L'industrie pharmaceutique européenne
est-elle toujours compétitive ?
Corinne
RADAL
3 avril
2001
Depuis
son émergence au XIXième siècle, l'industrie
pharmaceutique est une industrie forte en Europe. C'est un secteur
d'activité dynamique, qui réalise d'importants bénéfices
dont les valeurs côtées en Bourse sont considérées
comme sûres en dépit des différentes politiques
de maîtrise de dépenses de santé. Cependant,
malgré cette santé florissante, le sentiment selon
lequel l'industrie pharmaceutique européenne
serait en perte de vitesse par rapport à son homologue
américaine enfle.
D'où
vient cette impression ? Est-elle fondée ? Si oui, comment
redresser la barre ? Telles sont les questions qui ont amené
la DG Entreprise de la Commission Européenne à se
pencher sur le sujet.
Trois économistes italiens ont publié un rapport en
novembre dernier à sa demande.
Les
faits
Un
marché européen moins compétitif
et surtout moins innovant
Les
remèdes ?
Tout
n'est pas perdu
Les faits
Jusqu'à
la fin des années 1980, la croissance de l'industrie pharmaceutique
européenne était traditionnellement supérieure
à celle de son homologue américaine (9,1% contre 7,2%
pour la période 1986-91). Ce phénomène s'est
inversé au cours de la dernière décennie (5,8%
contre 8,4% sur la période 1992-97), suite notamment à
l'explosion du marché américain qui a pratiquement
doublé en 10 ans.
Cependant,
même si cette croissance spectaculaire du marché américain
a essentiellement profité aux firmes américaines (les
multinationales conservent toujours une forte part de leur activité
sur leur marché domestique), elle n'explique pas entièrement
l'apparition de ce décalage entre industries européenne
et américaine.
Une
analyse menée à partir de données Eurostat
montre des différences dans les origines de la croissance
de ces deux industries (voir
la modélisation). La croissance américaine repose
beaucoup sur les investissements en capital et en R&D, tandis
que la croissance européenne apparaît plus erratique
(grande importance du résidu).
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1992-1997
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|
Croissance
|
Travail
|
Autres
inputs (R&D, capital
)
|
Résidu*
|
Europe
(15) |
5,81%
|
0,14%
|
1,32%
|
4,35%
|
Etats-Unis |
8,44%
|
0,40%
|
4,84%
|
3,20%
|
Japon |
4,71%
|
-0,08%
|
2,65%
|
2,15%
|
|
1986-1991
|
|
Croissance
|
Travail
|
Autres
inputs (R&D, capital
)
|
Résidu*
|
Europe
(15) |
9,14%
|
0,62%
|
1,39%
|
7,13%
|
Etats-Unis |
7,18%
|
0,31%
|
4,43%
|
2,43%
|
Japon |
6,82%
|
0,04%
|
4,40%
|
2,39%
|
* Le résidu
constitue la part de la croissance non expliquée par le travail
et les autres inputs
La
composition des portefeuilles de produits reflète également
l'état de détérioration de la compétitivité
européenne. Les portefeuille des sociétés européennes
sont globalement plus vieux que ceux des sociétés
américaines et comportent moins de médicaments réellement
innovants. Ainsi, 24 des 50 nouvelles entités chimiques (NCE)
ayant enregistré les meilleures ventes sur la période
1995-1999 sont produites par des groupes américains, contre
seulement 16 par des groupes européens.
De
plus, cet écart au niveau de l'innovation se creuse quand
on s'intéresse aux ventes des NCE produites. Il apparaît
que l'industrie pharmaceutique européenne vend moins bien
ses NCE que son homologue américaine. Différences
d'approche dans les techniques marketing ? (Lire à l'heure
où le marketing prend une importance croissante dans l'industrie)
Différences de demande de la part du marché ? Toujours
est-il que depuis 1995, la part de marché de l'industrie
pharmaceutique américaine dans la commercialisation de nouveaux
produits a atteint près de 70% (données IMS).
Au
vu de ces données, l'industrie européenne semble aujourd'hui
effectivement moins compétitive que son homologue américaine.
Le rapport remis à la Commission Européenne avance
quelques explications à ce phénomène.
Un
marché européen moins compétitif
En
Europe, le marché du médicament est dans son ensemble
moins compétitif qu'aux Etats-Unis. L'existence de modes
de régulations (administration des prix, barèmes de
remboursement, fixations de marges
) ont pour effet d'empêcher
la libre application des lois du marché.
L'expression
de ce manque de compétition est par exemple flagrant lorsque
des brevets tombent dans le domaine public. Les répercussions
sur les marchés sont alors sensibles. Aux Etats-Unis, comme
dans les pays où les mécanismes du marché s'appliquent
librement ou presque, l'expiration de brevets génère
une forte compétition et une réévaluation des
parts de marché des différentes sociétés.
En revanche, dans des pays comme la France ou l'Italie où
les prix sont fixés, le marché reste relativement
stable même après l'expiration de brevets.
L'existence
de régulations permet également à de petits
laboratoires non compétitifs de subsister (par exemple des
sociétés faisant très peu de R&D et se
concentrant sur la commercialisation de produits existants), ce
qui nuit à la compétitivité internationale
de l'industrie pharmaceutique européenne dans son ensemble.
et surtout moins innovant
Au
cours de la dernière décennie les Etats-Unis ont affirmé
leur position dominante de pôle mondial de croissance et d'innovation
dans le secteur pharmaceutique. C'est là, selon les auteurs
du rapport, la raison principale de leur avantage compétitif
sur l'industrie européenne.
Les
Etats-Unis ont en effet su surfer sur la vague des biotechnologies
et profiter de leur avènement pour développer des
nouveaux outils de recherche de pointe. Les firmes pharmaceutiques
américaines se sont réorganisées pour faire
face à ce changement, en développant notamment des
collaborations avec les sociétés de biotechnologies
et les organismes de recherche publics. Cette réorganisation
a été facilitée par le fait qu'aux Etats-Unis
des liens étroits existent entre recherche, enseignement
et applications industrielles, ce qui n'est pas le cas en Europe.
En
Europe, la réaction à la révolution des biotechnologies
est venue plus tardivement. Ce retard au démarrage a permis
aux Etats-Unis de creuser l'écart en bénéficiant
de la prime au premier entrant sur le marché. Ainsi, de nombreuses
firmes européennes ont passé des accords avec des
centres de recherche et de biotechnologie américains plutôt
qu'européens, ce qui n'est pas pour favoriser le rattrapage
de l'Europe dans ce domaine. Cela n'empêche pas les firmes
européennes d'être florissantes, mais en se reposant
sur des compétences américaines pour certaines activités
de premier plan. A l'inverse, le nombre de groupes américains
collaborant avec des sociétés de recherche étrangères
est très faible.
Suite
et fin (2/2)
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Etude
cas
Le
pionnier des e-Pharmacies
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Définition |
Industrie pharmaceutique européenne
: ensemble des laboratoires dont le siège social se
situe en Europe.
Industrie pharmaceutique américaine
: ensemble des laboratoires dont le siège social se
situe aux Etats-Unis.
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