Les
dernières recommandations
Source
: CES - Numéro spécial : avril 1997
Evaluation économique des stratégies thérapeutiques
Site web : http://www.dauphine.fr/ces/
LA
LETTRE DU COLLÈGE
COLLÈGE
DES ECONOMISTES DE LA SANTE
AVANT
PROPOS
Le
calcul économique, en tant qu'évaluation du coût et du rendement
de différents projets d'investissement, a été de longue date appliqué
aux investissements publics et, depuis la fin des années soixante,
à des programmes de santé publique (périnatalité, dépistage de certains
cancers etc.).
Ses principes ont été plus récemment encore transposés à l'évaluation
des stratégies thérapeutiques.
Mais
si l'évaluation économique des médicaments, souvent qualifiée de
Pharmaco-économie, est relativement jeune, elle n'en a pas moins
suscité en France et surtout à l'étranger, une floraison d'études
ainsi que de nombreux débats méthodologiques.
Ces
études, supposées être des aides à la décision, se sont cependant
développées, pour certaines d'entre elles, en dehors de tout processus
décisionnel concret. Ainsi a-t-on pu avoir le sentiment d'une divergence
croissante entre leurs résultats et les besoins des décideurs qui
ne parvenaient pas à en incorporer les enseignements dans les choix
qu'ils opéraient.
Partout
depuis quelques années, on a ressenti le besoin de réduire cette
divergence et de veiller à l'utilisation effective des études d'évaluation
économique des médicaments.
Or,
cette utilisation suppose qu'au delà d'un effort pédagogique pour
aider à la compréhension de ces études, leur crédibilité soit assurée
ainsi que leur comparabilité, faute de quoi les résultats divergents
des unes et des autres sur un même sujet par exemple, risquerait
de provoquer une réaction de rejet des utilisateurs potentiels.
C'est
ainsi que dans de nombreux pays, à commencer par l'Australie et
le Canada, des Guidelines ont été élaborées à partir d'une
recherche de consensus entre les différentes parties prenantes.
En
France, l'idée de ce consensus entre des experts issus de l'Administration,
de l'Université, de la Recherche et de l'industrie Pharmaceutique
a bien été avancée par le Directeur de l'ancienne Direction de la
Pharmacie et du Médicament du Ministère de la Santé dès 1993. Il
a fallu cependant attendre le 5 Mai 1994 pour qu'une première réunion
se tienne sous l'égide du Collège des Economistes de la Santé et
de la Sofestec, sur le thème restreint à "l'approche des coûts
dans les études d'évaluation médico-économique du médicament ".
Puis les ateliers de la transparence à l'initiative de l'Agence
du Médicament et du SNIP organisaient 3 journées de travail (du
13 au I 5 Mars I995) pour une approche plus large de l'évaluation.
Enfin, au mois de février 1996, se mettait en place une Commission
de 18 membres afin d'élaborer des recommandations de bonnes pratiques
d'évaluation économique du Médicament avec le concours d'experts,
soit indépendants, soit issus de différents organismes publics ou
de laboratoires pharmaceutiques. (*)
Après
avoir établi la liste des questions à traiter, le travail s'est
organisé sous forme de quatre ateliers portant respectivement sur
les problèmes généraux de l'évaluation ; les coûts et leur mesure,
l'efficacité et sa mesure; la qualité de vie, l'utilité et leur
expression. Ces ateliers se sont réunis plusieurs fois chacun et
ont élaboré des propositions. Celles-ci ont été discutées par la
Commission en formation plénière au cours de 13 réunions qui se
sont tenues entre le 21 février 1996 et le 26 février 1997.
Un
groupe restreint de rapporteurs finaux a été chargé d'harmoniser
et d'ordonner toutes les propositions particulières pour le compte
de la Commission.
C'est cette rédaction qui est ici proposée aux lecteurs, après avoir
été offerte la discussion par les principaux acteurs concernés.
C'est dire que ce texte pourra subir les modifications qui nous
seront proposées et que la Commission jugera pertinentes.
Le
C.E.S. est heureux d'avoir pu servir de terrain neutre pour parvenir
à ce premier consensus sur les méthodes d'évaluation des stratégies
thérapeutiques.
Nous espérons contribuer ainsi à un développement des études et
surtout à une meilleure prise en compte de leurs résultats dans
les processus de prise de décision.
Emile
LEVY
(*) Les Membres de cette Commission présidée par E. LEVY (C.E.S)
sont : j.R AURAY, j.N. BAIL, C. BERAUD, A. BERESNIAK, C. BLACHIER,
5. CORCAUD, F. FAGNANI, 5. FIESSINGER, B. GENESTE, D. GOUNELLI,
j.L LANOE, R. LAUNOIS, C. MARTY,T. LEBRUN, B. TEISSERE.
Membre invité : j. DANGOUMAU
Rapporteurs : c. RUMEAU-PICHON, F. MAUREL
RECOMMANDATIONS DE BONNES PRATIQUES DES MÉTHODES D'ÉVALUATION ÉCONOMIQUE
DES STRATÉGIQUES THÉRAPEUTIQUES
La
Commission de 18 membres qui s'est réunie au cours de l'année I996,
avant d'élaborer ses "Recommandations" sur la méthodologie
des études d'évaluation économique, s'est prononcée sur la structure
d'objectifs dans laquelle elle s'est située.
1
LES
ÉTUDES DE PHARMACO-ÉCONOMIE : POUR QUOI FAIRE ?
Les
études dites de pharmaco-économie (ou d'évaluation économique des
stratégies thérapeutiques) sont un complément utile des études qui
constituent une évaluation proprement médicale. En ajoutant la prise
en considération des coûts et des bénéfices des stratégies thérapeutiques,
l'approche pharmaco-économique entend participer à l'amélioration
de l'allocation des ressources dans le domaine de la santé. L'établissement
de ratios coût-efficacité ou coût-utilité de différents types d'interventions
dans le domaine médical, peut en effet contribuer à cet objectif
à différents niveaux de contrainte budgétaire.
2
LES
RECOMMANDATIONS DE BONNES PRATIQUES D'ÉVALUATION : À
QUELLES FINS ?
La
recherche de consensus entre les différents acteurs concernés pour
la formulation de ces recommandations vise à normaliser les pratiques
méthodologiques en vue d'assurer :
-
la
crédibilité des résultats, grâce à la transparence des
méthodes et des sources de données ainsi que grâce à des analyses
de sensibilité,
-
-
la qualité des études par le choix et la mise en oeuvre
des techniques les plus appropriées à chaque cas,
-
-
la comparabilité des résultats obtenus par le choix d'indicateurs
de coût et de résultat dont le contenu aura été rigoureusement
précisé.
3
LES ÉTUDES DANS LE PROCESSUS DÉCISIONNEL :
POUR QUEL RÔLE ?
Il
faut prendre acte du fait que les processus décisionnels sollicitant
ces études sont très divers : choix de stratégies de recherche ou
de positionnement des produits pour l'industriel, choix des médicaments
les plus efficients pour le prescripteur, choix de ceux qui figureront
sur une liste hospitalière, choix qui pourraient être opérés pour
la fixation du prix et le remboursement des produits, etc...
Une
même étude ne peut prétendre satisfaire à la fois tous ces processus
de décision, et il faudra préciser la perspective dans laquelle
on entend se situer : intérêt général ou intérêts particuliers et
contraintes budgétaires associées à chacun d'eux.
Quoi
qu'il en soit, les résultats de ces études doivent être considérés
dans une perspective d'aide à la décision qui, par nature,
est multifactorielle et non pas comme un critère unique et exclusif
de chacune d'elles. Il est clair pour la Commission que, même en
harmonisant les méthodologies, ces études ne peuvent constituer
une procédure "presse-boutons" et ne lient aucunement
le décideur qui en est saisi.
Par
ailleurs, les recommandations qui seront émises n'ont pas la prétention
de permettre aux évaluations économiques des stratégies thérapeutiques
de constituer un outil d'optimisation globale de toutes les ressources
consacrées au médicament. Elles visent un objectif plus modeste
d'optimisation " locale " en vue de l'amélioration de
l'allocation des ressources dans le cadre d'une pathologie, d'un
groupe de patients ou dans celui d'une classe donnée de produits.
