Prozac : Fin d’un monopole
20 septembre
2001
2001
restera à n’en pas douter dans les annales d’Eli Lilly au moins
pour deux raisons. La première c’est que le laboratoire américain,
fondé par un colonel à Indianapolis en 1876, souffle ses 125 bougies
cette année. La seconde fait moins sourire chez Eli Lilly puisque
le 2 août 2001, son médicament vedette, le Prozac, est tombé dans
le domaine public.
Après
une bataille juridique de près de 5 ans, la Cour d’appel de Washington
a finalement décider en août de rejeter la demande de prolongation
jusqu’en 2003 du brevet de l’anti-dépresseur le plus vendu au monde.
Le laboratoire
Barr qui était à l’origine de la procédure judiciaire initiée
par Eli Lilly s’est empressé d’annoncer la commercialisation d’une
version générique du Prozac dans sa version 20 mg, la plus populaire (celle-ci
représenterait 2,2 des 2,7 milliards de dollars de ventes annuelles
du Prozac, dont 85 % se font aux Etats-Unis). Quatre autres
laboratoires ont également reçu le feu vert (lire
notre brève).
Une
course contre la montre
"C’est
un grand jour" claironnait Bruce L. Downey, le PDG des Laboratoires
Barr, dans un communiqué de presse. Depuis février l’usine de Barr
à Forest, en Virginie, tournait dix heures par jour, six jours par
semaine pour fabriquer les 150 millions de gélules de fluoxetine.
L’événement était attendu depuis de longs mois, le brevet avait
en fait expiré le 2 février mais la FDA avait étendu pour six mois
supplémentaires en raison des recherches de Lilly sur une forme
pédiatrique du Prozac. Trois après que le jugement ait été rendu,
les premières gélules étaient disponibles dans les officines. Barr
s‘est engagé dans une course contre la montre puisqu’il dispose
de 6 mois d’exclusivité d’exploitation du générique avant que d’autres
puissent à leur tour s’attaquer au marché.
L’enjeu
industriel est de taille : le blockbuster représente un quart
du chiffre d’affaire d’Eli Lilly. Depuis sa mise sur le marché en
1986, près de 40 millions de personnes dans le monde ont été
traitées par ce médicament. Les analystes estiment que le laboratoire
Barr pourrait augmenter son chiffre d’affaires de 270 millions
de dollars dans les 12 prochains mois grâce à sa version du
Prozac. Bruce Downey qui s’était donné pour objectif de capter 80 %
du marché du Prozac au cours des 6 premiers mois en proposant
des prix inférieurs de 30 % pour 2,5 dollars le cachet de 20
mg, semble être en passe de réussir le "hold up du siècle".
Fin août Merck-Medco, l’un des trois grands PBM (Pharmacy
Benefit Manager) chargés de négocier les prix des médicaments auprès
des laboratoires pour le compte des organismes d’assurance, a annoncé
que 80 % de ses asssurés prenant du Prozac avaient basculé
sur sa version générique. Il estime que les économies ainsi réalisées
se monteront à environ 40 millions de dollars dans le six prochains
mois.
Début
septembre le cours de l’action du génériqueur américain avait progressé
de 50 % depuis le 1er mai (Suivre
le cours de l’action Barr Laboratories). Les analystes
américains font remarquer que c’est le gain le plus important jamais
atteint par un génériqueur. Le porte-parole d’Eli Lilly s’est quant
à lui refusé à faire tout commentaire, concédant toutefois à la
presse américaine qu’ "il y a eu jusqu’à présent une érosion
substantielle de notre part de marché".
C’est
dire si l’événement était attendu, car Barr de son côté n’a pas
l’intention de faire d’efforts de promotion particuliers, jugeant
que ses interlocuteurs sont avant tout des grossistes-répartiteurs
et des pharmacies qui ont déjà anticipé l’arrivée de versions meilleur
marché. "Nos clients sont des sociétés comme CVS,
Walgreen's
et 6 à 10 chaînes de pharmacies importantes, ainsi que trois ou
quatre grossistes qui fournissent les hôpitaux et les pharmacies
indépendantes. Nos 20 meilleurs clients représentent 90 % de
nos ventes" a déclaré Bruce Downey à l’agence de presse Reuters.
|