Quel
avenir pour les pharmacies électroniques en France et en Europe
?
Christine
BOUCHET
9 décembre
1999
Suite et fin (2/2)
Une évolution
inéluctable
Le commerce électronique
augmente de façon exponentielle. Le secteur pharmaceutique ne sera
probablement pas épargné.
Les obstacles
d'ordre juridiques sont en voie de disparition
Le projet de loi portant adaptation de la preuve aux technologies
de linformation et relatif à la signature électronique (01
septembre 99) permet le développement du commerce électronique et
des transactions sécurisées, en modifiant certains articles du Code
Civil. L'écrit électronique sera admissible comme mode de preuve,
au même titre que l'écrit sur support papier. Un document envoyé
sur le Web pourra donc être accompagné d'un "certificat d'identité",
authentifiant le patient, le médecin ou le pharmacien. Le transfert
de l'ordonnance pourra donc se faire sur le Web, et la prescription
personnalisée sera possible.
Le dispositif réglementaire en matière de cryptologie permet de
sécuriser les messages. Dès lors, il nexiste plus dobstacle
à lémergence dopérateurs spécialisés dans la gestion
sécurisée des échanges électroniques, incluant une fonction dauthentification,
de signature électronique et de cryptage. Il sera donc possible
d'assurer le transfert d'information entre prescripteurs, pharmaciens
et patients, en garantissant la confidentialité de l'information
et l'authentification des intervenants.
La législation
européenne s'adapte à l'émergence du commerce électronique
La libre circulation
des biens et des services est maintenant effective en Europe, et
le commerce électronique favorise la vente transfrontalière à distance.
Le Parlement Européen, pour tenter d'uniformiser un paysage morcelé,
a adopté la Directive 97/7/CE concernant la protection des consommateurs
en matière de contrat à distance.
Elle précise cependant
qu'il s'agit de dispositions minimales, et que les Etats membres
peuvent adopter des dispositions plus strictes, notamment dans le
domaine de la commercialisation de médicaments.
La pression
économique
La volonté des gouvernements
et de l'assurance maladie de maîtriser les dépenses de santé entraînera
probablement des modifications de la législation, afin d'augmenter
l'efficacité et de diminuer les coûts de production des produits
pharmaceutiques. Il est couramment admis que le commerce électronique
permet de diminuer notablement les coûts de distribution. En Allemagne,
le patron de BASF AG Information Technology affirme que la modification
des circuits de distribution permettrait de faire baisser le prix
des produits de 30% (pour
en savoir plus, consulter l'article).
La pression
de l'internationalisation
L'utilisation croissante
de l'Internet augmente le niveau d'information du public, et la
création de la monnaie européenne unique favorisera la transparence
des prix et donc la circulation des produits hors des frontières.
L'explosion de l'utilisation de l'Internet en Europe permet aux
patients de se procurer des médicaments en ligne sur des sites étrangers.
Il leur donne également accès à la publicité sur le médicament,
autorisée aux Etats-Unis.
Actuellement la régulation des prix des médicaments en Europe est
faite par les Etats membres, et les variations de prix d'un pays
à l'autre sont importantes. Le passage à l'Euro va augmenter la
transparence, et les internautes seront tentés d'aller se procurer
des produits à moindre coût sur des sites étrangers. Une harmonisation
des prix sera donc nécessaire à moyen terme.
La jurisprudence
Decker - Kohll d'avril 98, s'appuyant sur le droit communautaire
relatif à la libre circulation des personnes et des biens, est un
pas franchi vers une harmonisation des systèmes européens de sécurité
sociale. Elle est en faveur du remboursement de frais médicaux engagés
dans un autre état membre.
La création du marché
commun, la mise en place de la monnaie unique et la fréquentation
accrue du Web se conjuguent donc pour bouleverser le marché du médicament.
Les
conséquences pour les pharmaciens d'officine
: une opportunité unique, mais de nouveaux modèles à concevoir
En France et dans d'autres
pays d'Europe, les pharmaciens sont les seuls à pouvoir assurer
légalement la distribution des médicaments. Ils ont donc l'opportunité
unique d'investir ce marché encore inexistant.
