Sur le Web, la question
qui hante tous les esprits est " quel modèle de service
faut-il développer ? ". La réponse vaut quelques
milliards de dollars, sur le Nasdaq,
la bourse électronique où sont cotées les entreprises de haute technologie.
Pendant quelques mois, les acteurs du secteur croyaient avoir trouvé
la formule magique : le portail était lavenir radieux
du site Web. Par ce terme, on désigne les services en ligne qui
se positionnent comme " porte dentrée "
sur le réseau, apportant à leurs utilisateurs un ensemble de services
censés assouvir leur soif dinformation et dinteractivité.
Portail dentre les portails, le Netcenter,
développé par Netscape. Le site est visité par plusieurs millions
de personnes chaque jour. On y trouve de tout : des informations
par secteur dactivité, un moteur de recherche, des services
comme le téléchargement de logiciels ou une boîte aux lettres gratuite.
Assez vite, le concept de portail a été décliné par un grand nombre
de sites leaders soucieux de renforcer leur audience. Les annuaires
et les moteurs de recherche ont été parmi les premiers à profiter
de cette vague. Yahoo!,
Excite ou Lycos
(10 millions de visiteurs par jour) figurent ainsi parmi les services
qui parviennent à attirer un nombre impressionnant de visiteurs
et à les fidéliser. Aujourdhui, les portails proposent des
informations financières, la météo, des forums de discussions, des
informations locales et nationales ou des cartes routières.
Les portails se sont
développés sur de nombreux thèmes et pour des publics spécifiques.
En matière informatique, le leader incontesté est évidemment Cnet.
Pour les enfants, le portail le plus populaire est Yahooligans!,
émanation de Yahoo. En santé, Medscape
sest imposé pour les professionnels de santé américains tandis
que Thriveonline
attirait le grand public.
Aujourdhui, les
portails apparaissent surévalués aux observateurs du Web et des
marchés boursiers. Sans nier leur puissance et la place quils
occupent désormais dans le paysage médiatique, il convient de reconnaître
que la formule de portail commence déjà à montrer ses limites. Trois
raisons expliquent la remise en cause actuelle de ce concept :
Trop de portails tue
le portail. A force de ne construire que des portes et
doublier les bâtiments, les jardins, les maisons, les bibliothèques
et les usines quon devrait trouver derrière, le Web commence
à ressembler aux villages russes que visitait la Grande Catherine :
pour faire croire à limpératrice que la Russie était un empire
prospère ou sépanouissaient les moujiks, les militaires disposaient
des façades en bois colorées pour dissimuler la pauvreté des villages
traversés à toute vitesse par des attelages inattentifs. Sur le
Web, cette distance par rapport aux éléments sexprime également.
Le meta-contenu cest-à-dire linformation qui
parle de linformation - est plus envahissant que le contenu.
Derrière les annuaires, les listes de liens et les moteurs de recherche,
très peu de bons services sont disponibles. Les sites qui se donnent
la peine davoir une politique éditoriale ne font souvent que
reprendre le contenu brut reçu par les agences de presse. Les gestionnaires
de services Web doivent dépasser la superficialité des portails
pour poursuivre leur entreprise de séduction et de fidélisation
des internautes. Le bagou du meilleur chasseur ne peut rien quand
la médiocrité du cabaret dans lequel il tente dattirer les
passants est de notoriété publique.
Luniformisation
des portails remet en cause lintérêt des services quils
proposent. Le succès du Web repose largement sur
la diversité des sites, leur différent degré de spécialisation,
la différence de ton, de style, de design, etc. La variété du média,
souvent opposée au monolithisme de la télévision, a fait son succès.
Or, la répétition ad nauseam dune formule ingénieuse est en
train de provoquer lindigestion des internautes vis-à-vis
de services qui se ressemblent de plus en plus. Cnet se posait récemment
la question :
tous les portails ne sont-ils pas identiques ? Le journaliste
remarquait ingénument que les portails reproduisent toujours le
même modèle dannuaire et offrent les mêmes services. Lorsque
lun deux innove, les autres sempressent de le copier,
comme la montré la prolifération des services dadresses
gratuites et leur rachat par les majors du Web. Après que Yahoo!
a racheté Four
11, le pionnier des " pages blanches " sur
lInternet, Microsoft a acquis Hotmail
pour deux milliards de francs pendant que Netscape accaparait le
service de courrier gratuit de USA.net.
