L'informatique
et les réseaux vont-ils modifier la prescription ?
Christine
BOUCHET, Laurent
ALEXANDRE,
Cédric TOURNAY
15 février
2000
suite et fin (3/3)
Une amélioration
du recueil de données
L'informatisation croissante
du monde de la santé augmente les possibilités d'analyses de données,
qui sont utilisées à des fins d'évaluation de la qualité des soins,
mais également pour le pilotage médico-économique par les pouvoirs
publics. La contrainte sur les prescripteurs est donc de plus en
plus forte, et ils ne peuvent plus négliger l'impact économique
de leur pratique.
Aux Etats-Unis, le
recueil de données à des fins économiques ou dans un objectif d'évaluation
est habituel. La pratique du "managed care" a encouragé
la collecte d'informations médico-économiques, et des systèmes
parfois surdimensionnés de datamanagement ont été créés.
Au Royaume Uni, plus
de 95% des médecins généralistes sont informatisés. Le NHS a mis
en place le système PACT (Prescribing Analysis and Cost) destiné
à limiter les coûts de prescription et notamment à favoriser la
prescription de génériques. Il repose sur un recueil exhaustif de
toutes les ordonnances rédigées par les médecins généralistes. Ceux-ci
reçoivent en retour des informations sur leur profil de prescription
et des comparaisons régionales ou nationales. Le ePACT est une version
électronique qui permet aux praticiens d'avoir accès à des informations
mensuelles sur leur prescription. La mise en place du PACT a permis
de faire passer le taux de prescriptions génériques de 23% en 1984
à 52% en 1994.
Toujours au Royaume
Uni, le NHS a testé un outil d'aide à la décision concernant notamment
la prescription et comportant des fonctionnalités d'optimisation
des coûts (PRODIGY project, pour "Prescribing RatiOnally with
Decision Support in General Practice Study"). Les premiers
résultats de l'évaluation ont montré que le coût de prescription
des médecins impliqués diminuait de 1,1% en un an, et leur prescription
de génériques augmentait.
Ces pays disposent
d'un grand nombre d'information sur l'activité de soins et la prescription.
La France est très en retard dans ce domaine. Les outils de pilotage
médico-économiques de la prescription sont pour l'instant très limités
en médecine libérale, et les seules données disponibles sont issues
de panels ou d'études spécifiques. Cependant les pouvoirs publics
mettent aujourd'hui l'accent sur l'évaluation de la qualité des
soins, qui implique un recueil de données important. L'émergence
du RSS et des réseaux associés, des concentrateurs, la mise en place
des réseaux de soins, sont autant d'éléments qui faciliteront ou
nécessiteront un recueil de données.
L'impact potentiel
des outils d'aide à la prescription ne sera pas négligé en France.
La convention entre le SNIP et le Comité Economique du médicament,
signée en juillet 99, définissait quelques points clés, jugés indispensables
:
-
Ils devraient intégrer
une base médicamenteuse agréée, c'est à dire fiable, complète
et présentant l'information de façon non biaisée
-
Ils devraient signaler
les RMO de façon automatique lors de la prescription de produits
concernés
-
Ils devraient proposer
automatiquement des génériques lors de la rédaction de l'ordonnance.
Ces recommandations
avaient pour objectif de favoriser une présentation "neutre"
de l'information sur le médicament, et de rappeler aux médecins
les impacts économiques de la prescription. Pour l'instant, les
éditeurs de logiciels n'ont pas pris en compte ces notions
sans doute trop occupés à suivre le rythme des modifications du
cahier des charges Sésame Vitale. Enfin l'AFSSAPS n'en a pour l'instant
pas fait une priorité. Elles sont cependant présentes dans les esprits
et finiront probablement par être appliquées.
Des intérêts
divergents ?
De nombreuses contraintes
viennent donc s'exercer sur la prescription, et les outils d'aide
à la prescription sont au cur d'un débat qui dépasse largement
les aspects purement techniques.
Les laboratoires pharmaceutiques,
conscients de l'utilisation accrue de ces outils par les médecins,
craignent des "manipulations" destinées à favoriser certains
produits par rapport à d'autres. Les patients, mieux informés, ont
maintenant des exigences légitimes de qualité et veulent des praticiens
bien formés et performants, et des prescriptions sécurisées. Les
pouvoirs publics désirent maîtriser l'accroissement des dépenses
de santé. Les médecins enfin, sont soucieux des intérêts de leurs
patients et sont prêts à prendre en compte l'aspect économique de
la prescription. Ils tiennent toutefois à garder leur libre arbitre,
et ne veulent pas devenir des exécutants au service d'une logique
purement comptable.
La technologie qui
évolue rapidement autorise maintenant le partage d'informations
sécurisées entre médecins mais également entre patients et soignants,
le recueil et l'analyse de grandes quantités de données, et la mise
à jour quasiment en temps réel des informations sur le médicament.
Les outils d'aide à
la prescription doivent évoluer pour connaître une nécessaire maturation.
Cette évolution doit toutefois se faire de façon maîtrisée et concilier
les intérêts des offreurs de soins et des patients, pour parvenir
à une prescription raisonnée et raisonnable.
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15
février 2000
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