1
POINT DE VUE DES ÉTUDES - PERSPECTIVE
Toute
évaluation économique du médicament suppose que l'on précise le
point de vue adopté et l'objectif poursuivi. Dans la plupart des
cas, les études sont destinées à être utilisées par un ensemble
d'acteurs pouvant avoir des points de vue variés sur le traitement
étudié. En effet, ces acteurs peuvent être, entre autres, les organismes
payeurs (Assurance Maladie, hôpitaux...), les professionnels de
santé (prescripteurs hospitaliers ou libéraux), les producteurs
de biens de santé, les patients ou la société toute entière.
Il
n'y a pas de règle générale pour choisir une perspective de travail,
cela dépend de l'objectif de l'étude. On considère classiquement
qu'il faut privilégier le point de vue de la collectivité, c'est-à-dire
la perspective la plus globale. Dans la mesure où l'étude s'adresse
à un décideur bien identifié, la perspective retenue doit être la
sienne.
Recommandation
n°1
Compte
tenu du fait que pour chaque perspective il existe différentes méthodes
de mesure des coûts et des résultats, il importe que pour une étude
donnée soit(ent) précisé(s) le ou les point(s) de vue adopté(s)
: incidence ou prévision budgétaire pour l'Assurance Maladie, l'hôpital,..
ou impact sur les dépenses totales de santé et sur la santé publique
pour la Société. Quelle que soit la perspective retenue, il convient
de la justifier.
2
PLACE DES ÉTUDES DANS LA VIE DU PRODUIT
Les
études pharmaco-économiques peuvent être réalisées au cours des
différentes étapes de la vie d'un produit, mais le plus souvent
au cours des phases Il à IV. En France, les résultats obtenus peuvent
être utilisés dans différents contextes : pour une décision stratégique
de développement du produit, lors de la première demande de remboursement
et/ou d'une réinscription, etc.
Compte
tenu de l'évolution des connaissances du produit et de son environnement,
au cours du temps, la méthodologie doit prendre en compte ces différents
paramètres.
Lors
d'une demande de renouvellement d'inscription, les pouvoirs publics
sont très attachés à une confirmation ou a une mise à jour des résultats
pharmaco-économiques obtenus avant la mise sur le marché.
Les
critères de jugement à utiliser dans l'un et l'autre cas peuvent
être différents les études qui précèdent la mise sur le marché s'appuient,
par nécessité, sur les essais cliniques de phase Il et lll ,alors
que, lors de la réinscription, l'évaluation portera principalement
sur l'utilisation du produit en pratique médicale courante.
Recommandation
n°2
Il
convient de préciser le stade de développement du produit et les
limitations qui en découlent quant à la portée de l'étude.
3
CADRE FORMEL SOUS-JACENT
Les
études pharmaco-économiques se définissent par une prise en compte
à la fois de critères médicaux faisant appel à l'épidémiologique
clinique et de critères de coût Mais cette association peut se faire
soit dans le cadre formel qui est celui de la théorie économique
du bien-être et de l'utilité, soit dans le cadre méthodologique
multidisciplinaire parfois qualifié d'analyse de la décision. Dans
le premier cas, l'expression de l'utilité sociale doit obéir à des
conditions très rigoureuses, souvent difficiles à satisfaire dans
le deuxième, on recherche avant tout l'opérationnalité du modèle
décisionnel et on accepte que ces contraintes soient relâchées.
La
finalité des études de pharmaco-économie étant d'aider le décideur
à faire des choix, c'est cette deuxième approche, celle du processus
décisionnel, qui semble la plus pertinente.
Recommandation
n°3
Les
études pharmaco-économiques sont à inscrire dons le cadre d'une
analyse décisionnelle pouvant faire appel à des critères multiples
et à des méthodologies empruntées à diverses disciplines.
4
ETUDES D'ENVIRONNEMENT
Les
études d'évaluation pharmaco-économique de stratégies thérapeutiques
peuvent être complétées par diverses approches complémentaires comme
le coût de la maladie et la prévision budgétaire. Cette dernière
approche sera traitée dans le paragraphe 15.
Les
études de type coût de la maladie se situent en amont de l'évaluation
économique. Elles fournissent des éléments descriptifs généraux
sur la pathologie concernée par le traitement étudié. Elles font
généralement une synthèse des informations disponibles sur l'épidémiologie
descriptive (incidence, prévalence, histoire naturelle, conséquences
en termes de morbidité, handicap et mortalité), les modes de prise
en charge usuelle dans le système de santé et les coûts associés
(directs et indirects). L'analyse du retentissement peut inclure
des études de qualité de vie (voir paragraphe 10.2).
La
mesure des coûts dans ces études soulève le même type de difficultés
que celles qui apparaissent dans les analyses d'évaluation proprement
dites (voir paragraphe 9).
Recommandation
n°4
Il
est recommandé qu'une évaluation pharmaco-économique comporte une
partie descriptive pré!iminaire fournissant la synthèse des principaux
éléments de connaissance (épidémiologie descriptive et modalités
de prise en charge) de la pathologie concernée en termes de santé
publique et le dépenses de santé. Cette partie peut être plus ou
moins développée selon les besoins.
5
POPULATION-CIBLE
La
population-cible est, dans un sens restrictif, la population susceptible
de bénéficier du traitement dans le cadre des indications de l'AMM,
et dans un sens plus extensif, la population potentiellement bénéficiaire
du traitement. La population rejointe est la population qui reçoit
le traitement en pratique médicale courante. Celle-ci peut être
plus ou moins éloignée de la population-cible.
Recommandation
n°5
Il
convient de préciser clairement la population visée par l'évaluation
effectuée sur le produit. Dans le cas d'une demande de réinscription,
il est intéressant de s'attacher à la population effectivement rejointe
par le produit.
6
ALTERNATIVES DE TRAITEMENT ET CHOIX DU COMPARATEUR
Une
évaluation économique étant comparative, il convient que le comparateur
constitue une alternative vraisemblable à l'usage du médicament
évalué produit ayant la même indication thérapeutique, technologie
substitutive (chirurgie, par exemple) ou " ne rien faire "quand
il n'existe aucune alternative. De fait, le meilleur comparateur
est celui qui caractérise la pratique courante ou recommandée à
laquelle le produit évalué est susceptible de se substituer.
Dans
le cadre d'une demande d'inscription ou de renouvellement d'inscription
au remboursement par l'Assurance-Maladie, le code de la Sécurité
Sociale (art. R 163-8) précise que "L'avis [de la Commission
de Transparence] doit comporter notamment une comparaison du produit
avec les produits de la classe thérapeutique de référence venant
en premier par le nombre de journées de traitement, avec le produit
de cette classe la plus économique du point de vue du traitement
médicamenteux et avec le dernier produit inscrit dans la même classe".
Néanmoins,
dans la pratique, on privilégie les comparaisons au sein d'une même
classe pharmaco-thérapeutique (nomenclature ACP, publiée au Bulletin
Officiel MASF, n°96.6 bis).
Dans
le cas d'un produit totalement nouveau, les produits de comparaison
peuvent être sélectionnés parmi les produits habituellement prescrits
dans la même indication thérapeutique.
Recommandation
n°6
Il
convient de rendre compte de la diversité des modes de prescription
et traitement, plusieurs stratégies thérapeutiques pouvant en effet
être envisagées. Le comparateur doit être choisi dans ce sens et
les raisons du choix doivent être expliquées.
7
TYPES D'ÉTUDES
L'adhésion
aux bonnes pratiques d'évaluation économique des médicaments devrait
permettre une meilleure comparabilité des études pharmaco-économiques
entre elles.
On
distingue classiquement 4 types d'études d'évaluation pharmaco-économique
:
- l'étude de
minimisation des coûts,
- l'étude coût-efficacité,
- l'étude coût-utilité,
- l'étude coût-bénéfice.
Il
existe également deux autres types d'études plus descriptives, qui
ne sont pas des évaluations à proprement parler (cf. paragraphes
4 et 10.2).
Les
méthodes d'évaluation différent les unes des autres par leurs objectifs
spécifiques, leur contexte de mise en oeuvre et les indicateurs
économiques et médicaux qu'elles utilisent, notamment l'expression
des résultats. Ceux-ci peuvent s'exprimer en termes monétaires,
on parle alors de " bénéfices ", ou en unités physiques.
Choisir la méthode d'évaluation la mieux adaptée au problème posé
suppose une connaissance préalable, la plus précoce possible, du
but de la démarche d'évaluation, de l'environnement dans lequel
elle s'inscrit et des données dont on dispose pour la réaliser.