En fait, les portails sont des entreprises marketing comme le sont,
dans le vrai monde, Nike et Adidas, qui se combattent en défendant
leur marque mais font coudre leurs chaussures par dautres.
Presquaucun portail, par exemple, ne dispose de sa propre
technologie de recherche sur le Web. Ils proposent ce service en
recourant à des systèmes que mettent à leur disposition dautres
acteurs, comme Digital,
qui licencie son moteur AltaVista.
Entreprises marketing, les portails travaillent aujourdhui
à renforcer ce facteur clef de succès plutôt que dapprofondir
leurs compétences techniques ou de développer une expertise éditoriale.
Vous aurez remarqué que les portails commencent à communiquer dans
les médias traditionnels. " Do you Yahoo ? "
demande le pionnier dans les pages de Libération, révélant ainsi
son renoncement à toute visée innovatrice pour se concentrer sur
limposition de sa marque, quelle que soit la vacuité du message
transmis. Excite, Lycos et quelques autres suivent cette piste pour
atteindre absolument la masse critique nécessaire au maintien de
leur leadership lorsque le Web aura atteint sa vitesse de croisière.
Même Netscape, chouchou des internautes et figure Prométhéenne du
Web, abandonne progressivement sa culture de linnovation technologique
pour devenir une " Media company " centrant
son métier sur lhabileté marketing.
Le portail
consacre un jeu non coopératif entre les éditeurs Web.
Vouloir gérer lentrée sur le Web revient à introduire un rapport
de forces vis-à-vis des services qui se trouvent " derrière "
le portail. Netscape, par exemple, fait payer aux industriels le
fait dêtre référencé sur son Netcenter. En effet, linventeur
du portail considère quil transfère de laudience vers
les sites plus spécialisés (ex : site sportif) et doit, pour
cette raison, être rémunéré par le site cible. La publicité nest
donc pas le seul moteur économique de lInternet : les
liens hypertextes deviennent payants, en contradiction totale avec
la logique coopérative sur laquelle sest construit le Web
(un lien contre un lien). La remise en cause des portails coïncide
aussi avec la révolte des éditeurs qui ne souhaitent pas être vassalisés
par ceux qui ont pris les premières places (et dont rien ne garantit,
au demeurant, quils sauront les conserver, tant lévolution
des modes et des succès est imprévisible sur lInternet). Plutôt
que de prendre le risque dêtre rackettés chaque matin par
les portails pendant le prochain millénaire, beaucoup dindustriels
sont prêts à surinvestir aujourdhui pour devenir autonomes
dans la captation des utilisateurs. Ils montent donc leur propre
portail et contribuent à la remise en cause de ce modèle.
En somme, les portails
semblent répondre à un " moment historique "
du Web où ils correspondent à la formule gagnante, répondant parfaitement
aux attentes des internautes. Le réseau, en effet, est dans une
phase de démocratisation rapide. 40 % des internautes sont connectés
depuis moins de six mois et la diversité du public et des attentes
saccroît, comme en témoignent la féminisation du public et
lengouement des séniors pour ce média (15 % des internautes
ont plus de 60 ans). Or, ces " nouveaux internautes "
- les " newbies " comme les appellent les Californiens
ne sont pas familiers avec loutil informatique et les
modes de navigation sur le réseau. Ils souhaitent donc être pris
en charge, orientés, conseillés. Face à cet océan dinformations
que représente lInternet, les portails apportent un confort
et une sécurité qui rassurent une population habituée à nexploiter
quun faible nombre de sources dinformations (quelques
journaux, quelques chaînes de télévision).