Cependant, le commerce
électronique implique soit la distribution des produits dans l'officine
la plus proche du patient (système de store locator aux Etats-Unis),
soit le portage à domicile. Un pharmacien isolé ne peut en aucun
cas assurer de façon efficace la distribution de médicaments dans
toute la France. Les pharmaciens d'officine devront donc nécessairement
se structurer et procéder à des regroupements fonctionnels, logistiques,
informatiques, voire capitalistiques, pour organiser un circuit
de distribution efficace. Les pharmaciens peuvent également envisager
des alliances avec les grossistes répartiteurs qui disposent déjà
de la logistique nécessaire.
Les modèles les plus
pertinents sont encore à trouver. Pour optimiser le service rendu
au patient, la chaîne de prescription pourrait être totalement intégrée
en partant de l'ordonnance du médecin jusqu'à la délivrance du produit
au domicile du patient. Enfin l'intégration des modalités de remboursement
(tiers payant
) comme aux Etats Unis nécessiterait la participation
de l'assurance maladie et des assureurs. Des synergies avec les
structures d'hospitalisation à domicile ou de maintien à domicile
pourraient également être trouvées. En terme de sécurité sanitaire,
la vente de médicaments en ligne pourrait être intégrée aux actions
de pharmacovigilance. L'échange d'information entre pharmaciens
et professionnels de santé pourrait également être utilisé dans
un objectif de disease management et de coordination des soins.
Si les acteurs français
se contentent d'une stratégie d'attentisme, ils risquent d'être
pris de court par un nouvel entrant, comme au Royaume-Uni où est
récemment apparue la pharmacie électronique Pharmacy2u,
qui propose de fournir à l'internaute des médicaments de prescription
au vu de l'ordonnance papier, et prévoit de prendre en compte la
prescription par e-mail. La société a créé son propre réseau de
distribution, et se présente sur le Web comme le futur acteur majeur
du commerce de médicaments en ligne dans toute l'Europe.
A l'instar des Dr Dominique Dupagne
et Lorenzo Macieira Coelho, réagissez
à ce dossier en nous donnant votre avis sur le développement des
pharmacies électroniques.
Subject:
Quel avenir pour les pharmacies électroniques en France
et en Europe ?
Date: Mon, 20 Dec 1999 22:38:52 +0100
From: "Dominique
Dupagne" <dupagne@docteur.net
Je ne crois pas une seconde
au développement rapide de la netpharmacie. Les Français
sont trop attachés à leur pharmacien et à l'immédiateté
de la délivrance, notamment pour l'OTC. Par ailleurs,
la dissémination des pharmacies assure une délivrance
immédiate de proximité. Les clients potentiels (ruraux,
personnes âgées) ne sont pas les plus équipés en ordinateurs.
Enfin, le consommateur n'étant pas le payeur pour les
médicaments remboursés, l'argument économique ne tient
pas.
En revanche, la parapharmacie, chère, concurrentielle,
non réglementée, va rapidement se développer.
Dr Dominique Dupagne
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Subject:
Re: Quel avenir pour les pharmacies électroniques en France
et en Europe ?
Date: Tue, 28 Dec 1999 12:32:53 -0500
From: "Lorenzo
Macieira Coelho" <lorenzomacieira@compuserve.com
Contrairement au Dr Dupagne,
je suis persuadé que la pharmacie electronique
va s'etendre en Europe de manière phénoménale, malheureusement
toujours avec un grand retard par rapport aux USA. Le
problème n'est pas de savoir si la net pharmacie va exister,
mais de savoir quel pays européen en sera le leader. Les
enjeux économiques sont tels que rien ne pourra lui résister.
La bataille dans la parapharmacie en témoigne pleinement
avec le procès perdu des laboratoires Pierre Fabre ; ceci
n'est qu'un début.
Dr Lorenzo Macieira
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