?
Plusieurs
conditions sont nécessaires. Elles
sont organisationnelles, la télémédecine ne s’accommode pas des
processus de production tels qu’ils existent. Cet aspect est fondamental.
Si la pratique de la Télémédecine relève d’un contrôle exclusivement
médical, la Vie du Réseau dépend d’une gestion organisée et paritaire
médecins/administratifs.
Il y a
ensuite un pôle technique. A ce niveau, la pratique commerciale
peut faire que l’interopérabilité n’existe pas, alors qu’elle est
en réalité possible sur le plan théorique et technologique.
La variable
financière est fondamentale. D’abord au niveau du fonctionnement,
de l’allocation de ressources : en effet, tous les matériels
mis en place dans le monde le sont à titre expérimental, grâce à
des investissement de recherche, des contrat avec l’Etat, les régions…
il faudrait trouver des modèles de financement plus pérennes. Au
niveau du paiement des professionnels aussi, afin de reconnaître
leur production, non par des paiements à l’acte, mais plutôt par
des paiements forfaitaires. De ce que j’ai vu, seuls les Etats-Unis
et les pays du Nord de l’Europe ont mis en place des modes de rémunération,
c’est-à-dire des pays de grandes étendues qui ont un besoin fort
en télémédecine. Dans certains pays du Nord de l’Europe, les experts
sont payés en heures complémentaires, ils n’exercent pas la télémédecine
en urgence.
Pour
organiser tout cela, la loi est importante. Elle est souvent en
retard, comme le montre l’exemple de la responsabilité en télémédecine :
puisque la télémédecine fait changer le comportement du médecin
qui reçoit un conseil, pourquoi devrait-il assumer toute la responsabilité de
ces actes ?
Dans
certains cas, devant le retard de la loi, l’éthique peut jouer un
rôle important. La loi aura à définir de nouveaux outils de gestion
qu’exigera la société de l’information tant pour permettre à la
médecine de s’adapter à de nouveaux champs d’application, que pour
maintenir à la télémédecine sa dimension humaniste que ne favorise
ni une centralisation excessive ni une spécialisation sectorielle.
Comment convaincre la Sécurité sociale de payer les actes de télémédecine ?
La
Sécurité sociale essaie de travailler à coût constant : les
économies réalisées par la télémédecine doivent financer la télémédecine.
Mais on ne peut raisonner de cette façon absolue. Certes, la télémédecine
améliore souvent le rapport avantage/coût. Cependant, si le poids
de l’hôpital diminue, on aura besoin de médecins et d’infirmières
pour aller à domicile, cela coûtera. Il faut intégrer dans le calcul
la qualité de vie, qui est améliorée grâce à la télémédecine.
Suite
et fin (3/3)
15 mars 2001
|