HEGP
: hôpital sur mesure ou hôpital démesuré
?
Julie
Chastres
3
avril 2001
L'amélioration
de la prise en charge hospitalière des patients et notamment
leur suivi global est apparu comme étant un argument de taille
pour la construction de l'ultra moderne Hôpital Européen
Georges Pompidou. Mais ce n'était évidemment pas le
seul. L'hôpital a été construit dans un bassin
de population de 570 000 habitants, il va donc pouvoir répondre
à une demande de soins grandissante.
L'hôpital est également né d'une réorganisation
hospitalière nécessaire rassemblant les transferts
de compétences des professionnels venant des hôpitaux
Boucicaut, Laennec et Broussais souffrant de vétusté.
Depuis son ouverture en juin 2000, l'hôpital a connu des difficultés
de taille qui ont défrayé la chronique, le dernier
en date étant l'épidémie de légionellose.
Aujourd'hui, alors que la plupart des problèmes sont réglés
et que les urgences vont pouvoir rouvrir, l'hôpital n'a toujours
pas atteint sa vitesse de croisière. Gagnera-t-il le défi
qui lui est lancé pour constituer LE pôle européen
de référence hospitalière?
Une
avalanche de chiffres
L'AP-HP
a évalué que le regroupement des activités
au sein du nouvel hôpital, ainsi que la diminution du nombre
de lits redondants, devraient lui permettre d'économiser
130 milliard de francs par an. Mais les patients n'auront pas à
subir ces économies, l'APHP ayant engagé d'importants
investissements pour proposer ce qu'il y a de mieux. L'hôpital
Pompidou c'est déjà un vertige des chiffres : la surface
de l'hôpital est de 120 000 m², on y compte 827 lits
et places dont 758 lits d'hospitalisation et 69 d'ambulatoire. 90%
des chambres sont individuelles et toutes disposent d'un grand confort
(toilettes et douches individuelles, accès informatique
).
On dénombre trois pôles cliniques :
- les urgences-réseau
avec 272 lits
- le cardio-vasculaire
avec 266 lits
- la cancérologie-spécialités
avec 282 lits.
Trois
pôles médico-techniques ont été créés
:
- la biologie/pharmacie/sang
- l'imagerie
- l'anesthésie
réanimation.
Enfin,
un pôle transversal appelé "entreprise de service"
regroupe toutes les fonctions logistiques de l'hôpital au
niveau de l'accueil, l'hôtellerie, la maintenance et l'approvisionnement.
L'hôpital
présente un plateau technique des plus performants : 24 salles
d'opération, 1 IRM, 2 scanners, 12 salles d'imagerie, 8 salles
d'endoscopies digestives et pulmonaire
et 3000 salariés
dont 700 médecins pour contribuer au parfait fonctionnement
de l'établissement.
Le
parc informatique de l'hôpital représente également
un investissement très important (plus de 100 millions de
francs). 2000 ordinateurs sont utilisés pour la gestion administrative
et médicale des patients. Et une quarantaine d'applications
sont utilisées pour le fonctionnement du dossier médical
partagé (voir l'interview du Professeur Patrice Degoulet).
D'autre part chaque patient peut disposer d'un accès informatique
hiérarchisé allant de la messagerie électronique
aux bases de données sous Oracle.
Au
delà des aspects techniques, l'hôpital souhaite se
doter d'un véritable système de suivi des patients
avec la création de réseaux ville-hôpital (dans
le domaine de la cardiologie, chirurgie cardio-vasculaire, urgences,
cancérologie) mais désire aussi développer
des alternatives à l'hospitalisation en favorisant le retour
à domicile.
Des
problèmes d'adaptation
Outre
une construction excessivement longue (plus de 4 ans dont 1 an et
demi de retard) et un budget colossal (1,8 milliard de francs dont
166 millions de dépassement) l'hôpital a connu des
tourments non négligeables de plusieurs ordres.
Depuis son ouverture aux premiers patients les petites catastrophes
techniques se sont accumulées dans l'établissement.
Une partie de l'architecture de l'établissement est apparue
inadaptée entraînant même la démolition
de plafonds pour installer l'appareillage nécessaire ! Des
tuyaux d'évacuations non branchés ont causé
des inondations dans l'hôpital. Heureusement, les problèmes
d'eau potable, les pannes d'électricité ou encore
de matériel non stériles ont été réglés
assez rapidement.
Le système informatique connaît aussi des perturbations.
En effet, l'informatisation très complexe de l'hôpital
aurait dû nécessiter des délais de mise en uvre
plus longs, alors que l'opération s'est déroulée
en seulement 5 mois. Il faut y ajouter la mauvaise maîtrise
du dossier médical partagé, unique en France. Ajoutons
enfin, que certains soignants doivent utiliser pour la première
fois des outils qu'ils connaissent mal.
La gestion des ressources humaines a également suscité
de vives tensions dans l'établissement. Malgré l'accompagnement
personnalisé des agents, le transfert des trois populations
hospitalières vers l'hôpital Georges Pompidou ne s'est
pas fait sans difficulté. Aujourd'hui encore l'ensemble des
syndicats réclament 2700 emplois contre les 2400 attribués
et un mouvement social s'est déclaré le 22 décembre
2000, le jour meême de l'inauguration de l'établissement
par le président de la république.
Des
patients victimes de négligences
Rafistolage
technique, conflit social et pour couronner le tout, problèmes
de sécurité des patients en décembre dernier
lorsque une épidémie de légionellose s'est
déclarée au sein de l'établissement en décembre
dernier, entraînant la fermeture des urgences. La bactérie
responsable était véhiculée par le réseau
d'eau chaude de l'hôpital à la température insuffisamment
élevée.
Depuis la détection de cette bactérie, quatre patients
sont décédés dans l'établissement. Une
mission d'enquête a donc été ouverte, elle devra
déterminer les responsables sachant que la répartition
des rôles dans la maîtrise d'uvre de l'établissement
est très complexe, les acteurs se rejetant tous la responsabilité.
Si
tous les espoirs d'excellence et de perfection ont été
placés sur le nouvel hôpital, les événements
qui se sont déroulés révèlent à
tout le moins des lacunes dans la mise en uvre.
L'établissement ne semble cependant pas garder de séquelles
de ses mésaventures. Il accueille aujourd'hui environ 500
patients contre 250 au mois de janvier pour une capacité
de 827 lits. La priorité de l'hôpital est maintenant
de se recentrer sur ses prestations hospitalières en répondant
aux objectifs qu'il s'est fixé. L'utilisation des innovations
robotiques et informatiques n'étant que les outils pour y
arriver.
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