7.1
Les études de minimisation des coûts
Les
études de minimisation des coûts sont utilisées dans les cas Dû
les stratégies comparées diffèrent uniquement par les coûts qu'elles
mettent en oeuvre. Lorsque deux stratégies ont la même efficacité
thérapeutique, les mêmes conséquences (médicales et sociales pour
le patient), mais des coûts différents, on recherche la stratégie
la moins chère.
7.2
Les études coût-efficacité
Les
études coût-efficacité sont utilisées quand on cherche a déterminer
la stratégie qui dégagera une efficacité maximale pour un coût donné
ou inversement, lorsque l'on cherche a atteindre un objectif médical
donné, au moindre coût. Elles permettent également d'apporter une
information au décideur sur le supplément d'efficacité obtenu au
travers d'un supplément de coût ; Ceci implique nécessairement que
toute analyse coût-efficacité comporte une stratégie de référence,
par rapport à laquelle seront évaluées toutes les autres stratégies.
7.3
Les études coût-utilité
Les
études coût-utilité constituent un cas particulier des études du
type coût~éfficacité concernant le résultat obtenu. Cette analyse
nécessite de connaître les préférences des patients. L'analyse coût-utilité
est particulièrement indiquée lorsque les impacts sur la survie
et/ou la qualité de vie sont des critères importants pour juger
des résultats des effets d'un médicament.
7.4
Les études coût-bénéfice
Les
études coût-bénéfice doivent permettre de déterminer Si un nouveau
produit dégage un bénéfice net pour la société. L'analyse coût-bénéfice
se distingue donc de l'analyse coût-efficacité en ce qu'elle implique
que tous les coûts et toutes les conséquences de la stratégie évaluée
soient exprimés en termes monétaires. Cependant, la valorisation
monétaire des résultats de santé pose de nombreux problèmes, surtout
s'agissant des effets non marchands.
Recommandation
n°7
Chacune
de ces méthodes d'analyse possède son champ d'application et ses
limites propres. Le type d'étude choisi devrait être clairement
énoncé et justifié en fonction du problème posé et devrait être
précisé en tête ne l'étude. II est de surcroît souhaitable que l'auteur
donne sa définition du type d'étude qu'il a retenu.
8
HORIZON TEMPOREL ET VALIDITÉ SPACIALE
8.1
Horizon temporel
Plusieurs
horizons temporels peuvent être envisagés. On peut s'attacher a
l'impact du traitement pendant toute la vie de l'individu (notamment
dans le cas de maladies chroniques), ou au contraire se limiter
à une période de temps plus restreinte.
Quoique
déterminé par l'histoire naturelle de la pathologie. le choix de
l'horizon temporel de l'étude est souvent restreint par les données
disponibles (notamment celles provenant des essais cliniques). Néanmoins,
une modélisation peut permettre d'estimer les conséquences à long
terme tant au niveau des coûts que des résultats de santé (Cf. paragraphe
12).
Recommandation
n°8
L'horizon
temporel de l'étude pharmaco-économique doit être justifié en fonction
de l'histoire naturelle de la maladie et de la disponibilité des
données.
8.2
Validité spatiale
Les
données épidémiologiques et surtout les modes de prises en charge
médicale et sociale peuvent être extrêmement variables selon les
pays. De même, le recueil des données, les coûts pris en compte
et leur valorisation dépendent largement du contexte national dans
lequel s'inscrit l'étude.
Recommandation
n°9
Si
les données internationales d'épidémiologies, d'efficacité ou de
ressources consommées sont utilisées, il convient de justifier la
transposabilité de ces données.
9
DÉFINITIONS ET MESURE DES COÛTS
Traditionnellement,
trois types de coûts sont distingués dans les études d'évaluation
économique
-
coûts directs
- coûts indirects
- coûts intangibles.
Lorsqu'il
s'agit de coûts évités grâce au traitement, on les considère habituellement
comme une expression partielle des bénéfices.
Pour
la mesure des coûts, trois notions sont à distinguer :
- La notion
économique du coût se réfère au concept de coût d'opportunité
qui traduit le fait que le coût des ressources utilisées pour
la réalisation d'une intervention donnée en santé est la valeur
des résultats de santé qui auraient pu être obtenus par l'utilisation
de ces mêmes ressources pour d'autres actions.
- Le prix,
au sens le plus strict, est la résultante de la confrontation
d'une offre et d'une demande, qui s~expn.ment librement sur un
marché.
- Les tarifs
quant à eux, sont des prix administrés, c'est à dire fixés par
les pouvoirs publics ou négociés avec l'administration.
Cependant,
dans un système non marchand, les prix utilisés peuvent diverger
fortement des coûts d'opportunité. En effet, en matière de santé,
il n'existe pas réellement de prix, mais essentiellement des tarifs
prenant en compte des éléments qui sont indépendants de la réalité
des coûts et du marché. A titre d'exemple, on peut souligner que
les tarifs des actes médicaux inscrits a la Nomenclature Générale
des Actes Professionnels sont davantage la traduction des rapports
entre les professionnels de santé, les organismes payeurs et les
pouvoirs publics, que le résultat de la valorisation des préférences
collectives concernant la Santé.
Idéalement,
il serait souhaitable que les décisions publiques d'allocation de
ressources collectives soient effectuées selon les coûts d'opportunité
de chaque projet. Cependant, dans la mesure oû ces derniers sont
difficiles à reconstituer dans le domaine de la santé, il est d'usage
d'avoir recours aux tarifs conventionnels ou à des coûts se rapprochant
le plus possible de la notion de coût d'opportunité.
9.1
Les coûts directs
Ces
coûts correspondent à la valeur de l'ensemble des ressources consommées,
liées à la prise en charge de la pathologie (il s'agit de bénéfices
si certains de ces coûts sont évités grâce à un traitement).
9.1.1
/ Définition
Il
est possible de distinguer deux types de coûts directs :
- Les coûts
directs médicaux, qui recouvrent différents aspects tels que la
consommation médicamenteuse, l'utilisation de ressources médicales
(hospitalisation, consultations et visites de médecins, examens
de laboratoires et explorations, coût du traitement des effets
secondaires, etc.)
- Les coûts
directs non médicaux, qui ont trait au transport du patient dans
le cadre de sa prise en charge médicale, aux aides à domicile
et aux soins fournis par des bénévoles, etc.
Recommandation
n°10
Si
la prise en compte des coûts (ou bénéfices) directs médicaux dans
les études de pharmaco-économie est habituelle, celle des coûts
directs non médicaux peut également être envisagée, lorsque celle-ci
apparaît pertinente pour l'étude.
Dans
tous les cas, les différents types de coûts directs retenus sont
précisés et présentés de façon détaillée.
9.1.2
/ Mesure
·
Les coûts en médecine de ville
Les
modes de valorisation dépendent des points de vue adoptés.
Du point de vue de l'Assurance Maladie, la valorisation des coûts
directs se fait traditionnellement sur la base des montants remboursés.
La valorisation des actes est usuellement basée sur l'application
des coefficients de la Nomenclature Générale des Actes Professionnels
et des tarifs correspondants à chaque lettre-clé, publiés par les
pouvoirs publics, ainsi que sur les autres tarifs et prix administrés
(médicaments, prothèses, etc.), auxquels on applique le taux de
remboursement spécifique à l'acte considéré. Cette pratique est
valable pour tout ce qui concerne les coûts directs en ambulatoire
examens de laboratoire et explorations diagnostiques, consultations
et visites de médecins de ville (généralistes et spécialistes),
actes infirmiers, kinésithérapie, etc., même Si elle peut faire
l'objet d'un certain nombre de discussions d'ordre conceptuel (différence
entre le tarif des actes et la valeur réelle des actes, qui dépend
du temps passé et de l'expertise requise). Pour ce qui concerne
les taux de remboursement, on utilise traditionnellement les taux
pratiqués par le Régime Général. Toutefois, quand une étude s'applique
à une population spécifique, il est concevable de prendre en compte
la variabilité des prestations en nature offertes par les différents
régimes et d'effectuer, le cas échéant, les pondérations opportunes.
De plus, Si nécessaire, on tiendra compte de la situation individuelle
des patients assurés sociaux au regard des règles d'exonération
du ticket modérateur.
Du
point de vue du patient, d'autres corrections sont généralement
apportées en fonction de la fréquence et des montants des dépassements
d'honoraires (médecins bénéficiant d'un droit à dépassement, ou
exerçant en secteur Il à honoraires libres), ainsi que des couvertures
complémentaires. Les informations concernant les couvertures complémentaires
n'étant, la plupart du temps, pas disponibles à un niveau suffisamment
détaillé, le point de vue des ménages englobe généralement toute
la partie non remboursée par l'Assurance Maladie, y compris la couverture
complémentaire.