Demain, les portails se
seront transformés pour répondre à lévolution des comportements
et des cultures de leurs utilisateurs. Les internautes nauront
plus besoin de ce type de portes dentrée sur le réseau. A
terme, en effet, le meilleur portail est votre fichier de bookmarks,
les sites préférés sur lesquels vous pouvez vous rendre instantanément,
sans avoir à passer par un aggrégateur de contenus qui vous indique
où aller. Naturellement, lorganisation du contenu électronique
restera un enjeu mais cette demande sexprimera dune
autre façon. Le développement des réseaux à haut débit, des applications
multimédias ou de la réalité virtuelle auront transformé le média
et les usages quil suscite à tel point que de nouvelles logiques
dappréhension des connaissances et des personnes devront être
proposées aux internautes, probablement dici deux à trois
ans. Les systèmes de représentation spatiale de linformation,
par exemple, semblent appelés à se développer. Intuitifs, conviviaux,
puissants, ils correspondent au type " dexpérience "
quun public de plus en plus familier avec les nouvelles technologies
appelle de ses vux.
Dans le même registre,
les technologiesagents
semblent promises à un avenir radieux. Autonome, doué de capacité
dapprentissage et de mémorisation, lagent logiciel est
un système de traitement des informations propre à chaque utilisateur,
maîtrisant ses goûts, ses besoins, ses habitudes. Sorte de " double
numérique ", il organise la vie de son " maître "
sur le réseau. Il gère son agenda électronique, prépare ses revues
de presse, classe les informations et les chiffres dont il a besoin,
traite son courrier électronique, organise ses voyages, réserve
sa table au restaurant et part à la rencontre dautres agents
logiciels pour trouver des âmes surs. De nombreux
acteurs travaillent aujourdhui sur ces approches et des
solutions
industrielles commencent à voir le jour. Microsoft commercialise
par exemple des agents
logiciels Genie, Merlin et Robby capables daccueillir
les utilisateurs sur un site Web en dialoguant avec eux pour répondre
directement à certaines de leurs demandes, les orienter vers linformation
quils cherchent ou organiser le site en fonction de leur profil.
Naturellement, ces agents daccueil peuvent être déclinés sur
nimporte quel service en ligne, à partir de la technologie
générique mise à disposition par les éditeurs de logiciels. Demain,
il est probable que les sites médicaux accueilleront les professionnels
de santé avec ces systèmes pour leur apporter un service ultra-sophistiqué
et ultra-convivial, par exemple en matière de Formation Médicale
Continue, daide à la pratique ou de coordination des soins.
En progressant un peu, les agents intelligents offriront une interactivité
et une personnalisation qui marqueront sur le réseau une rupture
équivalente à celle qui marqua le passage du muet au parlant dans
lhistoire du cinéma.
Le rythme de mutation
des portails est difficile à appréhender. En fait, les services
évoluent jour après jour. Certains services se spécialisent sur
un thème, dautres innovent en testant une application originale.
Ces multiples tentatives, entreprises par des équipes différentes,
pour des publics hétérogènes, avec des moyens variables et des technologies
diverses, sont à lorigine dun bouillonnement créatif
au sein duquel les utilisateurs sélectionnent les services adaptés
à leurs besoins et sanctionnent les autres, quelle que soit lagitation
organisée par le monde industriel. On se souvient, par exemple,
que les internautes ont rejeté contre toute attente les technologies
Push imaginées par PointCast.
Déjà, un sondage
réalisé par Zdnet montre que 59 % des internautes ne sont pas attirés
par les portails et préfèrent organiser eux-mêmes leur navigation
sur le réseau. Certes, les lecteurs de Zdnet sont a priori
des surfeurs plus aguerris que la moyenne des internautes. Il nen
reste pas moins que la tendance décrite par ce sondage, réalisé
sur 459 personnes, devrait se poursuivre.
Comment
apprécier le design des portails ?
Les +
1
- La rapidité.
Les portails comportent surtout du texte, le téléchargement
des pages est donc rapide.
2 -
Laccès direct.
La plupart des informations sont accessibles en un clic
depuis la page daccueil. La navigation ne comporte
donc que de faibles temps dattente et de recherche.
3
- La familiarité.
Lutilisateur qui maîtrise un portail sait utiliser
tous les autres.
Les
-
1 - Luniformité.
A part le logo, tous les portails se ressemblent.
2 -Lentassement.
La priorité donnée aux textes et la volonté de tout proposer
dès la page daccueil suscitent une impression de
fouillis visuel.
3 - Le nivellement
de linformation. Sur les portails, développés
à partir des annuaires, tous les contenus se valent. Cette
absence de mise en relief des informations importantes
handicape lutilisateur.