De
la dépression au sevrage tabagique : le Zyban
Les fumeurs
- Tableau de Bruno
Schiepan
Catherine
Dupilet
19
novembre 2001
La
lutte contre le tabagisme a pris une nouvelle envergure avec la
nouvelle campagne du Comité Français d'Education
pour la Santé (CFES).
Abandonnant un discours trop moralisateur, il a choisi d'utiliser
un langage plus direct pour interpeller les jeunes. Des spots
radios parodiant un jeu intitulé "vous l'avez dans
l'os" et 500 000 "flyers" distribués
à la sortie des lycées et des salles de concert
reprennent les arguments du site jesuismanipule.com.
Les adolescents sont effectivement une cible de choix pour les
fabricants de cigarettes. Un tiers des 15-19 ans fument, proportion
qui atteint 50 % des 19 ans avec une consommation moyenne
de 7,7 cigarettes par jour. Il est pourtant aujourd'hui admis
et connu que la fumée de tabac contient des substances
toxiques et cancérigènes entraînant une perte
d'espérance de vie de 8 ans pour les 16 millions de Français
qui s'adonnent à leur vice. Mais la consommation annuelle
mondiale continue à progresser de 0,5 à 1 %
chaque année portée par les nouveaux marchés
que représentent les pays en voie de développement.
Pour ceux qui n'ont pas su résister à l'attrait
de la première cigarette, la panoplie des aides au sevrage
tabagique vient de s'enrichir d'une nouvelle arme : le bupropion,
commercialisé depuis le 17 septembre dernier par le laboratoire
britannique GlaxoSmithKline
sous le nom de Zyban.
Une
nouvelle aide au sevrage tabagique, sans nicotine
Non
remboursé par l'assurance maladie, comme l'ensemble de
l'arsenal anti-tabac, il peut désormais être prescrit
par les médecins chez les patients âgés de
plus de 18 ans. Le traitement s'étend sur une durée
de 7 à 9 semaines, avec la prise d'un seul comprimé
par jour pendant les 6 premiers jours puis deux fois par jour
à partir du 7ème jour. L'arrêt du tabac s'effectue
au cours de la deuxième semaine.
La
particularité de ce nouveau médicament est qu'il
ne suppose pas l'arrêt total du tabac dès le début
du traitement, en effet le Zyban ne contient pas de nicotine.
Le mécanisme est donc différent des autres produits
d'aide au sevrage tabagique. Alors que les timbres transdermiques
et les gommes à mâcher fournissent au fumeur sa dose
de nicotine quotidienne, lui permettant de s'abstenir de toucher
à la moindre cigarette, le Zyban provoque un dégoût
de la cigarette à partir de la deuxième semaine.
Ainsi, le fumeur ressent toujours l'envie d'allumer une cigarette,
mais la première bouffée l'écure.
Quand
les dépressifs deviennent des ex-fumeurs
La
France se joint ainsi aux 20 pays, qui ont accordé au Zyban
une Autorisation de Mise sur le Marché dans cette indication.
En effet, à l'origine ce médicament est un antidépresseur,
dont la molécule contrecarre les mécanismes de la
dépendance à la nicotine. Le bupropion est prescrit
depuis 1989 aux Etats-Unis sous le nom de Wellburin, dans le traitement
de la dépression, l'observation des patients traités
a montré qu'un nombre significatif de ces derniers éprouvait
un dégoût du tabac et s'arrêtait de fumer.
GlaxoSmithKline a alors mené des études spécifiques
sur des populations non dépressives. Ces études
ont confirmé l'intérêt du bupropion (la molécule
du Zyban) dans l'aide au sevrage tabagique.
Un
médicament encore sous-surveillance, promis à un
bel avenir
La
mise sur le marché du médicament va s'accompagner
d'un programme de surveillance et d'évaluation du bon usage
du médicament destiné à contrôler l'ensemble
des effets secondaires de ce médicament. Comme tout médicament,
le Zyban comporte des effets secondaires, le plus marquant étant
le déclenchement de crises convulsives, il est donc contre-indiqué
en cas d'antécédent d'épilepsie. Ce risque
reste cependant faible (0,1 %).Les effets secondaires les
plus courants sont céphalée (32,7 %), insomnie
(34,6 %), sécheresse de la bouche (12,8 %), rhinite
(10,3 %) et anxiété (5,1 %).
Les
ventes mondiales de Zyban ont progressé de 54 % en
2000 rapportant 115 millions de Livres à GlaxoSmithKline
(près de 1,2 milliards de francs) auxquels il faut ajouter
452 millions de Livres (près de 4,9 milliards de francs)
pour le Wellburin. Plus de la moitié de ses ventes sont
réalisées en Amérique du Nord et un tiers
en Europe. Au Canada, le Zyban a capté 78 % du marché
du sevrage tabagique quelques mois après son lancement.
La France suivra-t-elle cet exemple ?