Du
point de vue de la société, la valorisation devrait, dans l'idéal,
être exprimée à partir de la notion de coût d'opportunité. Néanmoins,
il est fréquent d'effectuer cette valorisation par addition de la
part remboursable et de celle assumée par le patient, y compris
les couvertures complémentaires.
·
Les coûts en établissement hospitalier public.
Pour
la mesure des coûts en établissement hospitalier, on a généralement
utilisé, jusqu'à une période récente, le prix de journée se rapportant
au type d'établissement et au type de discipline considérés, multiplié
par la durée de séjour.
L'utilisation
de la comptabilité analytique permet désormais de se rapprocher
de la notion de coût réel, contrairement aux tarifs.
Grâce
à la disponibilité de la base de données du Programme de Médicalisation
des Systètes d'Information (PMSI), qui fournit des données de comptabilité
analytique présentées par groupe homogène de malades (GHM>, ce
type d'approche pour valoriser les séjours hospitaliers publics
tend désormais à se généraliser. Il s'agit de coûts moyens complets
se décomposant en 14 postes (personnel médical, infirmerie, consommables,
actes médico-techniques, restauration, blanchisserie, etc.) basés
sur un échantillon de plus de quarante hôpitaux, et dépassant le
million de séjours. Toutefois, ce type de données n'est actuellement
disponible que pour les séjours hospitaliers publics en court séjour.
En effet, pour les hospitalisations en moyen et long séjours ainsi
que celles en section spécialisée telle que la psychiatrie, de même
que pour les hospitalisations privées, aucune donnée de comptabilité
analytique n'est disponible.
D'autre
part, Si cette approche semble pertinente dans les études ayant
une optique macro-économique, elle l'est moins pour des études basées
sur un recueil de données de type local, ou monographiques.
Recommandation
n°11
Il
est recommandé de présenter les coûts en explicitant les unités
physiques et les valeurs unitaires retenues.
Dans
la perspective de l'Assurance Maladie, pour la valorisation des
coûts en médecine de ville et ceux concernant les séjours hospitaliers
pour lesquels il n'existe pas à l'heure actuelle de données de comptabilité
analytique disponibles, il est recommandé d'utiliser les tarifs
conventionnels en vigueur.
Pour
les coûts hospitaliers publics de court séjour il est recommandé,
dans la mesure du possible, d'utiliser des données de comptabilité
analytique présentées par groupe homogène de malades (base de données
du PMSl) en utilisant les coûts complets. Dons l'attente de sa généralisation
à tous les domaines du secteur public et au secteur privé, on pourra
continuer à utiliser les données de facturation et/ou les tarifs
conventionnels.
Dans
tous les cas, il est recommandé de préciser les sources de données
utilisées.
Pour
les taux de remboursement, il est préférable de retenir ceux pratiqués
par le Régime Général. Néanmoins, des ajustements peuvent être effectués
en fonction des caractéristiques des populations étudiées.
Du
point de vue des ménages, il est recommandé de considérer l'ensemble
de la partie non remboursée par l'Assurance Maladie (y compris les
couvertures complémentaires).
9.2
Les coûts indirects
9.2.1
/ Définition
Ces
coût recouvrent principalement les pertes de productivité à un niveau
macro-économique. Ces pertes de productivité concernent le patient
d'une part, et son entourage d'autre part Outre ces pertes de productivité
qui sont liées aux arrêts de travail, il y aurait lieu de valoriser
le temps de loisir perdu, par le patient et par son entourage.
Si
pendant de nombreuses années, l'absence au travail de courte ou
longue durée liée à une invalidité partielle ou totale, voire au
décès prématuré, était considérée comme une perte de production
pour la société, plusieurs raisons viennent désormais contester
la pertinence de la prise en compte de ces coûts. En premier lieu,
la valeur de la production ne dépend pas uniquement des ressources
en hommes ou en équipements, mais également de la demande qu'elle
suscite. D'autre part, dans un contexte de chômage important, une
partie des chômeurs peut suppléer aux absences de longue durée des
malades. Par ailleurs, les mécanismes de flexibilité internes à
l'entreprise (heures supplémentaires, répartition des taches) ou
externes (intérimaires) permettent dans une large mesure de remédier
aux absences de courte durée.
Recommandation
n°12
Les
coûts (bénéfices) indirects peuvent figurer dans une étude lorsque
la stratégie thérapeutique ou la pathologie considérée le justifie.
En tout état de cause, les motifs d'inclusion et de calcul de ces
coûts seront justifiés, et leur résultat présenté séparément des
coûts directs.
9.2.2
/ Mesure
Traditionnellement,
la mesure des coûts indirects est basée sur le concept dit du "
capital humain ", qui consiste à évaluer les pertes de productivité
à partir des pertes de salaire brut liées à la maladie ou à un traitement
La valeur productive d'une personne étant dans ce cas assimilée
au montant de son revenu, il est d'usage de multiplier le nombre
de journées d'absence par la valeur moyenne nationale de ce revenu,
exprimée soit par la valeur ajoutée moyenne, soit par le salaire
moyen.
Récemment,
une approche dite " frictionnelle " tend à se développer.
Elle consiste à mesurer ces coûts àtravers les surcoûts imposés
à l'appareil productif (heures supplémentaires, sous-traitance,
intérim). Le problème majeur de cette approche tient à l'absence
de données représentatives pour évaluer ces coûts.
Aucune
de ces deux approches n'est pleinement satisfaisante. Toutefois,
Si le point de vue de l'Assurance Maladie est adopté, les indemnités
journalières remboursées aux patients peuvent être prises en compte
pour estimer les coûts indirects. En revanche, du point de vue de
la société, la prise en compte des indemnités journalières n'apparaît
pas justifiée, puisqu'il s'agit simplement de transfert d'agent
à agent.
Recommandation
n°13
Du
point de vue de la société, il est recommandé de présenter l'estimation
des pertes de productivité en unités physiques sans procéder à leur
valorisation (nombre de jours de travail perdus, nombres de journées
de scolarité perdues etc
).
Néanmoins,
si le point de l'étude est celui de l'Assurance Maladie, le montant
des prestations en espèces versées par les caisses doit être pris
en compte.
9.3
Les coûts intangibles
Ces
coûts ont trait à la perte de bien-être du patient et de son entourage,
liée à la maladie. Il s'agit du coût humain et psychologique de
la maladie (souffrance, douleur, perte de la vie, etc.).
Ces
coûts sont implicitement, voire même explicitement, pris en considération
dans les études intégrant des notions de qualité de vie, adoptant
par exemple l'approche de la disposition à payer, ou dans les études
coût-bénéfice.
Recommandation
n°14
Les
coûts (bénéfices) intangibles étant d'une nature radicalement différente
des coûts directs ou indirects, leur sommation avec ces derniers
n'est pas pertinente. Les coûts intangibles peuvent néanmoins faire
l'objet d'une étude spécifique (qualité de vie, disposition à payer
).
10
TYPES DE RÉSULTATS RETENUS ET LEURS MESURES
Le
principe des études de pharmaco-économie étant de rapprocher le
coût des traitements de leur résultat, la définition et la mesure
de ce dernier constituent une question cruciale pour le processus
d'évaluation.
En
effet, il existe plusieurs façons de définir le résultat d'un traitement'
comme il existe plusieurs méthodes pour le mesurer.
La
variabilité des indicateurs de résultat dépend du but de l'étude,
du type de l'étude, de la nature des données disponibles, des indications
du produit figurant dans l'AMM, etc.
On
retiendra principalement quatre variantes de la notion de résultat
avec leurs indicateurs spécifiques l'efficacité, la qualité de vie,
l'utilité, la disposition à payer.
On
évoquera ensuite l'expression qui en est proposée par des indicateurs
synthétiques.
10.1
L'efficacité
10.1.1
/ Définition de l'efficacité
L'appréciation
de l'efficacité d'un traitement soulève, quant à sa définition même,
plusieurs questions.
·
Efficacité expérimentale (efficacy) et efficacité en situation réelle
(effectiveness)
Les études cliniques mesurent l'efficacité expérimentale au sens
où leurs résultats sont obtenus dans des protocoles expérimentaux
ou dans des situations de prescription contrôlée. Ces résultats
ne peuvent donc être tenus pour équivalents à une mesure de l'efficacité
" réelle ", telle qu'elle pourrait être mise en évidence
dans des conditions de prescription et de consommation ordinaires.
Or, c'est évidemment l'efficacité liée à un usage courant, "en
routine ", c'est-à-dire l'efficacité en situation réelle, qui
intéresse le décideur.
Des
contraintes de temps ou de budget peuvent néanmoins conduire à retenir
l'efficacité expérimentale qui apparaît dans les essais cliniques
de phase Il ou 111, lors d'un premier enregistrement et lorsque
le produit n'est pas encore sur le marché.
Recommandation
n°15
Dans
la mesure du possible, pour les études de pharmaco-économie, on
privilégiera l'efficacité en situation réelle par rapport à l'efficacité
théorique. Néanmoins, si l'efficacité théorique est retenue, on
s'efforcera de la transformer en efficacité en situation réelle
par une estimation appropriée.
·
Efficacité intermédiaire (surrogate end points) et efficacité finale
(final end points)
L'utilisation d'indicateurs d'efficacité intermédiaire (réduction
du niveau tensionnel ou du taux de cholestérol, par exemple) dans
une évaluation économique, soulève deux sortes de difficultés :
- La première
est une difficulté de comparaison seuls les traitements qui abaissent
le niveau tensionnel ou le taux de cholestérol pourront être comparés
entre eux. Mais qu'en est-il alors des autres traitements qui,
agissant sur d'autres paramètres, ont néanmoins des effets sur
la survenue d'un accident vasculaire cérébral ou d'un infarctus
du myocarde ?
- La deuxième
est une difficulté d'interprétation que signifie le coût d'un
abaissement de 20 % de l'un de ces paramètres ?
Ces
difficultés ne peuvent être résolues que si l'on peut valablement
établir une relation entre l'efficacité intermédiaire et l'efficacité
finale.
Recommandation
n°16
Il
est conseillé de privilégier l'efficacité finale dans les études
de pharmaco-économie. Si on ne dispose que d'indicateurs d'efficacité
intermédiaire, i! est nécessaire, autant que possible, d'estimer,
par voie de modélisation, la relation existant entre ceux-ci et
l'efficacité finale.
10.1.2
/ Choix d'indicateurs pertinents de l'efficacité finale
·
Un ou plusieurs indicateurs
Les effets d'un traitement peuvent être multiples et l'expression
de l'efficacité par plusieurs indicateurs pose le problème de son
interprétabilité. Leur combinaison en un indicateur synthétique
soulève des problèmes méthodologiques bien connus d'a~é5ation
et de pondération.
Quant
au choix d'un indicateur unique, il revient à postuler que l'efficacité
est unidimensionnelle, ce qui devra être justifié ou au minimum
explicité.
·
Evénements évités ou durée de survie ?
De nombreuses études choisissent d'exprimer l'efficacité en termes
d'événements critiques évités plus ou moins spécifiques (fractures
évitées, ulcères évités, voire décès évités).
L'avantage
de cette solution est que l'indicateur choisi a un sens qui s'inscrit
parfaitement dans la démarche des cliniciens. Son inconvénient réside
dans le fait qu'il ne permet aucune comparaison avec d'autres pathologies.
Lorsque l'événement évité est un décès, on s'efforcera de l'exprimer
plutôt sous la forme d'années de vie ou d'espérance de vie.
Encore
cet indicateur suppose-t-il l'équivalence dans le temps des années
de vie, et une qualité de vie constante, sauf s'il est corrigé pour
tenir compte de ces facteurs de différenciation. Ces années de vie
gagnées se situant à différentes périodes du temps, le problème
de leur actualisation se pose, mais donne lieu à un débat qui n'est
pas, aujourd'hui, tranché.
Recommandation
n°17
Lorsque
l'efficacité s'exprime par un indicateur unique, il est conseillé
de justifier cette solution et d'expliciter les dimensions de l'efficacité
non prises en compte. Lorsque plusieurs indicateurs sont retenus,
les modalités de leur combinaison éventuelle seront exposées.
Si
l'indicateur exprime un nombre d'événements évités, il convient
de préciser sur quelle durée ce résultat est obtenu. On préférera
le nombre d'années de vie ou d'espérance de vie gagnées ou nombre
de décès évités. Ces années de vie pourront être actualisées ou
non, mois la solution devra être justifiée dons toute a mesure du
possible.
De
même, la qualité de vie de ces années gagnées devrait être caractérisée
par un indicateur approprié.
l0.l.3
/ Mesure de l'efficacité
La
question principale pour estimer la mesure de l'efficacité est celle
de la disponibilité des informations nécessaires.
·
Collecte de données à travers des études cliniques ou clinico-économiques
La mise en évidence du bénéfice clinique d'un traitement en termes
d'efficacité et de tolérance suppose idéalement le recours à une
approche expérimentale.
Ces
études expérimentales constituent donc le gold standard en
matière d'évaluation clinique. Elles comparent des patients randomisés
et affectés à un groupe d'intervention ou à un groupe de contrôle,
pour tester des hypothèses d'efficacité et de sécurité selon des
règles de bonne pratique clinique maintenant bien établies.
Il
est bien connu que la validité interne de ces résultats est bonne,
mais que leur faiblesse principale résulte du fait que ceux-ci expriment
en général une efficacité clinique théorique (efflcacy) et non l'efficacité
observable en situation réelle (effectyveness) compte tenu de leur
caractère artificiel et des contraintes entraînées par les protocoles
(faible validité externe).
Pour
pallier ces difficultés, différentes approches sont possibles essais
cliniques se rapprochant au mieux des situations naturelles, études
rétrospectives cas-témoins, essais d'intervention, études de cohortes,
analyses de bases de données de patients, modélisation, etc.
Chaque
fois que l'on a recours à une méthode non expérimentale, les risques
de biais de sélection et d'interprétation sont importants. Néanmoins,
le recours à différents procédés statistiques (analyses multivariées,
etc.) peut servir à contrôler les éventuels facteurs de confusion
identifiables.
Le
développement de bases de données-patients dans les années à venir
permettra de confronter utilement les conditions effectives d'utilisation
des produits par rapport à leurs conditions théoriques et d'apprécier
indirectement, mais seulement de façon qualitative, leur efficacité
réelle
·
Synthèse de données cliniques
Lorsque plusieurs études cliniques ont été faites sur un même type
d'interventions, des revues de la littérature, voire une méta-analyse
de ces études, peuvent être intéressantes.
Recommandation
n°18
La
mesure de l'efficacité des traitements pour une évaluation économique
peut se faire à partir de différentes sources, études expérimentales,
études d'observation prospectives ou rétrospectives, etc
qui
présentent toutes des avantages, mais aussi des inconvénients. Lorsque
cela sera possible, on procédera à des synthèses de données des
études existantes.
Dans
tous les cas, le choix d'une méthode pour parvenir à la mesure de
l'efficacité devra être argumenté et documenté à partir d'une revue
exhaustive de la littérature internationale publiée.
10.2
La qualité de vie
lO.2.l
/ Définition de la qualité de vie
La
mesure de la qualité de vie liée à l'état de santé est un complément
(parfois un substitut), de l'évaluation de l'efficacité. Elle est
souvent indispensable pour comparer des traitements affectant non
seulement la durée de vie, mais aussi sa qualité et est particulièrement
adaptée au contexte des pathologies chroniques ou récurrentes.
Elle
permet de prendre en compte le point de vue du patient (ou de son
représentant) et d'ajouter aux critères d'évaluation purement médicaux
(biologiques, cliniques - souvent intermédiaires) des critères fonctionnels,
sur les plans physique, social, affectif, etc. Elle fournit donc
une appréciation du patient (ou de son représentant) sur les diverses
conséquences de Sa maladie et/ou de son traitement.
Il
convient de distinguer la notion de qualité de vie de celle d'utilité.
La première se réfère à des échelles psychométriques, souvent multidimensionnelles.
La seconde se réfère aux choix et aux préférences des agents, et
s exprime au moyen d'indicateurs synthétiques. Cependant, ces choix
et ces préférences pourront s'appuyer sur des états de santé définis
grâce à des mesures de qualité de vie.
La
construction d'un indicateur unique d'efficacité, combinant à la
fois des critères de jugement cliniques et des mesures de qualité
de vie, ne constitue pas un véritable indicateur d'utilité.
Recommandation
n°19
Dans
une étude d'évaluation économique, il est souvent important de mesurer
la qualité de vie des patients, information qui ne peut être fournie
par les mesures classiques de l'efficacité clinique. La mesure de
la qualité de vie est particulièrement pertinente dons le cas de
pathologies chroniques ou récurrentes.
10.2.2
/ Mesure de la qualité de vie
La
mesure de la qualité de vie peut être effectuée
-
soit dans le cadre d'essais cliniques,
- soit dans le cadre d'essais en situation réelle dans un contexte
méthodologique rigoureux,
- soit dans des études descriptives.
Plusieurs
types d'instruments de mesure ou échelles de qualité de vie sont
disponibles, le plus souvent sous forme de questionnaires auto-administrés.
Les choix possibles pour une mesure de qualité de vie sont :
-
une échelle générique seule,
- une échelle spécifique seule,
- une échelle générique et une échelle spécifique.
Les
mesures génériques évaluent l'état des patients quelle que soit
leur pathologie. Ces mesures ont la faveur des décideurs en matière
de santé, car elles permettent de comparer des groupes de patients
souffrant de pathologies différentes.
Souvent
leurs propriétés psychométriques sont bien décrites, et des données
de référence sont disponibles. Cependant, développées pour d'autres
applications que la recherche clinique, ces mesures sont rarement
suffisamment sensibles au changement.
Les
mesures spécifiques à une pathologie, ou a un groupe particulier
de patients, concernent les aspects de santé, de bien-être ou de
qualité de vie, qui sont affectés, en priorité, par la pathologie
en question.
Ces
mesures sont, souvent, plus sensibles aux variations de la qualité
de vie que les mesures génériques, ce qui explique l'intérêt que
leur portent les cliniciens.
Afin
de permettre une évaluation pertinente et exploitable, les mesures
spécifiques doivent contenir des questions qui évaluent l'impact
sur la qualité de vie des sujets, des conséquences directes ou indirectes,
immédiates ou tardives, des symptômes et de leur traitement.
Le
choix du/des instrument(s) de mesure sera dicté par le type d'étude
-
d'une pathologie une échelle générique permet de faire des
comparaisons avec d'autres pathologies et de hiérarchiser leurs
conséquences
-
comparative entre produits : l'utilisation d'un instrument
générique permettra de comparer ces produits entre eux et avec d'autres
alternatives de traitement tant pour une pathologie qu'au-delà de
celle-ci l'utilisation d'un instrument spécifique ne permettra de
comparaisons que dans le cadre strict de la pathologie concernée.
Recommandation
n°20
Pour
la mesure de la qualité de vie, il est recommandé de n'utiliser
que des instruments ayant fait l'objet d'un processus de validation
et d'associer une échelle générique à une échelle spécifique.
Néanmoins,
il peut être pertinent de n'utiliser qu'un seul des deux instruments,
à condition de le justifier.
10.3
L'utilité
10.3.1
/ Définition de l'utilité
Pour
la théorie économique, l'utilité d'un bien ou d'un service est pour
un agent économique, dont le comportement est supposé rationnel,
la contrepartie du coût qu'il accepte de payer pour l'obtenir. Elle
se distingue du concept d'utilité médicale qui apprécie le bien
fondé d'un traitement pour un patient dans des circonstances données.
Dans
le domaine de la santé, l'utilité (au sens économique du terme)
accordée a différents états de santé exprime, au moyen d'indicateurs
appropriés, les préférences que les individus (patients, population
générale) révèlent a l'égard de ces différents états. L'utilité
d'un médicament n'est pas prise en compte en tant que telle, mais
au travers des jugements de valeur portés par les individus sur
l'état de santé obtenu grâce au traitement
Recommandation
n°2 I
La
prise en compte des utilités a une signification différente de la
mesure technique du résultat du traitement. Elle exprime sur celui-ci
la vision des individus (patients, population générale) et constitue
un autre critère d'aide à la décision, qui peut être particulièrement
justifié dans certaines pathologies et/ou interventions thérapeutiques.
10.3.2
/ Mesure de l'utilité : méthodes de révélation des préférences
Il
existe de nombreuses méthodes et diverses combinaisons possibles
de révélation des préférences. On distingue principalement trois
méthodes pour permettre aux intéressés d'exprimer leurs préférences
sur divers états de santé.
·
Utilisation de méthodes de classement au moyen d'échelles visuelles
analogiques
Chaque état est repéré sur une échelle et sa place exprime la valeur
que lui accorde l'interrogé par rapport aux références (par exemple,
O = mort I = parfaite santé) qui lui sont proposées.
Cette
mesure directe de la qualité d'un état de santé peut alors servir
de coefficient de pondération à l'indicateur d'efficacité (nombre
d'années de survie). Si la méthode est aisée, son résultat est difficile
à interpréter, parce qu'il n'est pas l'expression d'un choix, pas
plus que celle de l'utilité des différents états de santé. De plus,
on ne connaît pas la métrique de telles échelles.
·
Utilisation des loteries (Standard gamble)
La méthode des loteries est conforme à la théorie de l'utilité espérée
et des choix dans l'incertain puisque les états de santé envisagés,
comme alternatives de l'état actuel, sont affectés de probabilités
d'occurrence. Mais elle est d'un usage difficile, car les interrogés
ont du mal à s'exprimer sur des probabilités et les choix proposés
sont souvent peu réalistes.
·
Marchandage-temps (Time trade-off)
Il conduit à exprimer le nombre d'années de survie dans un état
de qualité donnée, que les individus sont prêts à échanger contre
un certain nombre d'années de vie en parfaite santé (ou de qualité
supérieure). Mais cet échange ne se réfère pas à l'utilité de ces
années de vie en bonne santé et ne situe pas les termes de l'échange
dans des conditions d'incertitude.
En revanche, le marchandage-temps est relativement aisé à pratiquer.
Recommandation
n°22
Parmi
les différentes méthodes de révélation des préférences sur les états
de santé caractérisés par leur qualité de vie et leur durée, les
échelles visuelles analogiques doivent être utilisées avec précaution,
en raison des problèmes que suscite leur interprétation. La méthode
des loteries et le marchandage-temps paraissent donc plus appropriés
avec des qualités et des limites différentes de l'une de l'autre.
Les raisons qui auront conduit à retenir une méthode plutôt que
l'autre devront donc être explicitées dans les études d'évaluation.
10.4
La disposition à payer (Willingness to pay)
La disposition
à payer (w'illingness to pay) permet d'estimer la valeur que les
agents économiques attribuent à un bien ou un service, et ceci par
le biais de la somme que ces individus déclarent être prêts a payer
pour en bénéficier Ainsi, cette méthode autorise l'intégration des
préférences individuelles dans des analyses de type coût-bénéfice
et permet d'exprimer en termes monétaires un jugement global sur
le résultat (état de santé obtenu à la suite d'un traitement).
La
disposition a payer, qui en est encore au stade expérimental, se
heurte pour sa révélation à deux types de biais :
- un biais
de réponse dû à une mauvaise spécification du scénario, à un ancrage
de la réponse sur un indice de valeur-seuil ou à un comportement
stratégique du répondant ;
- un biais
de sélection dû à la non prise en compte, dans l'analyse statistique,
des non réponses ou des réponses de contestation.
Recommandation
n°23
L'utilisation
de la disposition à payer dans l'évaluation pharmaco-économique
se situe encore à l'état expérimental. Dans tous les cas, le recours
à cet outil devra être justifié.
I
0.5
Les indicateurs synthétiques de résultat
En
dehors des indicateurs simples d'efficacité (par exemple le nombre
d'années de vie sauvées> ou de qualité de vie (variations observées
sur les échelles génériques ou spécifiques), il existe un certain
nombre d'indicateurs synthétiques qui entendent exprimer plusieurs
dimensions des résultats obtenus par un traitement.
Parmi
ces indicateurs, et sans entrer dans les débats théoriques qu'ils
suscitent; on peut dire que les plus connus sont les QALYs (QuaIîty
Adjusted Life Years) ou AVAQ (Années de Vie Ajustées par la Qualité).
Encore
faut-il distinguer plusieurs variantes de ces AVAQ, en fonction
de la méthode de révélation des préférences et en fonction de la
population interrogée (patients, experts ou population générale).
Recommandation
n°24
Si
le résultat des traitements exprime par l'intermédiaire d'un indicateur
synthétique à la fois l'efficacité et la qualité de vie, il est
préférable que ce deuxième aspect soit le reflet des préférences
individuelles.
Selon
la perspective adoptée, ces préférences seront celles de la population
générale (perspective sociétale) ou celles des patients directement
concernés (perspective patients)
Elles
peuvent prendre la forme de coefficients d'utilité attribués à des
états de santé ou être obtenues à travers clos indicateurs de qualité
de vie qui les intègrent dons leur construction. Quelle que soit
l'option retenue, l'essentiel est que Soient précisés le mode de
calcul de ces indicateurs synthétiques. le statut des individus
qui sont à l'origine de ces préférences et que les hypothèses sous-jacentes
soient validées.
11
ACTUALISATION DES COÛTS ET DES BÉNÉFICES
L'horizon
temporel des différentes stratégies thérapeutiques est plus ou moins
éloigné selon les cas. Dans les études portant sur des horizons
temporels pluriannuels, le problème du recours à l'actualisation
se pose. Celle-ci consiste à prendre en compte la préférence des
individus pour le présent.
Trois
aspects caractérisent la problématique de l'actualisation :
- la prise
en compte ou non de la préférence intertemporelle des individus
;
- le taux à
retenir ;
- l'actualisation
ou non des bénéfices et sa légitimité.
Si
l'on se réfère aux recommandations existantes au niveau international,
il semble relativement admis d'avoir recours aux taux d'actualisation
de 2.5% et 5% en ce qui concerne les coûts. Cependant, le problème
de l'actualisation des bénéfices reste un point de débat; la dépréciation
du futur (lorsque l'on fait référence à des vies sauvées) n'étant
pas admise par tous.
Recommandation
n°25
Il
est recommandé dans tous les cas d'actualiser les coûts. L'actualisation
des coûts peut être effectuée à des taux conventionnels (2.S%, S%),
mais doit faire l'objet d'une analyse de sensibilité faisant varier
ces taux. La question de l'actualisation des bénéfices n'étant pas
encore tranchée, il convient de les présenter avec et sans actualisation.
Dans tous les cas, le résultat non actualisé devra être présenté
dans les études.
12
MODÉLISATION
Un
modèle est une représentation simplifiée, raisonnée et formalisée
d'un phénomène réel que l'on cherche à analyser Les modèles sont
utilisés pour rendre compte de situations trop complexes pour être
appréhendées directement et en cas d'information imparfaite. Ils
agissent ~n réduisant les situations a leurs déterminations essentielles
et en isolant ces dernières des multiples influences secondaires
qu'elles peuvent subir dans la réalité. Bien qu'il existe des modèles
qualitatifs, le choix de la quantification et de l'expression mathématique
constitue en outre un gage de rigueur Ces différentes opérations
impliquent des choix théoriques, notamment sur la nature de ce qui
est essentiel, donc a retenir dans le modèle, et de ce qui ne l'est
pas. Tout modèle, y compris les observations protocolisées (essais
cliniques), est une interprétation de la réalité.
Dans
l'évaluation économique des traitements médicaux, le modèles ont
plusieurs domaines d'application. Ils peuvent aider à clarifier
les conséquences de processus décisionnels, a simuler l'effet de
politiques alternatives, a retracer des chaînes causales complexes.
Sans se substituer aux données d'observation, ils complètent ces
dernières quand elles sont trop partielles pour pouvoir pleinement
répondre aux préoccupations du décideur C'est le cas quand on ne
dispose que de données à court terme pour évaluer un processus de
longue période, quand on n'a accès qu'a des données d'efficacité
sur critère intermédiaire pour évaluer un effet final, quand l'observation
ne porte que sur des populations particulières et non sur l'ensemble
de la population éligible du traitement.
Il
existe de nombreuses techniques de modélisation. Certaines sont
à but
explicatif, par exemple les modèles statistiques multivariés qui
cherchent à relier les variations d'une grandeur à celles de variables
" explicatives ". D'autres sont projectifs et cherchent
à mesurer les conséquences de décisions alternatives dans un univers
incertain mais probabilisable (arbre de décision, processus stochastiques,
chaînes de Markov,...). Les modèles de Markov sont particulièrement
bien adaptés à l'évaluation des traitements médicaux. Il s'agit
de modèles dynamiques stochastiques retraçant l'évolution d'une
population évoluant de manière probabiliste entre différents "
états " auxquels sont attachés un coût et une mesure d'état
de santé.
Les
modèles sont soumis à un double processus de validation interne
et externe. La validation interne met en cause la pertinence des
données et la cohérence de la structure qui les organise. La validation
externe repose sur l'adéquation des dynamiques simulées à celles
qui sont réellement observées.
Les
enseignements d'un modèle étant essentiellement dépendants des hypothèses
qui ont présidé à sa construction, il importe de s'assurer de leur
robustesse par des analyses de sensibilité.
Recommandation
n°26
Le
modélisation est une technique parfaitement recevable pour l'évaluation
des stratégies thérapeutiques dons toutes les situations d'information
imparfaite ou inadaptée ou problème étudié. Elle peut permettre
d'effectuer tant l'évaluation des coûts que celle des résultats.
Encore Faut-il que les hypothèses et les estimerions sur lesquelles
repose le modèle soient explicitées, documentées et que leur robustesse
soit vérifiée par des analyses de sensibilité. Le modèle quant à
lui devra être validé tant du point de vue interne (cohérence avec
les données) que d'un point de vue externe (adéquation des résultats
du modèle aux évolutions observées).
13
VÉRIFICATION DE LA ROBUSTESSE DES
CONCLUSIONS DE L'ÉTUDE
La
démarche d'évaluation économique repose sur une analyse en situation
d'incertitude. Les paramètres utilisés peuvent parfois manquer de
précision ou reposer sur des hypothèses. C'est pourquoi, il est
nécessaire de se donner des seuils.
L'incertitude
peut se mesurer de deux manières : l'analyse de sensibilité et l'étude
statistique des distributions.
- Une analyse de sensibilité consiste à faire varier les paramètres
pertinents du modèle autour des valeurs initialement retenues. Elle
ne dispense pas de la justification de ces valeurs initiales et
de leur intervalle de variation à partir de données existantes sur
des populations comparables, mais elle permet de vérifier la robustesse
des conclusions et d'identifier les variables-clefs du modèle.
-
L'étude classique des distributions statistiques sera effectuée
sur les coûts et les résultats. Ainsi, à l'exemple des paramètres
d'efficacité, les propriétés de distribution des coûts, en particulier
médiane, moyenne, intervalle de confiance, premiers quartiles et
valeurs aberrantes, seront examinées.
Recommandation
n°27
Dons
toute analyse de sensibilité, il convient d'identifier et de justifier
les variables-clefs, et de justifier leur valeur initiale et leur
intervalle de variation. Il est souhaitable de réaliser une analyse
de sensibilité sur plusieurs paramètres à la fois. On privilégiera
cependant les analyses bi ou tri-dimensionnelles pour une meilleure
lisibilité (quand trop de paramètres varient en même temps, les
résultats deviennent ininterprétables).
De
plus, la présentation des résultats d'une étude en termes de coût
et d'effet d'un traitement peut être éventuellement assortie d'une
étude des distributions statistiques et notamment, des intervalles
de confiance correspondants.
14
PRÉSENTATION DES RÉSULTATS
14.1
Considérations générales
La
présentation des résultats doit contribuer à la transparence de
l'étude. A cet effet, il est essentiel que les lecteurs de l'étude
puissent se faire une idée exacte de la manière dont ont été obtenus
les résultats, notamment lorsqu'il est fait appel à une modélisation,
et comprendre aisément le raisonnement suivi.
Recommandation
n°28
Le
rapport sera présenté en tenant compte des différents points évoqués
dons ces recommandations. Les résultats de l'étude devront être
présentés par étapes successives, en distinguant les effets des
traitements d'une part, et les coûts d'autre port. Il est conseillé
de détailler les calculs, afin qu 'il soit possible d'en vérifier
la justesse et la pertinence
Il
convient de fournir l'ensemble des données cliniques épidémiologiques
et économiques, indispensables à la validation et à la parfaite
compréhension de l'étude.
Des
références bibliographiques précises devront être fournies. En particulier,
les sources utilisées pour le calcul des coûts devront être précisées.
Afin
de faciliter la lecture de l'étude, cette présentation détaillée
pourra faire l'objet d'annexes
Enfin,
le commanditaire de l'étude devra être mentionné afin d'améliorer
la transparence de celle-ci.
14.2
Les ratios
Les
ratios coût-efficacité (OU coût-utilité) ont pour mission d'exprimer
de façon synthétique les résultats de l'évaluation comparative des
différents traitements. Cette évaluation implique que ces ratios
se présentent sous une forme différentielle, la différence de coûts
entre deux traitements y étant rapportée à la différence d'effets
imputables à ces mêmes traitements. Encore faut-il que soit précisé
de façon suffisante le contenu du numérateur et du dénominateur
afin, notamment, d'éviter les doubles comptages (le même phénomène
étant exprimé à la fois au numérateur et au dénominateur).A cet
effet, on évitera par exemple, lorsque le ratio exprime le coût
d'une année de vie épargnée, de valoriser au titre des coûts, les
années de vie perdues.
Recommandation
n°29
Les
ratios coût-efficacité (ou coût-utilité) devront être exprimés sous
forme différentielle pour constituer un critère d'aide à la décision.
Les variations quant à l'utilisation des ressources devront figurer
au numérateur et celles qui .affectent l'état de santé au dénominateur
en prenant soin d'éviter les doubles comptages.
Les
éléments de ces ratios (coûts et résultats) seront .par ailleurs,
présentés avec leur distribution statistique (moyenne, médiane.
intervalle de confiance. etc...).
14.3
La différenciation des résultats : l'analyse par sous-groupes
Au
sein de la population-cible susceptible de bénéficier du traitement,
ou de la population rejointe qui reçoit le traitement en pratique
médicale courante, il pourra s'avérer utile de présenter les résultats
de l'étude pour sous-groupes de patients.
Recommandation
n°30
Les
résultats d'une analyse par sous-groupe de patients au sein de la
population-cible ou de la population rejointe pourront être présentés.
si le nombre de sujets concernés. au regard de la méthodologie statistique
employée. est suffisant pour que les résultats de cette analyse
soient significatifs. Il sera nécessaire ou préalable de démontrer
la pertinence de cette analyse.
14.4
Aspects distributifs et problèmes d'équité
Toute
méthode de calcul susceptible de globaliser ou de pondérer des résultats
(procédure d'agrégation, actualisation des avantages, etc.) et pouvant
masquer des problèmes d'équité en favorisant ou en défavorisant
un groupe de patients doit être discutée. Il faut notamment manier
avec précaution les sommes d'années de vie cumulées. Par exemple,
un traitement permettant de faire gagner 10 années de vie à un patient
n'a pas la même valeur que celui qui fait gagner I année de vie
à10 patients. Pourtant le résultat globalisé est identique. Le choix
de l'un plutôt que l'autre implique une prise de position en termes
d'équité.
Recommandation
n°3I
Il
est recommandé d'expliciter un résultat agrégé, en raison des problèmes
d'équité éventuellement sous-jacents aux méthodes d'agrégation.
14.5
Les horizons temporels de l'évaluation
Il
se peut que l'évaluation se fasse dans des conditions différentes
selon l'horizon temporel. Dans un premier temps, celui-ci peut être
borné par la durée des essais randomisés ou des études d'observation
sur lesquels repose cette évaluation économique. Mais Si cette période
d'observation est considérée comme insuffisante, les études proposées
peuvent tenter de l'élargir par le moyen d'extrapolations ou de
modélisation plus cornplexe.
Recommandation
n°32
Si
l'étude comporte à la fois des résultats à Court terme issus d'essais
cliniques et des résultats à plus long terme reposant Sur une modélisation
ou sur l'observation. il convient de présenter séparément les résultats
de ces deux étapes avant de procéder à leur agrégation éventuelle.
Dans
le cas ou une agrégation est proposée, la technique d'agrégation
et ses Iimites doivent être justifiées et discutées.
14.6
Un format standard pour la présentation des études
La
plupart des "guidelines " formulées dans les différents
pays développés contiennent des recommandations quant à la liste-type
des items que doit contenir la présentation des études. Certaines
vont même assez loin dans l'exigence de précision pour cette présentation.
Les présentes recommandations soucieuses de ne pas rendre celle-ci
trop formelle ni trop rigide se borneront à évoquer la liste des
points que toute étude devrait s'efforcer d'expliciter.
Recommandation
n°33
Dans
toute la mesure du possible, les rapports présentant les résultats
d'une évaluation comparative des stratégies thérapeutiques devraient
éclairer le lecteur sur les points suivants :
-
les enjeux du problème traité
- le point de vue (la perspective) adopté
- le type d'étude retenu et les raisons de ce choix
- la population concernée
- les comparateurs pris en compte
- les données médicales sur lesquelles repose l'analyse
- les différents types de coûts pris en compte, leur source et leur
expression (en indicateurs physiques et en valeur)
- les différents effets du traitement, leur expression et leur source
- les procédures et modalités de l'actualisation
- les méthodes de prise en compte de l'incertitude
- les ratios différentiels et leur variabilité
- les limites de l'évaluation présentée.
15
PRÉVISIONS BUDGÉTAIRES
L'estimation
des conséquences budgétaires à court et moyen termes (2-3 ans) pour
les différents agents du système de santé (Assurance Maladie, assurances
complémentaires, ménages. hôpital public, praticiens libéraux, etc.).
consécutives à la mise en uvre d'un traitement nouveau, est
un objectif secondaire important des évaluations pharmaco-économiques.
Ce type d'analyse vient logiquement en aval des études précédentes.
Il
s'en distingue à beaucoup d'égards par les choix méthodologiques
qu'il suppose :
- une prise
en compte systématique des tarifs et des flux financiers effectifs
(coûts directs et coûts variables)
- une perspective
de court et moyen termes (2-3 ans)
- une prise
en compte des modes de financement réels des structures et des
agents intégrant les rigidités structurelles et les modifications
des pratiques médicales face à l'innovation
- une perspective
de généralisation du traitement (c'est-à-dire sur l'ensemble du
système de santé) incluant les effets de substitution avec les
thérapeutiques usuelles, les prévisions de parts de marché en
cas de situation concurrentielle, et les coûts évités à court
et moyen terme compte tenu de l'efficacité des traitements
- une prise
en compte des spécificités des populations recevant effectivement
le traitement évalué (population-cible, population rejointe, sous-groupes
définis de patients. etc.).
Recommandation
n°34
En
complément des évaluations pharmaco-économiques qui se situent à
un niveau micro économique, il peut être utile de faire une extrapolation
des résultats obtenus, afin d'estimer l'incidence budgétaire des
traitements étudiés pour les principaux agents concernés, à court
et moyen termes, en cas de généralisation du traitement.
De
telles estimations, qui peuvent être plus ou moins développées seIon
les cas devront détailler les hypothèses sur lesquelles elles sont
fondées.
CONCLUSION
:
LES PERSPECTIVES OUVERTES PAR CES RECOMMANDATIONS
Il
est certain que les recommandations qui précèdent sont sous la dépendance
d'un état de nos connaissances sur les méthodologies de l'évaluation
économique, qui est celui du moment où elles ont été formulées.
A cet égard, elles présentent forcément quelques similarités avec
d'autres " guidelines " formulées au cours de ces
dernières années dans un certain nombre de pays de développement
comparable au nôtre.
La
première conclusion à en tirer est qu'elles devront nécessairement
être actualisées en fonction des progrès qui pourront être accomplis
tant au plan théorique ou méthodologique que dans leurs applications
concrètes pour l'éclairage des décisions. Outre cette actualisation,
deux grands chantiers s'ouvrent au terme de ce premier effort :
- La constitution
d'une base de données documentaire de l'ensemble des études françaises
de pharmaco-économie. Il s'agira de repérer, d'inventorier et
d'analyser toutes les études qui ont été faites dans les dix dernières
années, à commencer par celles qui ont été publiées, mais aussi
celles qui ne l'ont pas été.
- L'établissement
de données comparatives issues de ces études françaises concernant
leurs résultats (ratios coût-efficacité, coût-utilité, ou coût-bénéfice)
selon les divers types d'intervention faisant l'objet de ces évaluations.
Encore faut-il préciser d'emblée que ces listes de ratios ("
league tables") n'auront de sens que si l'homogénéité des
méthodes de calcul comme du contenu de leurs composantes (coûts
et résultats) a été préalablement vérifiée ou assurée par des
ajustements appropriés.
Enfin,
nous ne saurions oublier de saisir l'opportunité que nous a fournie
cette réflexion, pour dire combien il est important de favoriser
l'accessibilité aux études d'évaluation, notamment au travers d'un
effort systématique des auteurs pour chercher à les publier dans
des revues à comité de lecture.
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